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29/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (IX)

De plus Éric Zemmour est direct, il annonce la couleur et dit les choses telles qu’il les pense, même si certains mots, évidemment, peuvent choquer ou être contestés (Grand remplacement, par exemple). On pourrait ajouter qu’il est constant et persévérant (cf. page 129 son discours à un colloque de l’UMP en mars 2011). À l’évidence, son recentrage permanent et à tout propos sur l’immigration (voir page 212, par exemple), même s’il le fait sciemment parce qu’il considère que c’est le sujet majeur à traiter aujourd’hui, choque ses adversaires (y compris ceux qui pratiquent le déni depuis des décennies) et peut même lasser ses soutiens. Mais surtout, il déchaîne la désinformation et donc la caricature (on lui prête le souhait de « déporter les immigrés » et M. Montebourg, souvent mieux inspiré, a même dit de lui qu’il voulait « jeter les Arabes » à la mer !). Quelle horreur ! Bref, être direct, c’est bien mais un peu de nuances, sur des sujets aussi graves, serait encore mieux.

Percutant ? J’aime particulièrement les « chutes » ! Il y a un talent à savoir terminer une anecdote ou une démonstration par « la phrase qui tue » (qui fait réfléchir, qui fait rire, etc.). Exemple typique, un peu understatement à l’anglaise, page 169 : « Je songe à la phrase du général de Gaulle : En général, les hommes intelligents ne sont pas courageux. Jean-Louis Borloo est très intelligent ». Et aussi « Trop content de lui trouver enfin un défaut que je n’ai pas » (page 171). J’aime aussi les listes à la Prévert comme ce portrait de Jacques Chirac en trois pages, à travers ses sorties et les grands moments de sa vie politique (page 293). Et son chapitre « La guerre à Macron » (page 304), titre qu’il faut lire « La guerre de Macron » !

Autocritique ? oui, dès les premiers mots de l’introduction, dans laquelle il reconnaît avoir cru, à tort, gagner la guerre. Et aussi page 125, quand il raconte son procès début 2011, sa condamnation et son refus hautain d’interjeter appel ; il considère que c’était une erreur. Effectivement, aujourd’hui encore, on essaie de le disqualifier à travers cette condamnation.

Et j’aime bien sa phrase « Le philosémitisme militant n’était que la forme inversée de l’antisémitisme, les deux se retrouvant sans une exceptionnalité juive où la persécution est la preuve de l’élection » (page 171).

27/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (VIII)

Concret ? oui quand il rapporte les « cris du cœur » de Pascal Blanchard qui lance « Tu pourras dire ce que tu veux. On s’en fout, on gagnera, on tient les programmes scolaires » (page 120). De Claude Géant qui avoue que le Ministre de l’Intérieur ne peut réduire les flux que de 10 % à cause de « tous les droits accordés aux étrangers » (page 137). De J.-C. Cambadélis qui justifie son optimisme quant à l’immigration par un « Ils voudront porter des Nike » (page 140). De Guillaume Pépy sur "le TGV qui a absorbé tous les investissements" (page 150). De Léa Salamé : « Charlie te donne raison sur tout !". De Frédéric Mion (IEP Paris) : « Les profs ont repéré les lycées de banlieue que nous avons sélectionnés et y mettent leurs enfants pour qu’ils soient dispensés des épreuves écrites ». À ma connaissance, aucun de ces propos révélateurs et « décapants » n’a été démenti.

Documenté, argumenté et engagé ? Oui, c’est une qualité unanimement reconnue aux écrits et aux interventions orales d’Éric Zemmour, même si certains proclament que « ses analyses historiques sont contestées par les vrais historiens » et d’autres raillent sa manie d’user et d’abuser de citations (De Gaulle très souvent, Tocqueville, Taine, etc.). Ses analyses, comme page 71 sur le Kosovo, ou page 82 sur les origines de la culture occidentale ou page 85 sur le supposé retard français, ou page 95 sur le retour dans le commandement intégré de l’OTAN, ou page 101 sur l’apport de Claude Lévi-Strauss ou page 131 sur l’Allemagne de Madame Merkel, ou page 141 sur Steve Jobs et notre fascination pour l’Amérique, ou page 229 sur Trump, le Brexit et les modèles venus du monde anglo-saxon, ou les pages sur F. Fillon et S. Veil, ou le long chapitre sur Valéry Giscard d’Estaing, Président trop intelligent qui avait tout compris, sont très souvent brillantes et convaincantes. Et surtout elles tranchent sur le salmigondis et les fameux « éléments de langage » entendus à longueur de journée dans les médias.

25/10/2021

"La France n'a pas dit son dernier mot" (Éric Zemmour) : critique (VII)

Actuel et concret, oui quand il parle des « territoires perdus de la République » (ou pour la République ?), oui quand il parle de l’Éducation nationale, oui quand il parle de l’échec de l’assimilation. Pensant aux jeunes lecteurs justement (ou à ceux qui pourraient avec profit lire ce livre), je me dis qu’il se réfère trop à un monde que l’on peut sans doute regretter à maints égards mais qui est un monde passé. Il n’est pas possible, sauf avec les armes de la très grande littérature (Chateaubriand, Proust), de faire partager les enthousiasmes et les moments uniques de ses 20 ans à soi. Aujourd’hui, les Français de 20 ans vivent dans le monde de la pandémie et de la vie masquée, de l’affrontement Chine / États-Unis, du chômage de masse, des difficultés de logement, de la diversité, du mariage pour tous, de la PMA, de la bienpensance et du politiquement correct, de l’offensive du wokisme, de la grande délation dans Me too, des attentats islamistes, des voitures électriques, du réchauffement climatique, des deux étoiles sur le maillot de l’Équipe de France de football, etc., etc. Or Éric Zemmour ressasse sa nostalgie des années 60 et 70, « Le monde de géants de ma jeunesse est devenu un monde de nains » (page 18). Il reste attaché à des hommes, à des événements et à des œuvres qui probablement ne disent rien aux Français de moins de 50 ans : Philippe Seguin, Charles Pasqua, Georges Marchais (sic !), Louis De Funès et Gérard Oury (cinq pages sur ses films, dont « Les aventures de Rabbi Jacob »…), le Platini de Séville – jamais Champion du Monde –, « Papy fait de la résistance », « Le coup de sirocco », « La vérité si je mens », Mick Jagger, Anquetil, Michel Jazy, Christine Caron, Raymond Kopa, Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Thierry La Fraonde, "Au nom de la loi", les Verts de Saint Étienne, Sean Connery... Moi aussi, je les adorais, mais à chaque époque ses héros (et ceux qui nous parlaient de leurs idoles « d’avant » nous énervaient un peu et passaient pour de vieux radoteurs). Pas sûr que, sauf exception (le patrimoine imprescriptible), les héros d’aujourd’hui soient forcément inférieurs à ceux d’hier et à ceux d’avant-hier…

Comme cela a été dit à juste titre, son livre et sa réflexion participent d’un monde parisien, proche du pouvoir et qui se voit comme une élite… L’égrènement de tous les hauts lieux gastronomiques de la capitale où ces messieurs (effectivement il y a peu de femmes) célèbrent leurs agapes (vous connaissez les termes convenus : « Il a son rond de serviette dans ce restaurant », « la cantine de l’Assemblée », etc.) n’est pas le choix éditorial le plus malin… J’imagine le lecteur qui déjeune d’un sandwich chaque midi, et aussi le lecteur d’Auch ou de Florac-Trois rivières, passablement écœurés par cette gabegie. Mais est-ce très différent à Washington, à Londres et à Berlin ?