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20/05/2019

"Macron, un mauvais tournant" : critique VI

En haut de la page 156, les Économistes atterrés règlent ensuite son compte à la stratégie d’Emmanuel Macron vis-à-vis de la protection sociale qui est « comme celle des gouvernements précédents, de créer les difficultés financières à la Sécurité sociale pour justifier les réformes ». Et comme toujours, il faut regarder précisément, dans les recoins (ou le maquis) des règles et des exceptions, pour trouver les astuces – voire les tours de prestidigitation – qui en permettent le démantèlement pierre par pierre ; ainsi le « forfait social » imposé aux entreprises compensait le fait qu’elles ne paient aucune cotisation sur les rémunérations extra-salariales. Sa suppression début 2019 pour les entreprises de moins de 250 salariés va les inciter « à augmenter la participation ou l’intéressement plutôt que d’accroître les salaires ». Elle va coûter un demi-milliard d’euros à la Sécurité sociale !

La partie 6 du livre s’intitule « Écologie : le tournant refusé ». Incidemment, on peut s’étonner qu’un Président si jeune ne soit pas intéressé, voire obnubilé, par la crise écologique qui nous menace ; c’est sa génération qui va commencer à trinquer ! Les Économistes atterrés notent quant à eux que les intérêts dominants (ceux des grandes entreprises, des grandes banques, des gouvernants des grands pays et des institutions internationales) sont en faveur du maintien (ou de l’amélioration) de leurs positions. Un exemple : les quatre grandes centrales d’achat qui refusent de diminuer leurs marges, au détriment des revenus de nombreux paysans (page 190).

Sans surprise, la partie 7, « Rénover l’Europe ? », constate que « Il est difficile de faire converger vers une Europe sociale ou une Europe fiscale des pays dont les peuples sont attachés à des systèmes structurellement différents et dont les classes dirigeantes ont choisi des stratégies différentes (…) En somme, c’est toute la stratégie d’uniformisation portée par le marché unique et l’euro qui mérite d’être questionnée » (page 205).

Et pour finir, au-delà des déclarations lyriques sur ce que pourrait être une Union européenne – mais dont nos partenaires ne veulent pas – « Emmanuel Macron propose que l’Allemagne et la France aillent de l’avant et intègrent totalement leurs marchés d’ici 2024, ce qui implique en fait que la France s’aligne sur l’Allemagne. C’est un moyen pour Emmanuel Macron d’imposer à marche forcée en France des réformes difficiles (privatisations, dérégulations, baisse des cotisations et donc de la protection sociale, baisse des impôts sur les entreprises) » (page 213).

Là-dessus vinrent les Gilets jaunes.

Gilets jaunes.jpg

26/04/2019

"Macron, un mauvais tournant" : critique V

Il est encore temps, alors que la conférence de presse « refondatrice » de M. Macron ne date que du 25 avril 2019, de publier quelques extraits de plus du livre des Économistes atterrés.

La partie 4 s’intitule : « Travail : satisfaire le patronat ». Sa thèse est que, depuis 20 ans, le patronat français a obtenu des Pouvoirs publics à peu près tout ce qu’il demandait.

Morceaux choisis… « La France n’a jamais réussi à avoir un dialogue social satisfaisant. Le patronat n’a pas vraiment accepté l’existence des syndicats (…). En 1999, le MEDEF publie un projet de refondation sociale, qui demande la primauté des accords entre partenaires sociaux, sur la loi (…). Le MEDEF refuse la cogestion des entreprises mais réclame que les patrons cogèrent l’État » (page 102). Ce projet valorise le chef d’entreprise mais ignore les parties constituantes (salariés) et les parties prenantes (fournisseurs, clients).

