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01/11/2015

"La civilisation du spectacle" : retour sur le livre de M. Vargas-Llosa

Dans mon billet du 23 septembre 2015, je rendais compte d'un article du journal Marianne sur le dernier livre de Mario Vargas-llosa, "La civilisation du spectacle".

J'ai depuis trouvé sous la plume de Frédéric Chambe (qui conclut les billets de son blogue par l'amusante formule "Voilà ce que je dis, moi"), datée du samedi 19 septembre 2015, une analyse bien plus affûtée et bien plus sévère. Il a été alléché par le sujet et par la notoriété de l'auteur, Prix Nobel 2010. Il a été déçu après l'avoir lu, et considère que le titre était au mieux une promesse non tenue, au pire une imposture prétentieuse.

 

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Dans un premier temps, il approuve le constat : "Le monde actuel, en privilégiant le loisir, le divertissement et la consommation, a assassiné la culture". Et aussi l'ambition, à travers une définition de la haute culture : "classique, traditionnelle, celle par laquelle l'homme tend à s'élever au-dessus de lui-même". Or "la marchandisation de tout tire tout vers le bas, en mettant sur le même plan, une paire de bottes et l'œuvre de Shakespeare". C'est ce que disait déjà Alain Finkielkraut dans "La défaite de la pensée" en 1987. Il existe pourtant "une hiérarchie dans la culture, qui sait différencier la démarche qui prône un effort constant et une exigence de la part de celui qui se cultive, et la démarche qui se borne à des produits culturels de consommation courante véhiculés par la publicité, faits pour suivre les modes et disparaître sitôt absorbés".

 

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Mais il reproche à Vargas-Llosa de brasser des idées rebattues. D'enfoncer des portes ouvertes. D'énoncer trop souvent des banalités.

Et aussi le manque d'unité du livre, qui donne une impression d'hétérogène et de disparate.

Et encore pire de mettre sur le même plan sectes et religions reconnues.

Et de panacher la conclusion de son livre par des extraits de ses discours ici ou là.

Au total donc un livre "banal, consensuel et mal foutu, où l'on trouve à la fois du très juste mais qui court les rues, et du n'importe quoi".

 

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Maintenant, mon commentaire à moi : sur le livre et l'auteur, je suis convaincu. MVL a fait du "recyclage de mandarin", comme toutes les célébrités à la fois adulées et pressées de produire sans cesse. Beaucoup d'écrivains ont publié de ces livres "alimentaires". Il faut bien vivre, et continuer à faire les Unes !

Sur la culture, évidemment je suis d'accord pour déplorer sa marchandisation. Mais les "clients", les "pratiquants" de cette culture abâtardie, c'est bien nous ! C'est nous qui allons voir les délires de Jeff Koons, qui sommes scotchés devant Arthur ou Hanouna, qui nous gavons de séries policières et de films fantastiques à la sauce américaine... Quant aux pubs omniprésentes, tant que des snobs persisteront à les considérer comme de l'art et à les ingurgiter avec gourmandise...

 

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Le monde peut changer si nous le voulons.

 

 

23/09/2015

La civilisation du spectacle (Mario Vargas-Llosa)

La guerre de la fin du monde.jpg

 

Il y a longtemps (juillet 1999), j'avais commencé "La Guerre de la fin du monde" (1981) de Mario Vargas-Llosa, écrivain péruvien né en 1936. Ce livre est l'épopée d'une sorte de Bolivar au Brésil, à la mode sud-américaine que j'adore (Garcia-Marquez, Carpentier…). J'en avais interrompu la lecture à l'époque pour je ne sais plus quelle "urgence littéraire" mais il figure toujours dans ma liste d'attente ("Un jour, je l'aurai…" disait une publicité des années 2000). Passons.

 

Dans son édition du 26 juin 2015, l'hebdomadaire Marianne consacrait une interview par Hubert Artus du Prix Nobel de littérature 2010 à propos de ses deux nouveaux livres : un essai La civilisation du spectacle et un roman Le héros discret.La civilisation du spectacle.jpg

Le premier fait penser, et ce n'est sans doute pas un hasard, à La société du spectacle de Guy Debord.

Voici quelques extraits de l'entretien.

"(Il soutient que) la culture au sens traditionnel de ce mot est sur le point de disparaître et que le monde est engagé dans un irréversible processus de décadence intellectuelle et spirituelle".

Sa réponse ? "(Combattre) avec fermeté, en respectant le droit et la loi mais sans faire aucune concession sur les valeurs fondatrices que sont la liberté, la diversité, l'égalité homme-femme, le respect des croyances… L'Occident doit en être fier et les utiliser dans sa réponse au défi. L'utopie religieuse est ce qui remplace l'utopie communiste de nos jours. Mais l'islamisme sanguinaire, extrême, n'aura jamais la force qu'avait le communisme : celui-ci avait un esprit idéaliste de changement, une dimension de rêve… Comme toutes les sociétés ouvertes et libres, l'Occident est vulnérable mais je ne pense pas qu'il va être détruit".

"La fonction de la littérature reste la même : utiliser l'expérience de la réalité pour créer une vérité différente, grâce à laquelle nous comprendrons mieux le monde où nous vivons. Créer une dualité qui enrichit nos rêves et nos désirs.

La littérature doit aussi demeurer pédagogique, pour que cet espace entre monde réel et monde littéraire devienne celui de la distance critique. La critique, voilà ce qui a toujours été le moteur des transformations de nos sociétés. C'est une réussite de la civilisation occidentale et des sociétés démocratiques. Et la littérature est la meilleure expression de cet esprit, non ?".

"La culture du divertissement abolit la distance critique et participe non à la disparition mais au dépérissement de la culture du livre. À son remplacement par une culture de l'image, qui est superficielle et passagère.

L'esprit critique allait de pair avec la culture des idées, de la parole, et il est aboli.

… Seules comptent la frivolité, l'image, les gestes et l'apparence".

"Les intellectuels ont aujourd'hui perdu leur prestige ; plus personne ne s'intéresse à leur avis. Et ils ne contribuent pas à relever l'utilité et le rôle des idées dans la vie publique. Ça conduit soit à la barbarie, soit au contrôle technologique de la société".

Vargas-Llosa.jpgCette dernière réflexion pénalise le reste de la démonstration, même s'il est question de "certains intellectuels qui acceptent de devenir des clowns"… Car Vargas Llosa est lui aussi un intellectuel. Ses avis intéresseront-ils les gens, en particulier les plus jeunes ? Arrivé à un certain âge, ne devient-on pas obligatoirement un conservateur, chantre du "c'était mieux avant" et du "la culture n'est plus ce qu'elle était" ?

Au demeurant, je partage ses idées sur les dégâts de cette civilisation du divertissement et du clinquant (en France : Hanouna, Arthur, Nagui, Delarue et comparses) et sur la nécessité de réagir et de défendre nos valeurs.