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18/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre VI Les accents

On aborde aujourd’hui le cas des ¨, ´, `et ^, c’est-à-dire de mes chers accents.

Et là, cher public, il va falloir vous accrocher un peu.

 

D’abord, le tréma.

Il interdit que l’on prononce deux lettres successives en un seul son (voir la différence entre lait et naïf).

La rectification consiste à le déplacer quand il est positionné sur la mauvaise lettre (cf. la première liste dans l’aliéna suivant) et à le rétablir quand il manque (cf. la seconde liste).

On écrira donc : aigüe (au lieu de aiguë !), ambigüe, ambigüité, exigüe, exigüité, contigüe, contigüité et la fameuse cigüe de Socrate.

 

Et d’autre part : il argüe (et toute la conjugaison du verbe argüer, qui se prononce ar-gu-er et non pas comme narguer !), gageüre, rongeüre… reconnaissons que la vie quotidienne des Français ne va pas être bouleversée par ce changement d’écriture qui met en accord la graphie avec la prononciation.

 

Ensuite le circonflexe.

Sur les voyelles a, e et o, rien ne change.

Mais sur les voyelles i et u, il n’est maintenu que dans les cas suivants :

  • La terminaison des conjugaisons, au passé simple, à l’imparfait du subjonctif (si, si, ça existe !) et au plus-que-parfait du subjonctif : nous suivîmes, nous voulûmes, vous suivîtes, vous voulûtes, qu’il suivît, qu’il voulût, qu’il eût suivi, il eût voulu… sur le modèle du verbe aimer. Et donc : nous voulûmes qu’il prît la parole ; il eût préféré qu’on le prévînt. Ce qui veut dire, a contrario, que l’on écrira dorénavant : il apparait (et non plus il apparaît)…
  • Dû, jeûne, mûr, sûr, croître : on conserve l’accent circonflexe car il apporte une distinction de sens fort utile (par rapport à l’article du, au jeune qui n’en veut, au mur de la maison, au bœuf sur le toit et à la conjugaison du verbe croire). Mais on ne la met pas sur les dérivés ni sur les composés de ces mots : sureté, accroitre…
  • Dû, mûr et sûr ne prennent pas d’accent au féminin ni au pluriel (car il n’y a plus d’ambigüité)

 

Certaines anomalies étymologiques sont rectifiées. On écrira désormais :

§  le participe passé mu (et non plus mû) comme su, tu, vu et lu ;

§  plait comme tait et fait ;

§  piqure comme morsure

§  traine et traitre, comme gaine et haine) ;

§  assidument, continument, crument, dument, goulument…

Mais les noms propres et leurs adjectifs dérivés ne sont pas modifiés (Nîmes et nîmois).

 

Et enfin les accents aigus et graves…

  • on accentue sur le modèle de semer, les futures et conditionnels des verbes du type céder ; en clair : je cèderai, je cèderais, j’allègerai, je considèrerai
  • on écrira : aimè-je ?, puissè-je ? (vous l’utilisez souvent, vous ?)…
  • on ajoute des accents aux mots suivants : asséner, démiurge, québécois, recéler, réfréner… (je n’ai reproduit que les mots les plus courants) ;
  • on modifie l’accent sur les mots suivants : allègement, allègrement, assèchement, cèleri, crèmerie, règlementaire (et les autres mots de la même famille), évènement, sècheresse… (je n’ai reproduit que les mots les plus courants). De ce fait, la graphie redevient conforme à la prononciation.
  • on accentue, conformément à la prononciation actuelle, les mots d’origine étrangère : artéfact, critérium, désidérata, duodénum, facsimilé, linoléum, média, mémento, mémorandum, placébo, référendum, satisfécit, sénior, vadémécum, véto (d’origine latine) et aussi allégro, braséro, diésel, édelweiss, imprésario, pédigrée, pérestroïka, péséta, révolver, séquoïa, sombréro, trémolo… (je n’ai reproduit que les mots les plus courants)

 

Ça se complique encore quand on attaque les verbes en –eler et –eter : on les conjuguera sur le modèle de peler et acheter : l’eau ruissèle (et non plus elle ruisselle), l’eau ruissèlera, l’homme de ménage époussète ou époussètera, le jeune étiquète ou étiquètera.

Et idem pour les noms en –ement qui en sont dérivés : amoncèlement, ensorcèlement, martèlement, morcèlement, nivèlement, ruissèlement… (je n’ai reproduit que les mots les plus courants).

