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12/09/2014

Comment qu'tu jactes ?

Les actualités linguistiques se suivent et se ressemblent…

 

§  Le centre commercial Parly II, dans les mêmes termes que celui de la Défense en juin 2014, fait sa publicité en franglais :

Unexpected shopping Parly II retouché.jpg

Pourquoi unexpected ? qu’apporte ce mot anglais ?

La traduction en français en petits caractères (obligatoire) et les majuscules accentuées du sous-titre ne nous consolent pas…

 

Unexpected rentrée.jpg

 

§  France Inter a signalé, le 8 septembre 2014, qu’il y avait 250000 illettrés en France, qui sont naturellement handicapés quand il s’agit de remplir un formulaire à Pôle Emploi ou un chèque, et même de prendre un bus (car il faut lire son numéro).

 

§  Le même jour, cette station de radio a mentionné la publication par Jean Maillet, grammairien et lexicographe, de son livre « Langue française : arrêtez le massacre » aux éditions de l'Opportun, dans lequel il réagit contre le « n’importe quoi » du langage d’aujourd’hui et qui lui a valu un reportage sur Canal+, un débat sur RTL (Les auditeurs ont la parole) et quelques articles dans la presse écrite (Le Parisien, L’Express...voir :http://www.lexpress.fr/culture/livre/sportifs-medias-arre...)

 

§  Un sondage révèle que l’expression « faire le buzz » est l’anglicisme que les plus de cinquante ans détestent le plus… mais « investiguer » et « has been » sont également honnis. Fait rassurant : 90 % des sondés considèrent qu’il est temps de réagir contre l’appauvrissement de la langue de Molière.

 

§  Douche froide : France 2, qui ne sait plus quoi faire pour marquer TF1 à la culotte, recycle les vieilles recettes et camoufle les solutions ringardes sous des étiquettes clinquantes, donc en franglais.

Exemple : le 7 septembre 2014, France 2 fait la promotion de sa nouvelle émission « achetez votre foodtruck » ! Il s’agit d’aider quelques chômeurs (demandeurs d’emploi en novlangue) à s’établir pizzaïolo ou à tenir une « baraque à frites »… vieilles recettes, qui peuvent permettre à quelques personnes de s’en sortir et qui sont par ailleurs directement importées des États-Unis. Mais quel miroir aux alouettes ! quelle duperie ! Encore une fois, certains semblent penser qu’il suffit de baptiser d’un nom anglais n’importe quel vieux coucou pour en faire un objet à la Philippe Stark…

 §  L’Auvergne est un territoire de déracinés, d’émigrants, de nomades et de migrants (voir par exemple Fernand BRAUDEL « L’identité de la France » Arthaud, 1986 et Marc PRIVAL « Auvergnats et Limousins en migrance » Éditions de la Montmarie, 2005). Ils sont allés « se faire voir ailleurs » (Paris bien sûr mais aussi Mexique et Amérique latine). C’est très récemment que certains (une minorité) se sont avisés que peut-être on pourrait rester au pays en faisant venir des « touristes ». Et ils ont produit cette merveille : I lov’vergne… (lu sur la carte du fameux restaurant « Le lac des moines »). Vous n’êtes pas consternés ?

 

11/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre III La réforme Rocard de 1990

Donc en octobre 1989, Michel Rocard, Premier ministre de la France, charge le nouveau Conseil supérieur de la langue française de proposer des « régularisations » de l’orthographe sur un nombre limité de points :

§  Le trait d’union ;

§  Le pluriel des mots composés ;

§  L’accent circonflexe ;

§  Le participe passé ;

§  Et diverses anomalies.

Deux remarques avant d’aller plus loin :

§  Il est particulièrement savoureux de constater que M. Rocard, dont on raillait la sophistication, l’expression alambiquée et le débit torrentueux, a été celui qui a proposé de simplifier la langue… ;

§  Ce projet de réforme a soulevé un tollé et suscité d’innombrables débats dans les médias, bien qu’il ait été adopté par les organismes de politique linguistique belge et québécois, et à l’unanimité par l’Académie française. Il a été publié au Journal officiel en décembre 1990.

 

Cependant, en France, même si tout finit par des chansons, c’est quand un texte est adopté que le moment est venu de commencer à en discuter…

Ainsi l’Académie a-t-elle accompagné son accord unanime par cette précision : « L’orthographe actuelle (d’avant 1990) reste d’usage, et les recommandations du Conseil supérieur de la langue française ne portent que sur des mots qui pourront être écrits de manière différente sans constituer des incorrections ni être considérés comme des fautes ».

