Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/05/2016

Dis, quand reviendras-tu ?

Barbara est à l’honneur ces temps-ci, j’en ai déjà parlé ; il y a le beau spectacle, un peu confidentiel malheureusement, de son ancien accordéoniste et compagnon (Roland Romanelli) ; il y a l’inévitable hommage de l’homme à tout faire (Patrick Bruel), qui nous a surpris en nous confiant une passion précoce pour la chanteuse et en interprétant tant bien que mal plusieurs de ses compositions ; et il y a aussi, car il faut bien surfer sur les vagues porteuses, Robert Charlebois qui, lui aussi, dans son nouveau tour de chant « retour aux sources », exhume « Le piano noir », qu’il a composé pour elle en 1973 (paroles : Daniel Thibon, musique : Robert Charlebois)…

J’ai déjà dit que, pour moi, les textes de Barbara sont aussi remarquables que ses musiques (c’est ça la Grande chanson française !).

Voici par exemple quelques strophes extraites de « Dis, quand reviendras-tu ? »

 

« Voilà combien de jours, voilà combien de nuits,

Voilà combien de temps que tu es reparti,

Tu m'as dit cette fois, c'est le dernier voyage,

Pour nos cœurs déchirés, c'est le dernier naufrage,

Au printemps, tu verras, je serai de retour,

Le printemps, c'est joli pour se parler d'amour,

Nous irons voir ensemble les jardins refleuris,

Et déambulerons dans les rues de Paris…

 

Dis, quand reviendras-tu ?

Dis, au moins le sais-tu ?

Que tout le temps qui passe,

Ne se rattrape guère,

Que tout le temps perdu,

Ne se rattrape plus.

 

Le printemps s'est enfui depuis longtemps déjà,

Craquent les feuilles mortes, brûlent les feux de bois,

À voir Paris si beau dans cette fin d'automne,

Soudain je m'alanguis, je rêve, je frissonne,

Je tangue, je chavire, et comme la rengaine,

Je vais, je viens, je vire, je me tourne, je me traîne,

Ton image me hante, je te parle tout bas,

Et j'ai le mal d'amour, et j'ai le mal de toi… »

C’était en 1964, en alexandrins.

31/03/2016

Brassens, Brel, Barbara… et Bruel ?

Les trois B, ce n’est pas la nouvelle martingale proclamée par des consultants en entreprise pour résoudre tous les problèmes (songeons aux 5M et autres marottes de la Qualité, du Management et de la Réingénierie des processus) !

Ce sont les initiales des trois auteurs-compositeurs majeurs des Trente Glorieuses (Brassens, Brel, Barbara), ceux qui ont laissé une trace indélébile dans la chanson française, prenant la suite du grand Charles (Trénet) et avançant imperturbablement au milieu des déhanchements et des chansonnettes des Yéyés, et auxquels il faut d’ailleurs ajouter Léo Ferré, pour établir définitivement que, contrairement à ce que professait Serge Gainsbourg, la chanson n’est pas un art mineur.

Marienbad.jpgComposer une musique inoubliable, écrire un texte parfait et faire en sorte que les deux aillent indissolublement ensemble, voilà le défi qu’ils ont réussi à de nombreuses reprises (réécoutez « Amsterdam », « Mathilde », « Ma plus belle histoire d’amour », « Vienne », « Les sabots d’Hélène », « Les copains d’abord », « La mauvaise réputation », « C’est extra », « Avec le temps », « La vie d’artiste » et "Toulouse"…).

Pour devenir un « monument » (comme disent les médias), il faut un autre ingrédient : être repris, être mis au répertoire des plus jeunes. 

Et, dans ce domaine, Brassens (dont on étudie les textes à l’école) et Brel (combien de reprises de « Quand on n’a que l’amour » ?) sont imbattables ; Barbara, elle, a une petite faiblesse ; pour tout dire, elle est un peu oubliée (sauf pour « Göttingen » qui a été chantée par les élèves du Primaire, et peut-être L'aigle noir et Ma plus belle histoire d'amour)…

Barbara.jpg

 

C’est là qu’intervient Patrick Bruel.

Le chanteur adulé par les midinettes donne actuellement un spectacle (« se donne actuellement en spectacle » serait plus juste…) dans lequel, malgré des qualités vocales limitées, il reprend des chansons de Barbara. Devient-il de ce fait le quatrième mousquetaire, le quatrième B ?

Même si cela peut être opportuniste (relancer sa carrière et se positionner comme chanteur central de sa génération, soucieux de faire vivre et de transmettre l’héritage, au-delà de ses propres créations), c’est une initiative très louable ; à la fois pour faire connaître les magnifiques chansons de Barbara et pour assurer une solidarité et une continuité entre les générations d’auteurs-compositeurs (ce que font très bien les Américains, qui reprennent en permanence les morceaux des uns et des autres, le jazz s’étant même fait une spécialité de transcender les « tubes » de Broadway). Et il est clair que son public habituel découvre totalement Barbara en ce moment à Mogador.

Une fois qu’on a dit ça (comme disent les médias), on ne peut que constater qu’interpréter Barbara n’est pas une mince affaire, parce qu’elle avait une voix exceptionnelle, un phrasé exceptionnel et pour tout dire, une personnalité exceptionnelle ; faire revivre le « monde » qu’elle avait créé, est difficile.

Et on ne peut pas dire que Patrick Bruel y réussisse ; plusieurs débuts de chanson sont si laborieux vocalement qu’on a du mal à les reconnaître, pénalisés qu’ils sont en outre par une orchestration contestable (certains accords sont dénaturés, la batterie synthétique jouée sans nuance par le pianiste est du plus mauvais effet, etc.). Finalement, on est soulagé quand de ci, de là, Bruel reprend l’une de ses propres chansons ; adaptées à sa tessiture et à sa personnalité, elles passent bien (et évidemment il laisse chanter le public…).

Et que dire de sa mégalomanie galopante ? Il présente Barbara à sa mère ; il assiste à une quinzaine de concerts de suite de Barbara à Pantin, cette dernière chantant « Pantin » tout juste terminée, quasiment pour lui ; il chante en famille chaque semaine depuis l’âge de huit ans ; il est ami intime avec le constitutionnaliste Guy Carcassonne… Il ne manquait que le poker !

Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Barbara est à l’honneur également en ce moment dans un spectacle de Roland Romanelli (son ancien accordéoniste), « Barbara et l’homme en habit rouge ». C’est peut-être ça qu’il faut aller voir en priorité…

PS. Élément très intéressant, Barbara avait enregistré en 1960 deux disques : "Barbara chante Brassens" et "Barbara chante Brel" ; Les grands esprits… !

Version 2 du 3 avril 2016