02/10/2014
Le français vivant
Il y a des mots que l’on découvre, soit qu’ils soient vraiment nouveaux, soit qu’on ne les connût pas auparavant.
Certains sont amusants, inventifs, poétiques…
J’en note ici, à la volée, quelques-uns. Ce billet a vocation à être complété, contribuez-y et revenez-y !
Douance : le fait d’être (sur)doué (lu dans la critique du livre « Surdoués normaux » paru début 2014).
Porte-parolat (Laureline Dupont dans « Marianne » du 22 au 28 août 2014) : mission consistant à être porte-parole (d’un homme politique par exemple).
Envole-moi (Jean-Jacques Goldmann)
On nous Claudia Schiffer (Alain Souchon, dans Foule sentimentale)
Bravitude (Ségolène Royal, sur la muraille de Chine, avant l’élection présidentielle de 2007)
Observance : l’action d’observer, de respecter… une recommandation, une consigne, une ordonnance
Jardinerie : magasin qui vend tout ce qui est lié au jardin : plantes, arbres, outils, documentation… Le cas de ce mot est très intéressant car les médias avaient d’abord introduit le mot garden center. Que le grand public (et les professionnels) lui aient préféré « jardinerie » reste pour moi un mystère réjouissant…
Hypocoristique : caressant... (Dan Franck, La séparation, 1991
Calamiteux : à propos de la gestion de son prédécesseur (Alain Juppé, 1995)
Ressourcerie : créé le 26 septembre 2000, le Réseau des Ressourceries a pour objet le regroupement, la synergie des compétences et des moyens, la professionnalisation, le développement, la représentation, la défense des intérêts de ses adhérents, la promotion d'initiatives, la formation, la sensibilisation à l’environnement du public, dans les quatre domaines suivants :
COLLECTER
Pour collecter vos objets inutilisés, la Ressourcerie met en place un système de collecte des objets encombrants...
VALORISER
Pour donner une seconde vie aux objets inutilisés que vous avez déposés, la Ressourcerie met en place un système de valorisation des objets encombrants ...
REDISTRIBUER
Pour redistribuer des objets de seconde main écologiques et équitables, la Ressourcerie vend les objets qu'elle a collectés et valorisés....
SENSIBILISER
Pour sensibiliser à la réduction des déchets, votre Ressourcerie met en place, en fonction de ses compétences, des actions spécifiques...
C’est le français qui vit et prospère…
08:00 Publié dans Vocabulaire, néologismes, langues minoritaires | Tags : néologismes, vocabulaire | Lien permanent | Commentaires (0)
01/10/2014
L'unification linguistique de la France
La revue de l’INED « Population et sociétés » a publié dans son numéro 285 de décembre 1993 (je sais, ça fait vingt ans, mais cette revue n’existant plus, je serais bien en peine de trouver une mise à jour de l’étude…) un panorama très intéressant de la situation du français dans l’Hexagone, en ces temps d’immigration porteuse de langues diverses et de tentatives de relance des langues régionales.
Selon l’enquête, les deux tiers des parents à qui on parlait une langue régionale ou étrangère quand ils étaient enfants, ne la parlent plus ordinairement à leurs propres enfants. Dans 95 % des familles françaises, c’est dans la langue nationale que les parents s’adressent habituellement à leurs enfants. Cela donne raison à Claude Hagège qui a écrit « Les langues minoritaires ne constituent pas un danger pour le français » (Le français et les siècles, 1987).
L’arabe est la première langue étrangère parlée en France (NDLR : à mon avis, c’est plutôt le franglais…) mais il concerne moins de 2 % des familles. Il est délaissé par la moitié des parents arabophones en une seule génération.
Le portuguais est en voie de réduction rapide (1 % des familles).
L’alsacien et le mosellan ensuite (0,6 %). Ils ont une sorte de sursis quant à leur abandon à cause de la proximité géographique du monde rhénan. Le corse, éloigné de la péninsule italique, est beaucoup moins parlé dans les familles ; il pourrait être devancé à terme par l’arabe et l’italien. Quant au breton, une étude de l’INSEE confirme sa quasi-disparition chez les moins de trente ans.
