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17/12/2020

"Cora dans la spirale" (Vincent Message) : critique

C’est un roman contemporain, publié au Seuil en 2019, qui se passe en 2012 ; le genre de roman que je ne lis pas et qui pourrait aussi bien avoir été couronné du Prix du Livre Inter, du Renaudot, du Médicis ou d’un des innombrables autres (d’ailleurs il avait fait partie de ces sélections). Pourquoi m’y être intéressé ? parce qu’il était recommandé par Marianne je crois et que j’aime bien faire confiance, de temps à autre, au coup de cœur d’un tiers.

Donc j’ai lu « Cora dans la spirale » de Vincent Message, sans déplaisir. C’est un roman bien ficelé, bien construit, bien raconté, au style agréable et lisible. À part quelques phrases correctes mais difficiles à décoder à la première lecture, comme celle-ci : «  qu’il avait dû accueillir comme un de ces cadeaux étranges que fait parfois la vie ce jeune homme à l’esprit aigu mais manquant un peu d’expérience » - avouez qu’avec une virgule après « la vie », la lisibilité serait meilleure, et quelques formules évitables « elles ont été se balader dans des recoins cachés de Paris » au lieu de « elles sont allées… » (page 487) et « les adultes doivent être attentifs (…), pour ne pasqu’ils se transforment en drames » au lieu de « pour qu’ils ne se transforment pas en drames » (page 464).

La moitié du livre, jusqu’à la page 231, est passionnante en ce qu’elle décrit à la perfection l’entreprise moderne (ici il s’agit d’une compagnie d’assurance), surtout quand d’un univers familial elle plonge dans l’enfer mondialisé du rendement à tout prix,  avec ses rites, ses coups bas, les ambitions, la perversité, la séduction, la soumission ou la rébellion des uns et des autres, et… le harcèlement moral qui s’avère l’aspirateur de la spirale qui va broyer Cora. Même vers la page 440, quand, au beau milieu du plan social de Borélia, le dirigeant se gave d’augmentations, de jetons de présence, d’actions gratuites et de bonus, la froide présentation de la litanie des justifications est criante de vérité (lire n’importe quel numéro du quotidien Les Échos…). Le mari de Cora, écœuré, en déduit deux définitions intéressantes : « Courage, nom masculin : capacité à prendre des décisions qui servent vos intérêts, seront appliquées par d’autres et détruiront la vie de gens que vous ne croisez jamais. Démagogie, nom féminin : en relève toute proposition qui contredit les intérêts des dominants mais les laisse à court d’arguments ». Épatant, non ?

On devine l’expérience vécue ou bien une enquête approfondie ! Sur ce plan-là, Michel Houellebecq n’est pas loin.

À partir du chapitre « Éros selon Cora », l’auteur nous embarque dans l’histoire d’une femme et de son entourage professionnel et privé (le tout entremêlé, comme il se doit aujourd’hui) ; c’est moins original ; on pense alors à « Un secret » de Philippe Grimbert (Grasset, 2004), pour une raison que je ne donnerai pas, afin de ne pas dévoiler l’intrigue. Vincent Message ne nous épargne aucun poncif de la société dite post-moderne : amours saphiques torrides et évidemment décomplexées, mari aux fourneaux, soutien à un migrant malien qui zone à Saint Lazare et rêve de peinture, quartiers à la mode des mégapoles (le Berlin de Prenzlauerberg, l’est parisien, les peintures de Florence et Sienne, Shanghai et New-York, la Silicone Valley…), les virées sur la côte normande. Par ailleurs, autant la description de la vie de bureau était réaliste, autant la seconde partie accumule les rebondissements à la limite de l’invraisemblable.

Il y a néanmoins de beaux passages, comme celui sur le pays de Caux, qui donne l’occasion de relativiser à la fois le charme de la vie en province et les mirages si attrayants des Impressionnistes  : « Les oiseaux se pelotonnent dans les arbres. À partir de midi, les commerces ferment. Les impressionnistes n’ont pas dit combien il faisait froid, quand le soleil est mort. Ils ont menti sur tout, en fait : la rudesse du climat, les paysages et les couleurs » (page 378).

Ce qu’on pourrait appeler « le style narratif » de l’auteur fait merveille du début à la fin (sauf peut-être dans l’épisode Delphine) : il sait décrire des situations et parsème ces descriptions de remarques sur l’histoire (page 46), sur la mort ou sur la vie de couple. On est accroché !

Ah, une dernière chose : le dernier chapitre est très réussi ; l’histoire se termine moins mal qu’on pouvait le craindre, la vie reprend le dessus.

Au total, voilà donc un livre agréable à lire, qui vaut bien les Marc Lévy et autres Musso, mais que l’on n’aura pas envie de relire.