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01/10/2020

"Le roman des Jardin" (Alexandre Jardin) : critique

En 2005, Alexandre Jardin a publié chez Grasset « Le roman des Jardin », censé raconter les frasques et les excentricités du clan constitué par la famille Jardin et ses amis. Nul doute qu’il n’emprunte à la réalité bon nombre de bizarreries et d’anecdotes mais, vu l’ampleur du folklore présenté dans le roman, on se dit qu’il en a probablement rajouté. Et cela donne au récit une tonalité mi-souvenirs mi-fiction qui nuit à son intérêt.

D’abord la famille Jardin, c’est quoi ? Une dynastie d’hurluberlus qui commence par le grand-père, Jean, qui fut chef de cabinet de Pierre Laval pendant l’Occupation et dont le moins que l’on puisse dire est que son petit-fils n’est pas fier de lui. Il utilise même le roman pour percer l’abcès et confier son malaise. Son épouse, surnommée L’Arquebuse, mène la famille d’une main de fer mais pour s’assurer que rien de vraiment normal, convenable, conformiste, raisonnable ne s’y passe, que ce soit à Vevey chez elle ou dans la propriété de Seine et Marne. Elle pousse l’anticonformisme jusqu'à accueillir et héberger les maîtresses de son mari, comme d’ailleurs l’un de ses trois fils, Pascal Jardin, auteur connu de scénarios et de pièces de théâtre, côtoiera amicalement les innombrables amants de sa femme, Louse. Le seul qui est nommé dans le roman est le cinéaste Claude Sautet (« Les Choses de la vie »…), dont Pascal Jardin souhaitera qu’il ait un enfant avec Louse ; ce sera Emmanuel, le demi-frère, qui cherchera obstinément à obtenir sa vraie identité et qui ne s’en remettra pas.  Il faut dire que dans cette famille, l’adultère est monnaie courante et même encouragé.

Le père d’Alexandre, surnommé le Zubial, a deux frères surnommés Merlin et l’Ange Gabriel ; on aura compris que le surnom est ici la règle. Tous ces aimables bobos ont un point commun : surtout, ne pas travailler. J’ai appris, en lisant l’un de ses livres (« Paul Morand, un évadé permanent », Grasset, 2006), que Gabriel était le neveu de l’écrivain et dandy Paul Morand.

Une famille compliquée donc, au style de vie débridé, et qui est encore étendue par la fréquentation de nombreux amis (Yves Salgues, Maurice Couve de Murville…) au sujet desquels les anecdotes semblent complètement fantaisistes, voire choquantes.

De Alexandre Jardin je n’avais lu que « L’île des gauchers » et bien sûr, comme tout le monde, j'avais vu l’adaptation cinématographique de « Fanfan », surtout remarquable par ses deux têtes d’affiche, Vincent Perez et Sophie Marceau (veut-on qu’une fois de plus j’illustre mon propos par une photo de la belle ?).

Sophie Marceau à St Bart.jpg

J’ai du mal à caractériser son style littéraire ; indiscutablement, ses livres sont bien écrits mais comme « trop longs » à chaque fois ; le superficiel apparaît très vite et devient lassant bien avant la fin. Dans le « Roman des Jardin », c’est la répétition fastidieuse du même argument qui énerve le lecteur : Alexandre est content et fier d’être un Jardin mais la lignée le révulse et il a tout fait pour ne pas être comme eux, tout en cherchant par éclipses à laisser de côté sa première manière de romancier fleur bleue pour s’essayer à la fantaisie et au social (il évoque ses frasques conjugales et on se souvient par ailleurs de son agitation médiatique lors de la campagne présidentielle de 2017). Bref, une tempête sous un crâne de nanti, qui donne opportunément l’occasion de publier un nouvel opus. Tout cela sent trop l’écume des jours et l’apprêté pour être passionnant.

Son introduction, qui dure quelque 37 pages, suggère beaucoup mais ne dit pas grand chose ; l'écrivain en revanche a une certaine virtuosité pour la métaphore et les belles formules : « Nous étions une île, une sorte d’Angleterre désoccupée des affaires du globe et disponible pour l’originalité » (page 26) ; « Mort assez tôt pour avoir fréquenté d’immenses libertés, il avait eu l’honneur de rester vivant jusqu’à son décès » (page 229).

Au total, un roman qui se lit en deux jours et ne me semble pas devoir être recommandé ni gardé.