Quand on lit les revendications de ce texte (voir page 103), on constate qu’à l’automne 2018, avec la loi Travail (Macron 2) – inversion de la hiérarchie des normes, durée du travail, contrat de travail, seuils sociaux –, les patrons ont effectivement tout obtenu, sans manifestation de rue ni naturellement de violence…

La partie 5 aborde la politique budgétaire, qualifiée d’inégalitaire par les auteurs. On y trouve un paragraphe sur l’ISF, dont le rétablissement a été réclamé en vain par les Gilets jaunes. Il rapportait près de 5 Mds € en 2016 (et non pas 3,5 comme je l’ai entendu répété par le représentant d’En Marche dans « Le grande confrontation » sur la chaîne LCI). Notant les nombreuses exonérations et abattements dont il était accompagné, les Économistes atterrés considèrent que « Il est légitime que, à côté d’une taxation des revenus, il existe une taxation des gros patrimoines qui profitent largement de l’organisation sociale. Malencontreusement, le total IR+ISF était plafonné à 75 % du revenu déclaré, ce qui incitait les plus riches à accumuler des plus-values latentes dans une société créée à cet effet pour détenir leurs titres, à déclarer très peu de revenus (donc à bénéficier du plafonnement) et à prétendre vivre à crédit (en utilisant les titres accumulés comme garantie) » (page 134).

On sait maintenant que la campagne contre l’ISF et son argumentation ont porté leurs fruits, puisqu’il a été supprimé (avec un an d’avance) et n’a pas été rétabli hier soir. L’un des arguments était qu’il faisait fuir les meilleurs d’entre nous à l’étranger ; or le solde net n’est que de 500 fuyards par an, soit 0,2 % des personnes assujetties, et leur âge moyen de 57 ans ! Le paragraphe sur les salaires, les retraites et le pouvoir d’achat est également instructif : « Les salariés ne pourraient plus avoir de hausses de salaires financées par leur entreprise (et donc par leur travail). Les hausses de salaires devraient être financées par des baisses de cotisation (donc de prestations sociales) ou des baisses d’impôt (donc de dépenses publiques) » (page 156).

21/04/2019

"Macron, un mauvais tournant" : critique IV

Le report réitéré des mesures envisagées par M. Macron pour répondre à la crise me donne du temps supplémentaire pour vous donner encore quelques extraits du livre « Macron, un mauvais tournant » des Économistes atterrés (paru en 2018, avant le 17 novembre…).
Dans la partie 3, « Réformes structurelles : liberté, concurrence, finance », on trouve, outre un rappel de faits bien connus comme l’explosion de la rémunération des hauts dirigeants et l’augmentation des inégalités (les fameux 0,01 %, à savoir 3000 ultra-riches en France) quelques considérations intéressantes sur l’actionnariat des entreprises :
• Ces hauts dirigeants, disposant d’informations exclusives sur la santé réelle de leur entreprise, arrivent à berner leurs propres actionnaires (voir les affaires Enron ou Vivendi) ;
• L’évolution depuis les Trente Glorieuses s’est faite à rebours de « L’euthanasie progressive des rentiers » ardemment souhaitée par Keynes ;
• « La firme actionnariale joue contre les salaires. Mais elle joue aussi contre l’investissement. Le gouvernement français, en taxant moins les placements financiers (…), prétend encourager celui-ci (NDLR : l’investissement). Mais c’est oublier que le capital des chefs d’entreprise (…), comme celui des cadres dirigeants investi dans leur entreprise, était déjà exempté d’ISF. C’est oublier aussi que l’essentiel des achats d’actions en Bourse s’effectue sur le marché secondaire (…), ce qui ne rapporte en conséquence aucune ressource aux entreprises » (page 62).

Les auteurs s’intéressent ensuite au secteur public, à sa légitimité, à son périmètre et à son efficacité, à l’heure où l’exécutif, si l’on en croit les éléments qui ont filtré dans les médias, songent à échanger des baisses d’impôts (pour qui ?) contre un nouveau rabotage des services publics (lesquels ? où ?).
« Alors que des dizaines de rapports d’inspiration libérale – dont l’outrancier rapport Attali de 2008 par lequel Emmanuel Macron a fait ses premières armes – se sont succédé pour plaider en faveur de ces privatisations, frontales ou rampantes, on en compte bien peu en faisant un bilan sérieux (NDLR : de ces privatisations) et précis en termes de qualité du service rendu, mais aussi de coûts.
Le Royaume-Uni, sous un gouvernement conservateur qui plus est, a décidé de ne plus recourir à de nouveaux partenariats public-privé (dénommés Private Finance Initiative outre-Manche), dont il était pourtant le champion, cela suite à des rapports accablants sur leurs résultats » (page 73).

À quand un moratoire sur ces montages en France ?