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02/02/2022

"Le bon plaisir" (Françoise Giroud) : critique

Françoise Giroud (1916-2003) est une journaliste à la vie privée et publique compliquée, co-fondatrice de L’Express avec Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1953, première secrétaire d’État à la condition féminine (sic !), puis secrétaire d’État à la culture, sous M. Giscard d’Estaing, président de la République française. Habituée des cercles du pouvoir, elle a dit un jour que les conseils des ministres qu’elle a connus étaient du niveau d’un conseil municipal de province…

En 1983, elle publie « Le bon plaisir » ; ce roman raconte la vie d’une ancienne maîtresse d’un président, qui cache l’enfant qu’elle a eu de lui et qui se fait voler un beau jour une lettre manuscrite dans laquelle il refuse cette naissance et l’abandonne pour sa carrière. On y voit aujourd’hui une allusion à Mazarine Pingeot, fille « naturelle » de François Mitterrand, dont ce dernier n’a révélé l’existence qu’à la toute fin de sa longue carrière. Françoise Giroud a cependant toujours nié avoir eu connaissance de cela avant d’écrire son livre…

Quoiqu’il en soit, « Le bon plaisir » a fait l’objet d’un film, avec trois acteurs remarquables : Catherine Deneuve, Michel Serrault et Jean-Louis Trintignant.

Mais que retenir du livre ? Pas grand-chose à vrai dire… si ce n’est que, sans style, sans profondeur, journalistique en somme, il fut un bon scénario de film.

Ah si, un passage quand même, page 112 de l’édition France Loisirs : « Au faîte de sa puissance dans son pays, il avait pris la mesure de son impuissance. Les hommes se courbaient devant lui et, parce qu’il n’était pas meilleur qu’un autre, il en jouissait. Mais les choses, elles, ne pliaient pas ou si peu. Ce qui lui résistait n’avait ni nom ni visage. Une pâte molle où les doigts s’engluaient sans parvenir à la modeler. Une multiplicité de petits obstacles dressés insidieusement devant les grandes décisions. Maître du verbe mais sans administration ni services, sans prise au niveau de l’exécution, son bilan, après cinq ans de règne, ne lui paraissait pas dérisoire, loin de là. Certaines actions avaient exigé du courage dont il ne manquait pas, d’autres de la ruse dont il était pourvu. Mais sur la plupart des points, la distance entre ce qui avait été accompli et les projets qu’il avait nourris, lui semblait maintenant irréductible lorsqu’il osait y penser ».

Et aussi, page suivante : « Un jour, ses familiers l’entendaient assurer que la très grande majorité des homes et des femmes étaient intéressés de manière incorrigible à l’amélioration de leurs conditions de vie. Un autre jour, il déclarait que, une fois ses besoins élémentaires satisfaits, l’homme ne saurait vivre privé de sacré et que son malheur présent était de ne plus savoir où le mettre. Il lui arrivait aussi d’expliquer, entre des œufs en meurette et une selle d’agneau braisé arrosée d’un château-pétrus, que dans un délai indéterminé, l’Europe en général et la France en particulier, seraient largement infiltrées par une population colorée qui ne continuerait pas à crever de misère chez elle sachant les buffets pleins ailleurs. C’était la version invasion pacifique et non délibérée par accumulation d’actes individuels, d’autant plus irrésistibles selon lui. Bref il s’était mis à philosopher, déclin de l’Occident et tutti quanti ».

Et ce fut écrit en 1983 !

On pense à l’actualité, 40 ans après, non ?

Post scriptum : à dire vrai, ce n’était pas ma première rencontre avec l’écrivain François Giroud, qui était ne l’oublions pas une féministe « classique », à une époque où l’on n’en parlait guère mais où pourtant il y avait de quoi… En 1996, j’avais lu d’elle « Une femme honorable », qui était une honorable biographie de Marie Curie, au style journalistique (on ne se refait pas) mais passionnante (sans doute le sujet – cette scientifique polonaise extraordinaire – y était-il pour beaucoup). On y parlait de l’école des Nobel, rue Flatters, de Paul Langevin, d’Émile Borel et de Jean Perrin. La science française tenait son rang ! Puis en 2011, j’ai lu son roman « Mon très cher amour » (paru en 1994). Cette histoire d’amour a deux balles entre une quadra riche et un jeune homme fauché n’avait aucun intérêt : ni description ni analyse psychologique, rien que du bling-bling. Je m’étais dit en refermant le livre : n’est pas Françoise (Chandernagor) qui veut.