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13/04/2018

"Génération J'ai le droit" (Barbara Lefebvre) : critique V

Pour faire bonne mesure, Barbara Lefebvre renvoie la droite et la gauche (françaises) dos à dos : « Elle (la gauche) a joui sans entraves des bienfaits de cet élitisme bourgeois qu’elle adore détester mais qu’elle incarne avec une morgue sans égal. (La droite) a la vertu de l’assumer (le système de privilèges) au nom d’un libéralisme dévoyé et d’un individualisme vénal presque revendiqué » (page 88).

Et voici, page 93, après un commentaire des innombrables enquêtes qui déferlent dans les médias chaque année, ce qui concerne directement ce blogue : « Il suffit de lire les bandeaux déroulants sur les chaînes d’info en continu ou les tweets de tel ou tel conseiller ministériel, tous écrits précipitamment et sans relecture, pour constater l’état de la maîtrise orthographique, en particulier l’orthographe grammaticale ».

« L’abrutissement général est équitablement réparti, ce qui doit réjouir les gardiens du temple : l’égalité des malchances, c’est déjà de l’égalité ! » (page 94).

Les résultats des enquêtes de diverses origines sont concordants et accablants pour le système éducatif français ; à ce constat calamiteux, trois causes : les méthodes d’apprentissage, les programmes et la formation des maîtres. Un sans-faute dans l’erreur, sauvé par un déni persistant !

L’idée d’un « socle de compétences théoriques, réflexives et pratiques fondamentales » date de l’allongement de la scolarité obligatoire à 16 ans, c’est-à-dire de 1967, et pourtant nous n’en avons entendu parler qu’au moment des célèbres définitions des pédagogistes pour les verbes « nager » ou « courir »… Et encore, cela a popularisé la notion de compétence (et fait rigoler la France entière) mais non pas la notion de « fondamental » ou de « minimal ». Barbara Lefebvre nous apprend que, dans ce domaine comme dans d’autres, le traité de Maastricht nous a livrés à l’autorité de la Commission européenne et que Pierre Bourdieu, chargé par François Mitterrand d’élaborer un rapport sur l’école, a emboîté les pas des libéraux européens fédéralistes. Un comble !

Ce n’est pas tout : l’éparpillement des micro-compétences dans plusieurs domaines simultanés a ouvert la porte à la fameuse interdisciplinarité, prélude aux projets EPI de Mme Belkacem.

Et le tout transforme peu à peu l’école en productrice de futurs consommateurs et de « main d’œuvre docile, flexible et qualifiée en fonction des besoins du marché du travail » (page 101).

Incroyable mais vrai, le chapitre se termine par une allusion au Michel Houellebecq de « La possibilité d’une île ».

Encore un coup de la synchronicité !

09/04/2018

"Génération J'ai le droit" (Barbara Lefebvre) : critique IV

Au chapitre 3 de son livre, Barbara Lefebvre aborde la question de l’égalité des chances, pour elle « le grand mensonge ».

« Revoilà la question sociale qui permet aux idéologues d’éviter encore et toujours le débat sur les méthodes pédagogiques qui ont conduit à produire plus d’un tiers d’illettrés à la sortie du primaire (…) J’entends par illettré un élève qui décode plus ou moins correctement mais ne comprend pas ce qu’il lit » (page 75).

« On devrait d’ailleurs s’interroger sur l’explosion de diagnostics d’élèves dyslexiques et dysorthographiques depuis plus d’une décennie (…) La pathologisation est une tendance apparue il y a une vingtaine d’années : tout est psychologisé, pathologisé, avec des relents analytiques de café du commerce (…) Nombre de ces enfants sont rééduqués après seulement quelques séances d’orthophonie s’appuyant sur l’apprentissage syllabique » (page 76).

Pour elle, au-delà des parents, d’internet et de la télévision – qui ont leur part – les responsables sont les « experts en sciences de l’éducation » légitimés par les inspecteurs, recteurs et ministres, ainsi que les enseignants dociles qui ont obéi au diktat des formateurs des IUFM et ESPE, et, tout au bout de la chaîne, « les gourous de la pédagogie socioconstructiviste qui ont fait main basse sur l’école dans les années 1970-1980 ». Nous ne sommes pas surpris : c’est ce que démontre Carole Barjon dans son livre (voir mon billet des 5 et 7 mars 2018).