Le turc (communauté récente, faible numériquement mais qui se transmet encore à un niveau élevé) : 0,4 %.
Et enfin l’espagnol : 0,2 %.
Les femmes, contrairement à ce que l’on pourrait penser, se convertissent au français plus vite que les hommes ; de ce fait, la langue maternelle d’origine devint plutôt une langue « paternelle » !
Dans un même groupe linguistique, ce sont les plus démunis qui transmettent le plus. L’INED écrit : « Le trésor linguistique dont ils sont dépositaires est bien une richesse mais c’est souvent la richesse du pauvre ».
Les lois qui autorisent l’enseignement des langues régionales (loi Deixonne en 1951, circulaire Savary en 1982…) ne semblent pas avoir eu beaucoup d’impact sur leur disparition progressive. « Une langue même langue d’école, cesse d’être familière si elle n’est plus familiale ».
Enfin, point qui intéressera les pourfendeurs de franglais que nous sommes, une langue peut s’altérer même si elle est retransmise par une partie des familles. L’alsacien d’aujourd’hui est truffé de périphrases calquées du français et d’emprunts directs ; les jeunes locuteurs ne cessent de zapper entre les deux langues, comme ils le font entre télévision française et télévision allemande. On constate la même hybridation dans le corse et l’arabe dialectal.
08:00 Publié dans Données chiffrées sur le français | Tags : français, langues minoritaires | Lien permanent | Commentaires (0)
30/09/2014
Réformes de l'orthographe : chapitre IX Suppression d'anomalies
L’Académie a l’éternité pour elle puisque ses illustres membres sont immortels. De ce fait, quand l’une de ses propositions n’est pas suivie d’effet, elle repasse le plat quelques années plus tard. C’est ainsi que la suppression d’anomalies de l’orthographe (séries désaccordées et dérivés des noms en –on et –an), pétards mouillés de 1975, a réapparu dans la Réforme de 1990.
Dans ce neuvième et dernier billet consacré à la réforme, on va donc présenter les principales rectifications de graphie, dont les fameux ognon et nénufar (l’Académie a toujours écrit nénufar, ce mot d’origine arabo-persanne, sauf dans la huitième édition 1932-1935 de son Dictionnaire. Bizarre, bizarre, personne ne s’en était aperçu, même pas le cher Berthet).
J’y ajoute les commentaires et justifications qui figurent dans le Journal officiel car ils aident à faire passer la pilule. Soit dit en passant, ces rectifications rendent caduques quelques rappels que je faisais dans mon billet de cet été, inspirés du Berthet (daté il est vrai de 1941…).
Sur les séries désaccordées, l’Académie écrit que ces bizarreries ne sont ni esthétiques ni logiques ni commodes.
L’Académie constate par ailleurs que le non-redoublement du « n » est largement prédominant pour les dérivés des noms se terminant par –an (une cinquantaine de radicaux) mais que c’est moins clair pour les mots se terminant par –on.
D’abord des rectifications…
Verbe absoudre : absout, absoute (et non plus absous, absoute).
Verbe dissoudre : dissout, dissoute (et non plus dissous, dissoute).
Les appâts (et non plus les appas, que la dame soit jeune ou moins jeune…).
Asseoir, sursoir (et non plus asseoir). Le « e » ne se prononçant plus, asseoir va désormais s’écrire comme voir (qui lui-même s’écrivait veoir en ancien français) et choir (anciennement cheoir). Donc : j’assois (ou j’assieds) ma fille sur une chaise et demain je l’assoirai à nouveau.
Bizut (et non plus bizuth car on écrivait déjà bizuter et bizutage). Je suis sûr que les élèves des Grandes Écoles n’en voudront pas à l’Académie, Ségolène non plus, qui a fait interdire à juste titre cette pratique d’un autre temps…
Bonhommie (et non plus bonhomie). Et de même prudhomme, prudhommal, prudhommie (au lieu de prud’homie). Ma correspondante MA2 en sera satisfaite.
Cahutte (et non plus cahute) comme hutte.
Charriot (et non plus chariot) comme charrette.
Chaussetrappe (et non plus chausse-trape) comme trappe.
Combattif (et non plus combatif) comme combattant.
