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31/03/2016

Brassens, Brel, Barbara… et Bruel ?

Les trois B, ce n’est pas la nouvelle martingale proclamée par des consultants en entreprise pour résoudre tous les problèmes (songeons aux 5M et autres marottes de la Qualité, du Management et de la Réingénierie des processus) !

Ce sont les initiales des trois auteurs-compositeurs majeurs des Trente Glorieuses (Brassens, Brel, Barbara), ceux qui ont laissé une trace indélébile dans la chanson française, prenant la suite du grand Charles (Trénet) et avançant imperturbablement au milieu des déhanchements et des chansonnettes des Yéyés, et auxquels il faut d’ailleurs ajouter Léo Ferré, pour établir définitivement que, contrairement à ce que professait Serge Gainsbourg, la chanson n’est pas un art mineur.

Marienbad.jpgComposer une musique inoubliable, écrire un texte parfait et faire en sorte que les deux aillent indissolublement ensemble, voilà le défi qu’ils ont réussi à de nombreuses reprises (réécoutez « Amsterdam », « Mathilde », « Ma plus belle histoire d’amour », « Vienne », « Les sabots d’Hélène », « Les copains d’abord », « La mauvaise réputation », « C’est extra », « Avec le temps », « La vie d’artiste » et "Toulouse"…).

Pour devenir un « monument » (comme disent les médias), il faut un autre ingrédient : être repris, être mis au répertoire des plus jeunes. 

Et, dans ce domaine, Brassens (dont on étudie les textes à l’école) et Brel (combien de reprises de « Quand on n’a que l’amour » ?) sont imbattables ; Barbara, elle, a une petite faiblesse ; pour tout dire, elle est un peu oubliée (sauf pour « Göttingen » qui a été chantée par les élèves du Primaire, et peut-être L'aigle noir et Ma plus belle histoire d'amour)…

Barbara.jpg

 

C’est là qu’intervient Patrick Bruel.

Le chanteur adulé par les midinettes donne actuellement un spectacle (« se donne actuellement en spectacle » serait plus juste…) dans lequel, malgré des qualités vocales limitées, il reprend des chansons de Barbara. Devient-il de ce fait le quatrième mousquetaire, le quatrième B ?

Même si cela peut être opportuniste (relancer sa carrière et se positionner comme chanteur central de sa génération, soucieux de faire vivre et de transmettre l’héritage, au-delà de ses propres créations), c’est une initiative très louable ; à la fois pour faire connaître les magnifiques chansons de Barbara et pour assurer une solidarité et une continuité entre les générations d’auteurs-compositeurs (ce que font très bien les Américains, qui reprennent en permanence les morceaux des uns et des autres, le jazz s’étant même fait une spécialité de transcender les « tubes » de Broadway). Et il est clair que son public habituel découvre totalement Barbara en ce moment à Mogador.

Une fois qu’on a dit ça (comme disent les médias), on ne peut que constater qu’interpréter Barbara n’est pas une mince affaire, parce qu’elle avait une voix exceptionnelle, un phrasé exceptionnel et pour tout dire, une personnalité exceptionnelle ; faire revivre le « monde » qu’elle avait créé, est difficile.

Et on ne peut pas dire que Patrick Bruel y réussisse ; plusieurs débuts de chanson sont si laborieux vocalement qu’on a du mal à les reconnaître, pénalisés qu’ils sont en outre par une orchestration contestable (certains accords sont dénaturés, la batterie synthétique jouée sans nuance par le pianiste est du plus mauvais effet, etc.). Finalement, on est soulagé quand de ci, de là, Bruel reprend l’une de ses propres chansons ; adaptées à sa tessiture et à sa personnalité, elles passent bien (et évidemment il laisse chanter le public…).

Et que dire de sa mégalomanie galopante ? Il présente Barbara à sa mère ; il assiste à une quinzaine de concerts de suite de Barbara à Pantin, cette dernière chantant « Pantin » tout juste terminée, quasiment pour lui ; il chante en famille chaque semaine depuis l’âge de huit ans ; il est ami intime avec le constitutionnaliste Guy Carcassonne… Il ne manquait que le poker !

Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Barbara est à l’honneur également en ce moment dans un spectacle de Roland Romanelli (son ancien accordéoniste), « Barbara et l’homme en habit rouge ». C’est peut-être ça qu’il faut aller voir en priorité…

PS. Élément très intéressant, Barbara avait enregistré en 1960 deux disques : "Barbara chante Brassens" et "Barbara chante Brel" ; Les grands esprits… !

Version 2 du 3 avril 2016