Traduit en français, cela donne : on doit toujours s’arrêter aux STOP et aux feux rouges mais on en remplace certains par des triangles ou des feux orange clignotants !

 

Est-ce la fin du psychodrame ?

Le Journal officiel du 19 juin 2008 (qui en a entendu parler, alors que la crise financière éclatait et que M. Sarkozy était omniprésent dans les médias ?) instaure l’orthographe révisée comme la référence.

Le soufflé est retombé, les polémiques sont oubliées mais quid du français écrit d’aujourd’hui ?

10/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre II Les réformes

Les projets de réforme, adoptés ou non, ne manquent pas.

Sur le fond, il y a deux positions :

§  Certains considèrent, soit que la langue est intouchable, comme un monument de notre grandeur nationale, soit qu’elle évolue toute seule, sans qu’il y ait besoin de s’en mêler ;

§  D’autres considèrent, soit que la langue (en particulier l’orthographe) peut représenter une barrière au savoir ou à la progression sociale, soit qu’elle contienne des aberrations typographiques sans autre justification que les aléas de l’histoire ou tout simplement des erreurs.

 

Il y a donc des tenants et des adversaires farouches, chaque fois qu’un projet de modification se fait jour.

Je suis, pour ma part, sur une ligne intermédiaire : il faut toucher à l’orthographe le moins possible (et encore moins à la syntaxe !), il faut absolument enseigner l’orthographe et la typographie (les dictées bien sûr, et aussi ce blogue et d’autres) mais on peut et on doit corriger les aberrations qui subsistent, après analyse approfondie de leur origine, via en particulier l’étymologie (pourquoi chariot et charrette ? pourquoi canard et cannette ?)

 

L’article de Wikipedia

http://fr.wikipedia.org/wiki/Rectifications_orthographiqu...

explique bien ce qu’il y a de fondé et d’infondé dans l’orthographe du français et ses bizarreries apparentes.

Résumons :

Quand le français a été promu « langue administrative » et « langue du royaume » au XIVème siècle, l’Église, les clercs et les juristes ont résisté pour préserver le latin qu’ils utilisaient et les mettaient hors de portée du bas peuple. Ils ont compliqué à plaisir l’orthographe pour y réintroduire du latin. La graphie qui était initialement phonétique est devenue étymologique mais, malheureusement, avec des bourdes énormes (attribution d’une origine latine erronée à un mot français). C’est ce qui avait donné par exemple « sçavoir » pour le mot « savoir ».

L’arrivée de l’imprimerie a été l’occasion d’un verrouillage encore plus fort de l’orthographe, certains introduisant l’étymologie grecque en plus de la latine !

Dès 1550, cependant, il y a eu des tentatives de simplifier et de revenir à la graphie à base de phonétique. Et ensuite de multiples réformes ont vu le jour.

 

 

On considère aujourd’hui que « l’immense majorité des singularités orthographiques du français moderne est pourtant étymologiquement justifié et renoue donc partiellement avec l’origine de la langue ».

 

Voyons donc ce qu’il en est des réformes et des évolutions consignées dans les éditions successives du Dictionnaire de l’Académie. Je reprends l’article de Wikipedia cité plus haut.

 

§  En 1718, c’est la deuxième édition du Dictionnaire, les lettres J et V sont adoptées et différenciées du I et du U ;

§  En 1740, la troisième édition  modifie l’orthographe d’un tiers des mots ! Les accents apparaissent : trône, écrire, fièvre… L’un des combats de ce blogue (accentuer les mots en minuscule et en majuscule) est donc du XVIIIème siècle !

§  En 1835, réforme de l’orthographe lors de la sixième édition : « enfans » devient « enfants » et la conjugaison « oi » devient « ai » ;

§  En 1878, idem avec la septième édition : certains « ë » sont remplacés par « è » ;

§  Début du XXème siècle : « grand’mère » devient « grand-mère » (contrairement à ce que j’ai écrit dans le billet « facéties orthographiques » du 2 septembre 2014) ;

§  L’accord de « vingt » et de « cent » (abordé dans le billet du 26 août 2014) a fait l’objet d’un « édit de tolérance » du ministère de l’Instruction publique (arrêté Leygues) le 26 février 1901. Il propose de tolérer des orthographes multiples dans les concours. Il a été ignoré… mais repris dans l’arrêté Haby de 1977 ;

§  En 1986 et 1999, les noms de métier sont féminisés (« professeur » et « professeure ») ;

§  En 1990, c’est la réforme Rocard, la dernière en date. Elle fera l’objet d’un prochain billet.