19/09/2014
Irritations : langage texto et séries en continu
Je repense au soi-disant « langage texto » et à ses « merveilleuses trouvailles typographiques »…
À dire vrai, il y a au moins deux langues texto : celle à base de français et celle à base d’anglais. Ainsi ai-je été perplexe, l’autre jour, par le sigle « mdr » en bas d’un texto… Non, cela ne signifie pas « merci de répondre » mais « mort de rire ». Le problème, c’est qu’on nous a gavés, Sophie Marceau la première, avec « lol » (pour laughing out loud). À ce propos, vous êtes-vous interrogés sur la construction de cette expression anglaise ? C’est l’occasion de se rappeler de sa vieille prof. d’anglais du lycée, qui disait : « prenez d’abord la postposition et ensuite le verbe » (les exemples de l’époque, c’était « to swim back », reculer en nageant). Cette règle donne ici : « exploser (out) en riant (laughing) très fort (loud) ».
Bon, revenons au texto. Comme il accepte par construction (sms) peu de mots et comme nos contemporains sont pressés (où est la poule, où est l’œuf ?), il est bourré d’abréviations (et de fautes de français) dont se délectent les linguistes. Mais quelqu’un s’est-il avisé du fait que les téléphones modernes proposent, dans le menu Réglages, des raccourcis, qui, une fois déclarés, permettent d’écrire vite tout en composant des textos lisibles : si vous programmez par exemple « vs » ou « apm », votre texto contiendra « vous » et « après-midi »…
Autre irritation de la semaine : « NETFLIX arrive », « c’est génial des centaines de vidéos en ligne », « on va avoir la même chose que les Américains », etc., etc. Ça fait des semaines que cela dure, pas besoin de publicité, les journalistes font le boulot…
Le bouquet, c’est l’arrivée en France, pour lancer le truc, du PDG américain de NETFLIX. Il accorde une interview exclusive (!) à France Inter et, naturellement, c’est en anglais. À la question : « allez-vous produire et diffuser des séries françaises ? », la réponse est tout sauf claire ; il botte en touche, indiquant qu’il dispose du plus grand répertoire de séries au monde. Ne nous faisons pas d’illusion : le but de NETFLIX sera de recycler en France le plus possible de séries américaines déjà amorties et de dépenser le moins d’argent possible pour ces veaux de Français (chers à De Gaulle) qui adorent téter le lait de la vache d’outre-Atlantique et qui, en plus, disent merci.
Autre moment fort de l’entretien : quand on lui rappelle que les discussions avec la ministre Aurélie Filipetti se passaient mal… Coup de bol, elle a été virée et la nouvelle, Fleur Pellerin, ancienne de l ‘économie numérique, a parfaitement compris l’intérêt de déverser des tsunamis de bouillie américaine dans les cerveaux disponibles de nos concitoyens.
À ma connaissance, on n’a jamais beaucoup parlé sur les ondes de séries françaises (comme par exemple « La famille formidable » ou « Fais pas ci, fais pas ça », sans doute « trop beauf » ou « trop franchouillard » ?) mais on déroule le tapis rouge aux productions industrielles américaines… pourquoi ? à qui profite le crime ?
Dernière chose sur ce sujet : le terme « streaming »… pourquoi n’a-t-il jamais été francisé ? Ne peut-on pas dire « en continu » ?
Voici ce qu’en dit Wikipedia : streaming (terme anglais, de stream : « courant », « flux », « flot ») ; diffusion en flux (terme recommandé par la Commission générale de terminologie et de néologie) ou lecture en continu, lecture en transit (suggestions de l'Office québécois de la langue française). L'OQLF propose également la locution adverbiale « en continu » pour qualifier les procédés de lecture en continu ou diffusion en mode continu (selon le lexique de l'AFNIC, voir http://www.afnic.fr/doc/lexique/d#diffusioncontinue).
Encore une fois, la créativité et l’absence de consensus entre les organismes de francisation ne nous facilitent pas la tâche.
Moi, je propose, comme les Québécois, lecture en continu.
Gardons espoir néanmoins. Un journal comme Le Revenu utilise en général les termes français et écrit les termes anglais en italiques. Dans l’exemple ci-dessous, du coup, on oublie streaming et on comprend ce qu’on lit…
08:00 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
18/09/2014
Réformes de l'orthographe : chapitre VI Les accents
On aborde aujourd’hui le cas des ¨, ´, `et ^, c’est-à-dire de mes chers accents.