« Quand on les entend invoquer la liberté et le progrès pour empêcher les nouvelles générations d’être les héritiers d’une culture qui les a précédés, en disqualifiant l’autorité du maître et des familles, le projet de déracinement est bel et bien en marche » (page 80).

Preuve encore une fois que le livre est mal ordonné, voici qu’à la page 83, on recommence avec l’histoire du niveau qui baisse et des parents et élèves trompés, alors que l’on croyait discuter de l’égalité des chances… À force, on se lasse de sauter d’un thème à l’autre et surtout de revenir à des thèmes déjà traités, thèmes fort intéressants par ailleurs.

« Depuis les années 1970, l’obsession égalitaire a conduit à la traque perpétuelle de toutes formes de discrimination. Il en résulte une surenchère des j’ai le droit, corollaire de la victimisation collective qui infuse le discours bien-pensant et nourrit les rancœurs à l’infini » (page 86).

« La chance aujourd’hui, dans cette France mondialisée, c’est celle d’avoir accès à un réseau, pas d’avoir accès à la culture » (page 87).

04/04/2018

"Génération J'ai le droit" (Barbara Lefebvre) : critique III

On doit reconnaître – au moins – un mérite à Mme Barbara Lefebvre : sa ténacité et son courage. Ainsi a-t-elle publié avec Jacques Tarnero et Michèle Tribalat un article dans le Figaro du 29 mars 2018, intitulé « Procès Bensoussan : la dangereuse judiciarisation du débat d’idées », dans lequel elle s’inquiète du fait que certains (et certaines associations) portent devant la justice tout propos qui les dérange, instillant une sorte de « délit d’opinion ». M. Bensoussan – c’est lui qui avait dirigé la publication des « Territoires perdus de la république » – avait été relaxé le 7 mars 2017 de l’accusation de « délit d’incitation à la haine raciale » au Tribunal correctionnel de Paris : eh bien, ses accusateurs (le CCIF, la Ligue des Droits de l’Homme, le MRAP et de façon plus difficile à comprendre le ministère public) ont fait appel de cette décision ! Les auteurs de l’article parlent donc de « manipulation de la justice française » et « menace mortelle pour la démocratie ». dans le même numéro, Jeannette Bougrab écrivait, elle : « La France est dépassée. Son angélisme est déroutant ». On visionnera aussi avec intérêt (et effroi) le discours de Boualem Sansal devant la Fondation Varenne pour la remise des prix Varenne 2016 des journalistes.

Revenons maintenant à Barbara Lefebvre et à son livre « Génération J’ai le droit », sous-titré « La faillite de notre éducation ». Je vous ai dit que le premier chapitre m’avait déçu, avec trop d’amertume et pas assez d’idées neuves ni de propositions.

Le deuxième est consacré aux parents d’élèves, à qui l’on ment… S’ensuit à nouveau du saute-mouton d’un thème à l’autre (l’école n’est pas responsable des dérives de certains de ses élèves, les Trente Glorieuses ont abouti au règne de l’individualisme, le sens de l’école a changé, la méfiance s’est installée à cause des penseurs de la déconstruction, l’école a été caricaturée comme haut lieu de l’arbitraire culturel des classes dominantes bourgeoises, voire du système colonial et d’un racisme quasi atavique de la République, la défiance collective atteint les institutions de pouvoir, le bien commun éducatif des années 60 a disparu, remplacé par le clientélisme, les corporatismes, les particularismes, etc.).

« L’école est la maison de la culture qui permet à l’enfant de s’ouvrir sur un autre univers que celui que lui propose sa famille » (page 50). On comprend que cette définition en révulse certains…

En théorie la répartition des rôles est simple : l’éducation aux parents, l’instruction aux enseignants. « Or, l’école ne sait précisément plus pourquoi elle instruit, et les parents sont nombreux à exprimer leurs difficultés à éduquer » (page 51). Et le remplacement du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts par le ministère de l’Éducation nationale, date de 1932.

Barbara Lefebvre a recours, pour parler des relations parents-enseignants, à des citations savoureuses de la novlangue des pédagogistes et autres rédacteurs de la « mallette des parents » proposée par l’ONISEP.

Et elle passe en revue les tartes à la crème de la coéducation, de l’école inclusive, de la coopération et de la bienveillance : « La coéducation, c’est l’illusion d’une cohabitation pacifique de tous les j’ai le droit ! » (page 72). Retour au thème…

« Rien ne compte plus pour un enfant que l’intérêt porté par ses parents à sa vie d’élève, à ses résultats, à ses progrès » (page 73).