 

Voilà, c’est fini…

Rassurez-vous, braves gens : dans sa bonté (et sa sagesse), l’Académie a stipulé que les amoureux des anciennes graphies pouvaient les conserver… Ouf !

17/09/2014

Une lectrice m'a écrit

Eh oui, cher public, certains lecteurs du blogue font des commentaires ; ils sont peu nombreux jusqu’à présent, il est vrai.

Voici donc les commentaires reçus d’une lectrice, ICB. J’ai reproduit mes réponses en italiques.

ICB : Pour faire court sur les compliments, je trouve les billets globalement intéressants et utiles.

Je n'ai pas lu tous les billets depuis l'ouverture du blogue, donc mes remarques portent sur une quinzaine environ, depuis mon retour de vacances.

Certaines phrases sont longues et « riches », à savoir compliquées pour le Français moyen, avec du vocabulaire peu usuel, voire pointu. Exemple dans le billet « C'est pas une métaphore, c'est une périphrase ! » : « On sera d’accord avec lui que ces expressions, qui évoquent l’abstrait avec des mots concrets (« manger du lion »…), font le sel de notre langue, évitent l’emphase et le nébuleux, sont immédiatement accessibles à tous et permettent de réagir contre l’appauvrissement lié au globish."

L’animateur du blogue (moi) : C'est vrai, je m'en suis rendu compte en l'écrivant... j'aime bien les belles phrases « à la Proust » mais par ailleurs, je professe la concision, avec des phrases de 15 mots... Je vais me surveiller.

ICB : Ma seconde remarque porte sur la difficulté que j'ai parfois à aller jusqu'au bout des billets. Je préfère, et de loin, les billets courts. Exemples : « Les merveilleuses exceptions du français. Quatrième partie : facéties orthographiques » (2 septembre 2014), a une longueur parfaite, alors que le billet « Réformes de l'orthographe : chapitre I Principes », est un peu long, je m'arrête avant la fin. Quant au billet du 8 septembre, il me fait peur, je ne l'attaque pas, malgré un titre accrocheur.

La durée de lecture ne doit pas excéder la minute à mon avis.

Moi : Oui, bien sûr, j'en suis conscient. Il faut que je tranche entre billet court et thèse de doctorat ! Depuis le début, je vise à faire court (peut-être que « une page affichée » doit être le maximum) et je scinde les sujets longs en plusieurs chapitres mais de temps en temps, je me laisse emporter par ma fougue...

ICB : La longueur lisible sans effort va aussi dépendre de son niveau d'humour, de l'intérêt que je porte au sujet, et à la présentation. Les caractères gras, italiques ou autres variations, facilitent la lecture.

Moi : Oui, j'essaie d'enluminer le texte... et j'adore le bleu...

ICB : J'aime beaucoup les articles d'actualité, encore plus quand ils sont illustrés, comme celui du 5 septembre « Pour "faire français", ils accentuent les majuscules » ou celui du 31 août « Les merveilleuses exceptions du français. Troisième partie : la fin des mots ». Même sans illustration, il y a d'autres articles d'actualité qui m'ont captivée : celui du 4 septembre « J'en suis tombé par terre… c'est la faute à Ferney » ou alors celui sur les chiffres de la francophonie (3 septembre).

Moi : Que répondre… que ça me fait très plaisir...

ICB : Certains articles plus généraux ne m'intéressent pas mais probablement parce que suis plus orientée vers les romans que vraiment vers la littérature, et aussi plus tournée vers l'actuel et l’avenir que vers le passé. Par exemple, l'article du 1er septembre, Médecin en littérature : Abnousse Shalmani, n'est pas un thème qui m'attire. D'ailleurs, je n'avais pas aimé le livre de Pennac, je préfère les Malaussène de très loin. Ou encore l'article du 6 septembre, "Tu nous manques, René...".

Moi : Bon, là c'est affaire de goût... je ne veux pas me limiter ni à l'orthographe (contrairement aux apparences, je ne suis pas un Père la Rigueur !) ni à la chasse au franglais. Ce serait lassant pour tout le monde. Je veux parler littérature, actualité de la francophonie, commenter des livres que j'ai aimés... en un mot élargir le champ au maximum, dans la mesure où la langue française est concernée, même si le lien est ténu.

16/09/2014

Réformes de l'orthographe : chapitre V Le trait d'union

La réforme de 1990 a été vilipendée essentiellement parce qu’elle proposait d’écrire « nénuphar » « nénufar » et « oignon » « ognon » !