Et le fameux cuisseau (et non plus cuissot), gibier ou non !
Déciller (et non plus dessiller) à cause de cil. Il s’agissait d’une ancienne erreur d’étymologie.
Douçâtre (et non plus douceâtre). « cea » est une ancienne graphie qui est remplacée par le « ça », et donc inutile.
Exéma (et non plus eczéma) comme examen (sachant que « cz » est exceptionnel en français).
Imbécilité (au lieu de imbécillité).
Persiffler (au lieu de persifler) comme siffler.
Ponch (au lieu de punch, boisson antillaise). Cette nouvelle graphie évite la confusion avec le punch d’un boxeur et elle est conforme à la prononciation.
Relai (au lieu de relais). Cela rétablit la cohérence de relai-relayer avec balai-balayer, essai-essayer…
Saccarine (au lieu de saccharine).
Ventail (au lieu de vantail) comme vent. C’était une ancienne erreur d’étymologie.
À titre personnel, et pour ceux qui étaient en Auvergne le 26 juillet 2014, j’ajoute ce rappel : canard et cane, caneton et canardeau, canette (petite cane) mais cannette (ou canette) : petit tube, bobine de fil et canette : petite bouteille de bière. Il n’y a donc qu’un seul mot (et encore) qui prend deux « n » dans cette famille d’homonyme… c’est le mot technique (bobine de fil).
Ensuite les anomalies en –illier…
Le « i » qui suit la consonne ne s’entend plus. On écrira donc : poulailler, joailler, serpillère.
Les anomalies en –ll…
On écrira avec un seul « l » : corole, girole, guibole, mariole, comme bestiole, camisole et profiterole… ce qui régularisera cette terminaison en –ole.
Il restera néanmoins comme exceptions : folle, molle et colle et ses composés.
Les anomalies en –ett et –ell avec « e » muet…
On régularisera : lunette, lunetier ; noisette, noisetier ; prunelle, prunelier…
Et interpeler (et non plus interpeller), dentelière (et non plus dentellière)…
Et pour terminer, sinon conclure…
Pour récompenser ceux qui ont suivi jusqu’au bout les neuf chapitres, voici les « tendances », à savoir les recommandations de l’Académie quant à la construction de nouveaux mots ou à l’évolution de la graphie de mots existants.
Tendance à souder des mots composés, toujours en s’appuyant sur l’analogie avec des mots déjà soudés, le trait d’union subsistant pour les juxtapositions non entrées dans l’usage (exemple : relations franco-italiennes).
Tendance à accentuer « à la française » les mots étrangers intégrés au français.
Tendance à ne pas utiliser l’accent circonflexe lors de la transcription en français de mots étrangers (ne pas ajouter de complexité à la complexité !).
Tendance à marquer le singulier et le pluriel des mots étrangers selon les règles du français.
Tendance à écrire avec –otter les verbes formés sur –otte et avec –oter les verbes formés sur –ot (faut croire que ce n’était pas si systématique que cela…).
Tendance à franciser les mots empruntés, en les adaptant à l’alphabet et à la graphie du français. Éviter les signes diacritiques qui n’appartiennent pas à notre alphabet (sauf dans les noms propres).
Cela me donne l’occasion de souligner une tendance (un snobisme ?) à, justement, écrire à la mode étrangère certains prénoms ou patronymes.
On connaît Lorán Deutch.
Je viens de découvrir cette autre vedette :
qui écrit son prénom FRÀNÇOIS, avec un "À"...
Incidemment, cela fera plaisir à Marita, qui pense qu’un billet doit comporter des images, faute de quoi il n’est pas attrayant. Ouf, ce billet aura sa photo.
Bon, arrivé au terme de ces neuf chapitres et quatorze ans après la publication de la réforme de l’orthographe au Journal officiel de la République, il serait intéressant d’évaluer son impact dans la langue écrite d’aujourd’hui. Combien de ses propositions ont-elles été adoptées ?
Je ne suis pas capable de répondre pour l’instant à cette question. Des idées ?
08:03 Publié dans Règles du français et de l'écriture | Tags : réforme de l'orthographe, orthographe, graphies | Lien permanent | Commentaires (2)