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27/02/2015

Yvelines-Renault, même combat

Il y a le franglais, bon… C’est pas nouveau ; on sait qu’il est dû en partie (en petite partie selon moi) à la proximité graphique et lexicale avec l’anglais ; son snobisme a été, entre autres, raillé par Marcel Proust dans La Recherche mais, vu l’état des lieux en 2015, ce n’était qu’une aimable plaisanterie.

À partir des années 70, il y eu la manie de donner des noms « à graphie anglaise ou américaine » à des produits ; mon plus lointain souvenir est un modèle de Renault qui avait été affublé de l’adjectif « electronic » (sur la calandre arrière). Depuis cette mode a fait rage ; on ne compte plus les enseignes en anglais, même dans les petites villes de nos belles provinces ; et, sur les ondes en ce moment, Citroën nous bassine avec la publicité de son « cross-over »…

Plus récemment – mais depuis quand ? – les technocrates nous ont inondé d’acronymes français sonnant anglais. De quoi s’agit-il ?

Yvelines golf.jpgJe viens d’en trouver un excellent exemple dans le numéro d’octobre 2013 de la revue du Conseil général des Yvelines, modestement baptisée « Yvelines » (je rigole mais, si ça tombe, il y en a qui prononcent ça « aïe-v’laïne-sss »…).

Ça se trouve page 16 : on nous dit que 130 points de recharge de véhicules électriques ont été installés dans le cadre de SAVE. Bien. Et que signifie SAVE ? Seine Aval Véhicules Electriques (sans É) ! Ce premier exemple est instructif.

D’abord il manque l’accent aigu sur le E… Banal. Depuis 1946, on a bien EDF sans le É de « Électricité de France ». Une partie de la population prononce d’ailleurs « é-dé-eff », voire « l’é-dé-eff », montrant ainsi involontairement son attachement à l’essence « nationale », « publique » et « monopolistique » de cette entreprise. Mais c’est un autre sujet.

Ensuite, pour permettre l’acronyme, le promoteur de la chose a inversé l’ordre naturel des mots en français. En effet, il faut comprendre « Véhicules électriques pour l’aval de la Seine » ; le déterminant est « aval de la Seine », il doit être placé « après » ; le déterminé, mot principal, est « Véhicules électriques » ; il doit être en tête.

 

La page 21 nous réserve une surprise d’une autre nature, moins subtile. Jean-Paul Guerlain, qui s’est illustré depuis dans des saillies radiophoniques remarquées, a créé en 1994 un pôle de compétitivité national à Orphin près de Rambouillet, autour de la parfumerie ; « Shalimar » vient de là, par exemple. Et il l’a baptisé « Cosmetic Valley », tout en se targuant que « tous les produits sont élaborés, fabriqués et emballés en France ». Est-ce la meilleure façon d’en convaincre les Chinois, même s’ils les achètent boulevard Hausmann ?

En son temps, chez Renault (encore Renault !), Louis Schweitzer avait imposé l'anglais dans son conseil d'administration, sans même arguer du même motif que l'inénarrable Didier Michaud-Daniel (Bureau Véritas) (voir mon billet du 18 février 2015). Parce que ça faisait chic, sans doute. 

Dernier coup de bambou, page 33.

On a créé à Carrières sous Poissy le Parc du Peuple de l’herbe, parc paysager le long de la Seine. Il faut croire que ce n’était pas clair puisque le journaliste a intitulé son article « Un petit Central Park en bord de Seine »… On y apprend que ce parc fait partie d’un vaste projet appelé « Seine City Park » localement, et labellisé  « Life+ » par l’Union européenne. Ben, mon colon, les Yvelines, c’est vraiment chic et choc !

D’autant qu’on y développera la filière du miscanthus (mes lecteurs savent-ils ce que c’est ?) et qu’on y créera un nouveau quartier « ZAC nouvelle centralité »…

En octobre 2013, début du chantier, une exposition temporaire attendait les visiteurs. Elle exposait quoi ? 28 big bags. C’est quoi ? des sacs de chantier, of course !