Et là, cher public, il va falloir vous accrocher un peu.
D’abord, le tréma.
Il interdit que l’on prononce deux lettres successives en un seul son (voir la différence entre lait et naïf).
La rectification consiste à le déplacer quand il est positionné sur la mauvaise lettre (cf. la première liste dans l’aliéna suivant) et à le rétablir quand il manque (cf. la seconde liste).
On écrira donc : aigüe (au lieu de aiguë !), ambigüe, ambigüité, exigüe, exigüité, contigüe, contigüité et la fameuse cigüe de Socrate.
Et d’autre part : il argüe (et toute la conjugaison du verbe argüer, qui se prononce ar-gu-er et non pas comme narguer !), gageüre, rongeüre… reconnaissons que la vie quotidienne des Français ne va pas être bouleversée par ce changement d’écriture qui met en accord la graphie avec la prononciation.
Ensuite le circonflexe.
Sur les voyelles a, e et o, rien ne change.
Mais sur les voyelles i et u, il n’est maintenu que dans les cas suivants :
- La terminaison des conjugaisons, au passé simple, à l’imparfait du subjonctif (si, si, ça existe !) et au plus-que-parfait du subjonctif : nous suivîmes, nous voulûmes, vous suivîtes, vous voulûtes, qu’il suivît, qu’il voulût, qu’il eût suivi, il eût voulu… sur le modèle du verbe aimer. Et donc : nous voulûmes qu’il prît la parole ; il eût préféré qu’on le prévînt. Ce qui veut dire, a contrario, que l’on écrira dorénavant : il apparait (et non plus il apparaît)…
- Dû, jeûne, mûr, sûr, croître : on conserve l’accent circonflexe car il apporte une distinction de sens fort utile (par rapport à l’article du, au jeune qui n’en veut, au mur de la maison, au bœuf sur le toit et à la conjugaison du verbe croire). Mais on ne la met pas sur les dérivés ni sur les composés de ces mots : sureté, accroitre…
- Dû, mûr et sûr ne prennent pas d’accent au féminin ni au pluriel (car il n’y a plus d’ambigüité)
Certaines anomalies étymologiques sont rectifiées. On écrira désormais :
§ le participe passé mu (et non plus mû) comme su, tu, vu et lu ;
§ plait comme tait et fait ;
§ piqure comme morsure
§ traine et traitre, comme gaine et haine) ;
§ assidument, continument, crument, dument, goulument…
Mais les noms propres et leurs adjectifs dérivés ne sont pas modifiés (Nîmes et nîmois).
Et enfin les accents aigus et graves…
- on accentue sur le modèle de semer, les futures et conditionnels des verbes du type céder ; en clair : je cèderai, je cèderais, j’allègerai, je considèrerai…
- on écrira : aimè-je ?, puissè-je ? (vous l’utilisez souvent, vous ?)…
- on ajoute des accents aux mots suivants : asséner, démiurge, québécois, recéler, réfréner… (je n’ai reproduit que les mots les plus courants) ;
- on modifie l’accent sur les mots suivants : allègement, allègrement, assèchement, cèleri, crèmerie, règlementaire (et les autres mots de la même famille), évènement, sècheresse… (je n’ai reproduit que les mots les plus courants). De ce fait, la graphie redevient conforme à la prononciation.
- on accentue, conformément à la prononciation actuelle, les mots d’origine étrangère : artéfact, critérium, désidérata, duodénum, facsimilé, linoléum, média, mémento, mémorandum, placébo, référendum, satisfécit, sénior, vadémécum, véto (d’origine latine) et aussi allégro, braséro, diésel, édelweiss, imprésario, pédigrée, pérestroïka, péséta, révolver, séquoïa, sombréro, trémolo… (je n’ai reproduit que les mots les plus courants)
Ça se complique encore quand on attaque les verbes en –eler et –eter : on les conjuguera sur le modèle de peler et acheter : l’eau ruissèle (et non plus elle ruisselle), l’eau ruissèlera, l’homme de ménage époussète ou époussètera, le jeune étiquète ou étiquètera.
Et idem pour les noms en –ement qui en sont dérivés : amoncèlement, ensorcèlement, martèlement, morcèlement, nivèlement, ruissèlement… (je n’ai reproduit que les mots les plus courants).
