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09/12/2017

Jean d'O. en aurait souri... maintenant il s'en fiche

Charles Trénet, poète, compositeur, chanteur, ce monument de la chanson française, est mort en 2001 dans une relative indifférence… (me semble-t-il, car à ce moment-là j’étais échoué sur un bateau de croisière quelque part dans les Antilles françaises).

Claude Nougaro, ce fut bien pire.

La disparition de Michel Delpech fut célébrée avec émotion, sobrement.

Seul Jacques Brel eut droit à la sidération et à l’emphase médiatiques, qui durent encore, à juste titre, quarante ans après sa mort, vu la personnalité et les talents hors du commun de ce peintre inimité des « petites gens ».

Notre Jean d’O., lui, normalien et Académicien précoce, tellement attachant, modéré et surprenant dans ses prises de position, et à défaut d’avoir atteint la cheville de son idole, Chateaubriand, a failli monopoliser les feux de la rampe et l’attention exclusive des médias pendant des jours et des jours…

Hélas la Faucheuse a choisi de le faire doubler in extremis par un champion toutes catégories de l’insubmersibilité et du déchaînement des passions populaires (est-ce un hasard si je ne trouve sous ma plume que des mots anglais pour parler de cela : people, fans, groupies, bikers, etc. ?). D’aucuns évoquèrent une entrée au Panthéon et même une martingale Victor Hugo – Charles de Gaulle – Jean-Philippe Smet ! Le chagrin, sûrement ; ou plutôt le relativisme forcené.

Et la disparition de Jean d’O. passa au second plan, électoralement c’était plus rentable…

C’est comme les maisons ; une magnifique maison dans l’absolu, si elle est sise dans un marché immobilier faible ou inexistant, sa valeur est quasi-nulle ; et vice versa, un marché qui achète tout, paiera tout cher, même les croûtes…

Jean d’Ormesson avait de l’humour, ses yeux bleus auraient pétillé !

 

(Voir mon billet sur deux livres de Jean d'Ormesson : Au plaisir de Dieu - Comme un chant d'espérance)

08/10/2014

Jean d'O., on t'aime

Il est charmant, délicieusement bien élevé, faussement modeste, cultivé et il a le regard bleu clair, malicieux, pétillant… À noter que son deuxième prénom est Bruno.

Ça fait beaucoup de qualités pour un homme.

Malheureusement pour lui, normalien, vaguement de droite, il n’est guère plus connu qu’Alain Juppé, Laurent Fabius, Bernard-Henry Lévy, voire que Nicolas Demorand… autres normaliens… et son drame, c’est qu’il n’arrive pas à la cheville de son idole, de notre idole à tous, François-René de Chateaubriand.

Et c’est foutu, c’est trop tard ; aucun chef d’œuvre à l’horizon, et l’horizon n’est plus très loin.

J’avais lu « Au plaisir de Dieu »… c’est l’histoire romancée de sa famille, et surtout de l’abandon de ses illusions et de son château en province. Il paraît que c’est un roman à clés, je ne les ai pas trouvées, ni cherchées d’ailleurs. C’est agréable à lire, alerte, bien construit mais on ne s’enthousiasme pas : ni descriptions à couper le souffle ni trouvailles de style ni caractères fouillés ni réflexions philosophiques à méditer. Non, une aimable saga en un volume.

J’ai lu cet été sa dernière production, j’ai envie de dire « alimentaire », « Comme un chant d’espérance » (Éditions Héloïse d’Ormesson, tant qu’à faire, faisons travailler la famille, d’autant qu’elle n’a plus de château, 2014). Ça fait 120 pages, pas plus, avec un saut à la page à chaque petit chapitre, et ça prétend raconter l’histoire de l’univers et expliquer comment on peut viser le tout en partant de rien (à savoir le big bang et avant)… Obligatoirement on est déçu. Jean d’Ormesson évoque en deux lignes la physique mathématique et la cosmologie – on n’en saura pas plus – et, de chapitre en chapitre, tourne autour des mots « rien », « tout », « Dieu », le "néant", les "origines", la "fin des temps". On n’apprend pas grand-chose et – c’est bien dommage – on ne ferme pas le livre avec l’espérance, qui en était pourtant la promesse. En tous cas, pas moi.

Je suis sévère sans doute ; il y a quelques bons passages, dont sa liste de livres, de sites et d’événements préférés. Ils prouvent, selon lui, l’existence de Dieu…

Et surtout, au détour du chapitre XLI, Jean d’O. nous balance un texte affiché, à la fin du XVIIème siècle, dans l’église de Baltimore et qu’il tient, miracle des coïncidences et de la synchronicité, de la librairie Le bleuet, à Banon (Alpes de Haute Provence)… vous vous rappelez ? « Quand le courrier de Banon passe à Vachères, c’est toujours dans les midi. On a beau partir plus tard de Manosque les jours où les pratiques font passer l’heure, quand on arrive à Vachères, c’est toujours midi » (Jean Giono, la première phrase de Regain, 1930).

Voici donc ce texte cité par Jean d'Ormesson :

« Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte

et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence.

Sans aliénation, vivez autant que possible

En bons termes avec toutes personnes.

Dites doucement mais clairement votre vérité.

Écoutez les autres, mêmes les simples d’esprit et les ignorants :

Ils ont eux aussi leur histoire.

Évitez les individus bruyants et agressifs :

ils sont une vexation pour l’esprit.

Ne vous comparez à personne :

il y a toujours plus grands et plus petits que vous.

Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements.

Ne soyez pas aveugle en ce qui concerne la vertu qui existe.

Soyez vous-même.

Surtout n’affectez pas l’amitié.

Non plus ne soyez cynique en amour car il est,

En face de tout désenchantement, aussi éternel que l’herbe.

Prenez avec bonté le conseil des années

En renonçant avec grâce à votre jeunesse.

Fortifiez-vous une puissance d’esprit

pour vous protéger en cas de malheur soudain.

Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères.

De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude.

Au-delà d’une discipline saine, soyez doux avec vous-même.

Vous êtes un enfant de l’univers. Pas moins que les arbres et les étoiles.

Vous avez le droit d’être ici.

Et, qu’il vous soit clair ou non,

l’univers se déroule sans doute comme il le devait.

Quels que soient vos travaux et vos rêves, gardez,

dans le désarroi bruyant de la vie, la paix de votre cœur.

Avec toutes ses perfidies et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau. »

 

Allez, Jean d’O, on t’aime !