Comme disaient les Deschiens, « On a eu envie de tout casser…

C’est ce qu’on a fait ! ».

26/02/2015

Lectures (III)

J’avais dit que « Lectures » était d’un abord difficile. Voici son début, son « Longtemps je me suis couché de bonne heure », daté de 2002 :

« Mardi, sieste.

Question de Mrs. Sheridan à Disraeli :

-       qu’est-ce qui est le plus désirable ?

-       un cortège splendide, de l’adolescence au tombeau ».

On se dit immédiatement que ce type se fout de nous. Outre que ses siestes nous importent peu, ses citations non référencées et elliptiques nous sont de peu d’enseignements.

Page 68, sous le titre « Littérature française », il rend compte du livre « Gens de Beauce » de Gaëlle Obiégly. « Il est question d’une certaine Jeanne M., jeune fille de province, vivant comme un petit animal : les sensations, la douleur, les autres, comme des animaux eux aussi. Tout cela dense, une chronique d’ombre et de boue étincelante ». Très bien. Mais il conclut son analyse par ces mots : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire de littérature à bout de souffle ?  Qui parle ainsi ? Au nom de quoi ? » et passe à autre chose. Débrouillez-vous avec ça…

À la première lecture, j’ai compris qu’il éreintait cette chronique provinciale mais la formulation en était alambiquée.

Dans un second temps, j’ai deviné que, probablement, il éreintait les oiseaux de mauvais augure qui éreintaient une littérature française prétendument « à bout de souffle » et dont au contraire, « Gens de Beauce » serait un magnifique contre-exemple. Et qu’il contestait à ces oiseaux, toute légitimité pour ce faire…

Ça fait quand même beaucoup d’ambiguïté dans un verdict de trois lignes ! On doit pouvoir écrire (et parler) un français plus clair, surtout quand on est critique littéraire…

Heureusement ses goûts littéraires, je les ai déjà évoqués, sont les nôtres, cela le rend familier et amical.

Tout d’un coup, un mardi d’avril 2004, il décide « solennellement » de relire toute la Comédie humaine (Balzac). Ce qui indique qu’il l’a déjà lue intégralement. Alors là, chapeau !

25/02/2015

Lectures (II)

Je reviens aujourd’hui sur le Journal littéraire de Michel Crépu.

À propos du livre de Marc Fumaroli (une autre de nos connaissances) « Chateaubriand : poésie et terreur », il écrit : « Depuis Beckett, lu en 77-78 à Censier, Chateaubriand est ce que j’ai lu de plus fort. Une première lecture d’adolescence dormait dans ma mémoire. Et puis, soudain, tout se réveille, il y a vingt-cinq ans ».

Fumaroli considère Chateaubriand comme le premier écrivain du XXè siècle, un visionnaire, qui a écrit, à propos de la noblesse et de la Révolution : « ce qui rend la société française incomparable et qui rachète nos défauts… c’est cette absence de toute morgue et de tout préjugé, cette inattention à la fortune et aux noms, ce nivellement naturel de tous les rangs, cette égalité des esprits ».

Et Crépu de conclure, page 51 : « Nous y sommes, la scène se passe à Berlin, au livre 4 de la première partie des Mémoires, Chateaubriand est tout seul ce soir, dans sa chambre. Il entend, porte de Brandebourg, « les pas sur la neige de l’homme qui siffle les heures ». C’est là, c’est maintenant ».

Rousseau est le premier maître du jeune Chateaubriand. « Il doit à Rousseau son amour de la liberté, son adhésion au principe de l’égalité, sa compassion pour tout ce qui souffre et son sens romantique de la passion ».

Voilà ce que nous sommes… Ces maîtres ont formé notre vision du monde, ne serait-ce qu’à travers les extraits de leurs œuvres étudiés en classe.

Quid de ceux qui n’ont pas lu Chateaubriand (ou Hugo et les autres) ?