La belle affaire ! Qui peut se plaindre d’avoir à écrire ou à lire l’un de ces deux mots, ne serait-ce qu’une fois par mois ?

C’était, il faut bien le reconnaître aujourd’hui, un mauvais procès car ces deux rectifications, argumentées, ne représentaient qu’un détail parmi nombre de propositions plus sérieuses et plus utiles, toutes fondées sur le souhait d’améliorer la cohérence (moins d’exceptions) ou de corriger des aberrations anciennes.

Et encore une fois, les personnes habituées aux anciennes règles, qu’elles maîtrisent (c’est plus rare…) peuvent les conserver. Le basculement se fera lentement, il y aura coexistence.

 

Il est maintenant temps d’entrer dans le vif du sujet.

Commençons par le trait d’union, les mots composés et leur pluriel.

 

(Nouvelle) Règle 1 Nombres écrits en toutes lettres

On écrira « vingt-quatre », « cent-deux », « sept-cent-mille-trois-cent-vingt et un »… que le nombre soit inférieur ou supérieur à cent. C’est-à-dire que l’on mettra des tirets partout, alors que la règle ancienne les réservait aux nombres inférieurs à 100. À vos chèques ! Que les gros salaires écrivent les premiers, pour voir si c’est bien compris…

 

(Nouvelle) Règle 2 Singulier et pluriel des noms composés comportant un trait d’union

Noms composés d’un verbe et d’un nom : leur pluriel suit la règle des mots simples ; ils prennent la marque du pluriel uniquement quand ils sont au pluriel (non, non, ce n’est pas un truisme !) et cette marque est portée par le second élément.

Un cure-dent, des cure-dents ; un garde-meuble, des garde-meubles (homme ou lieu de stockage) ; un abat-jour, des abat-jours.

 

Idem pour les noms composés d’une préposition et d’un  nom : un après-midi, des après-midis ; un sans-abri, des sans-abris. Exception : quand le nom prend une majuscule ou quand il est précédé d’un article singulier : pas de marque du pluriel. Donc : des prie-Dieu, des trompe-la-mort.

 

(Nouvelles) graphies Suppression du trait d’union

On écrira (sans tiret) : d’arrachepied, un boutentrain, à clochepied, un fourretout, un passepartout, un piquenique, un porteclé, un croquemonsieur, un tirebouchon, un portemonnaie, un vanupied. [il y en a d’autres, je n’ai retenu que les mots les plus usités ou les nouvelles graphies les plus étonnantes].

 

Et aussi : autostop, branlebas, chauvesouris, hautparleur, lieudit, millefeuille, platebande, potpourri, prudhomme (nous y voici, MA2 !), quotepart, sagefemme, terreplein.

 

Et encore : blabla, bouiboui, grigri, kifkif, pêlemêle, pingpong, tamtam, traintrain.

 

Et voilà… ce n’est pas plus compliqué que cela ; les drogués du texto vont adorer, ils gagnent un caractère !

PS. Les plus passionnés d’entre vous trouveront grand intérêt à consulter le chapitre « Analyse » du texte en question car il contient un état des lieux du langage d’avant 1990, avec de nombreux exemples d’incohérences (identifiées grâce à l’informatique).

Concernant le trait d’union, on y rappelle :

§  ses différentes utilisations : dit-il, rapport qualité-prix, va-et-vient, le non-dit, le tout-à-l’égout, un chez-soi, un laissez-passer, le sauve-qui-peut,le qu’en-dira-t-on, un décor tape-à-l’œil… ;

§  les agglutinations déjà anciennes (pas de tiret) : portemanteau, betterave, vinaigre, pissenlit, chienlit, portefeuille, passeport, marchepied, hautbois, plafond et ses contre-exemples : pomme de terre, compte rendu… ;

§  les variations liées à la nature grammaticale : il intervient à propos, il a de l’à-propos ;

§  les changements de sens, de genre ou de nombre du mot composé par rapport à ses composés : un rouge-gorge est un oiseau, pas une gorge… un coq-à-l’âne n’est ni un coq ni un âne ni même une bête. Un pousse-café est une boisson mais plus violente que le café… Et de même pour gratte-ciel et franc-maçon.

§  les archaïsmes : grand-rue, nouveau-né, nu-tête

 

On en retire bien l’impression qu’il y a beaucoup d’aléatoire et de « relatif » dans tout cela, dû à l’histoire, avec cependant des régularités qu’il est assez facile d’exploiter, afin de simplifier l’orthographe sans la perturber.