Voilà, c’est fini…
Rassurez-vous, braves gens : dans sa bonté (et sa sagesse), l’Académie a stipulé que les amoureux des anciennes graphies pouvaient les conserver… Ouf !
08:00 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
17/09/2014
Une lectrice m'a écrit
Eh oui, cher public, certains lecteurs du blogue font des commentaires ; ils sont peu nombreux jusqu’à présent, il est vrai.
Voici donc les commentaires reçus d’une lectrice, ICB. J’ai reproduit mes réponses en italiques.
ICB : Pour faire court sur les compliments, je trouve les billets globalement intéressants et utiles.
Je n'ai pas lu tous les billets depuis l'ouverture du blogue, donc mes remarques portent sur une quinzaine environ, depuis mon retour de vacances.
Certaines phrases sont longues et « riches », à savoir compliquées pour le Français moyen, avec du vocabulaire peu usuel, voire pointu. Exemple dans le billet « C'est pas une métaphore, c'est une périphrase ! » : « On sera d’accord avec lui que ces expressions, qui évoquent l’abstrait avec des mots concrets (« manger du lion »…), font le sel de notre langue, évitent l’emphase et le nébuleux, sont immédiatement accessibles à tous et permettent de réagir contre l’appauvrissement lié au globish."
L’animateur du blogue (moi) : C'est vrai, je m'en suis rendu compte en l'écrivant... j'aime bien les belles phrases « à la Proust » mais par ailleurs, je professe la concision, avec des phrases de 15 mots... Je vais me surveiller.
ICB : Ma seconde remarque porte sur la difficulté que j'ai parfois à aller jusqu'au bout des billets. Je préfère, et de loin, les billets courts. Exemples : « Les merveilleuses exceptions du français. Quatrième partie : facéties orthographiques » (2 septembre 2014), a une longueur parfaite, alors que le billet « Réformes de l'orthographe : chapitre I Principes », est un peu long, je m'arrête avant la fin. Quant au billet du 8 septembre, il me fait peur, je ne l'attaque pas, malgré un titre accrocheur.
La durée de lecture ne doit pas excéder la minute à mon avis.
Moi : Oui, bien sûr, j'en suis conscient. Il faut que je tranche entre billet court et thèse de doctorat ! Depuis le début, je vise à faire court (peut-être que « une page affichée » doit être le maximum) et je scinde les sujets longs en plusieurs chapitres mais de temps en temps, je me laisse emporter par ma fougue...
ICB : La longueur lisible sans effort va aussi dépendre de son niveau d'humour, de l'intérêt que je porte au sujet, et à la présentation. Les caractères gras, italiques ou autres variations, facilitent la lecture.
Moi : Oui, j'essaie d'enluminer le texte... et j'adore le bleu...
ICB : J'aime beaucoup les articles d'actualité, encore plus quand ils sont illustrés, comme celui du 5 septembre « Pour "faire français", ils accentuent les majuscules » ou celui du 31 août « Les merveilleuses exceptions du français. Troisième partie : la fin des mots ». Même sans illustration, il y a d'autres articles d'actualité qui m'ont captivée : celui du 4 septembre « J'en suis tombé par terre… c'est la faute à Ferney » ou alors celui sur les chiffres de la francophonie (3 septembre).
Moi : Que répondre… que ça me fait très plaisir...
ICB : Certains articles plus généraux ne m'intéressent pas mais probablement parce que suis plus orientée vers les romans que vraiment vers la littérature, et aussi plus tournée vers l'actuel et l’avenir que vers le passé. Par exemple, l'article du 1er septembre, Médecin en littérature : Abnousse Shalmani, n'est pas un thème qui m'attire. D'ailleurs, je n'avais pas aimé le livre de Pennac, je préfère les Malaussène de très loin. Ou encore l'article du 6 septembre, "Tu nous manques, René...".
Moi : Bon, là c'est affaire de goût... je ne veux pas me limiter ni à l'orthographe (contrairement aux apparences, je ne suis pas un Père la Rigueur !) ni à la chasse au franglais. Ce serait lassant pour tout le monde. Je veux parler littérature, actualité de la francophonie, commenter des livres que j'ai aimés... en un mot élargir le champ au maximum, dans la mesure où la langue française est concernée, même si le lien est ténu.
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