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19/03/2015

Lectures (V)

Donc, un matin d’avril 2004, un mardi, M. Crépu décide « solennellement » de relire tout Balzac.

Voici l’ambiance : « Deux heures du matin, petit vent dans la cheminée, froid sibérien dans la cour » !

 

« Mise en jambe avec Louis Lambert, La maison du chat qui pelote, puis haute mer immédiate avec le Lys dans la vallée. Le Lys, ce sont les Hauts de Hurlevent sur les bords de l’Indre, un ouragan en Touraine ».

 

Balzac la Touraine.jpg

Et voici comment il rend l’impression que lui donne cette lecture : « La violence du paysage qui entoure le château de Clochegourde comme une frondaison énorme. Le paysage tourangeau si calme, si doux, emporté par une lame de fond. Au centre, il y a ce petit caillou blanc où vivent le comte acariâtre et la comtesse en chrétienne romantique, martyre et folle amoureuse, les enfants maladifs, Félix tel un hanneton détaché de Paris, etc. : le vertige sentimental est compris à l’intérieur d’un vertige végétal ».

 

Chapeau bas, non ?

18/03/2015

Lectures (IV)

Dans son Journal littéraire 2002-2009, Michel Crépu revient plusieurs fois sur le livre que Marc Fumaroli a consacré à Chateaubriand. Il y avait eu le chapitre sur ses liens avec Rousseau ; en février 2004, il s’agit de le comparer avec l’écrivain anglais Byron.

Byron.jpgMichel Crépu écrit : « Demeure cette solitude de Byron qui me touche, au final, plus que celle de Chateaubriand. Littérairement, Chateaubriand est plus grand que Byron. Peut-être. On ne pourra jamais vraiment savoir, nombre de manuscrits de Byron ayant été brûlés. Byron a payé très cher le fait d’être Byron ».

 

Je n’ai pas lu Byron et au train où vont les choses (et où s’entassent chez moi les livres que j’ai envie de lire), ce n’est pas près d’arriver.

C’est plutôt sa fille que j’ai côtoyée, si l’on peut dire, à la fin des années 1970, quand a été développé en France, pour le département de la Défense des États-Unis, un nouveau langage informatique baptisé Ada, en hommage à la seule fille légitime de Lord Byron, mathématicienne et surtout première informaticienne au monde, au milieu du XIXè siècle. Elle a été, en effet, la première à décrire un programme, au sens moderne du terme, permettant de calculer automatiquement les nombres de Bernoulli, en utilisant la machine de Charles Babbage. Ce n’est que dans les années 30 qu’Alan Turing, un autre Anglais, formalisera la notion de calculateur universel, capable de manipuler des symboles.

 

Kafka.jpgJe n’ai pas lu non plus Kafka, même pas « le Procès »… Michel Crépu en fait grand cas, c’est sûrement mérité. Il raconte (page 62) qu’à la fin de sa vie, il tombe amoureux d’une jeune fille de dix-neuf ans (Wikipedia dit : 25 ans). Écoutons-le.

« Il (Kafka) est parti à Berlin rejoindre Dora Diamant, rencontrée à Müritz, sur la Baltique, où se trouve une Jüdisches Volksheim, colonie de vacances pour enfants juifs (nous sommes en 1924). Dora… fait la cuisine pour la colo et elle est tombée sous le charme de cet homme décrit par Citati comme de haute taille, ironique et doux. Elle le veillera jusqu’au bout. À la fin, elle complète les lettres que Kafka est incapable de finir ».

 

C’est beau, non ?

 

Le 19 mai 1924, Dora écrit aux parents de Kafka : « …voir par vous-mêmes à quel point Franz est bien ici. Il est étendu au balcon de sept heures du matin à sept-huit heures du soir. Jusqu’à midi ou plus exactement jusqu’à deux heures, il y a le soleil, qui s’en va ensuite chez d’autres patients qui se trouvent de l’autre côté, et il est remplacé par des senteurs merveilleuses et enivrantes qui montent peu à peu du fond de la vallée et qui agissent comme un baume. Jusqu’au soir, il gagne en intensité jusqu’à devenir presque insupportable, c’est incroyable ».

 

Pas mal la petite, non ? On se croirait dans « Der Zauberberg (La montagne magique) » de Thomas Mann…

 

Et en effet Crépu ajoute : « Kafka meurt le 3 juin 1924 à Kierling, près de Vienne, dans le sanatorium du docteur Hoffmann ».

Cela m’amuse et me touche que ce soit l’écrivain auvergnat Alexandre Vialatte qui ait traduit et fait connaître Kafka en France. Et encore plus que Gabriel Garcia-Marquèz ait réalisé, à la lecture de « La Métamorphose » qu'il était possible « d'écrire d'une autre façon ».

 

17/03/2015

Parler et écrire, lire et écouter : journée de la langue française dans les médias

Selon une étude de l’ARCEP datée de début 2013, il y a deux ans donc, un adolescent français envoie en moyenne 83 textos par jour, soit 2500 par mois. Et les 16-17 ans sont équipés d’un téléphone mobile à 95 % (Journal des activités sociales de l’énergie, février 2013).

 

Le Centre national des libraires vient de réaliser une enquête sur la lecture : 90 % des Français disent lire mais ils lisent de moins en moins : en moyenne 14 livres sur papier et 2 sur support numérique par an (personnellement je n’ai jamais pu dépasser 24 livres par an).

Pourquoi lisent-ils moins ? à cause de la concurrence de loisirs nouveaux comme les jeux vidéo, internet, les réseaux sociaux, surtout dans la classe d’âge 15-24 ans…

Les femmes lisent plus, pour s’évader avant tout : romans, livres pratiques. Les hommes pour apprendre ( !) : histoire et bande dessinée.

 

Hélène Carrère d’Encausse, interrogée à l’occasion de la journée de la langue française dans les médias, a défendu l’effort de francisation des mots nouveaux et la défense d’une langue belle et élégante.

 

Pour Éric Orsenna, nous avons là un trésor que nous ignorons et les apports des Québécois, des Haïtiens et des Africains enrichissent la langue que nous avons « en partage ». Il plaide pour l’accueil d’expressions comme « je te kiffe » et « j’ai la haine » car, selon lui, le français n’avait pas d’équivalents et elles apportent des nuances intéressantes.

Côté démagogie et perte de temps, France Inter se fait l’écho d’une pétition demandant à la Ministre d’en finir avec la préséance du masculin sur le féminin… Pour Hélène Carrère, il y a une règle, héritée du latin, qui fait qu’en l’absence du neutre, le masculin en tient lieu ; elle conclut que c’est un combat sans intérêt.

 

Patrice Gélinet, conseiller au CSA, est l’instigateur de cette journée de la langue française dans les médias audiovisuels. Il a été confronté à des extraits d’émissions de télévision, en particulier destinées à la jeunesse, qui se caractérisent par une langue "populaire", vulgaire, relâchée, avec des injures et des grossièretés (Énergie 12, Sky Rock, Cyril Hannouna…). Ses réponses ont démontré sa maîtrise de la langue (de bois) : toujours à côté de la question, pas de vague, « dormez en paix, braves gens », le danger qui guette la langue française n’est pas le franglais ni la langue des banlieues mais le purisme de certains qui ne veulent pas la voir évoluer.

Dans sa bouche, Cyril Hannouna serait le nouveau Villon, le nouveau Rabelais…

Quand il veut citer des succès de la terminologie francisée, il ne trouve que « ordinateur » (années 60) et « logiciel-matériel » (années 80)…

Il ne veut pas intervenir sur le fond des programmes des chaînes, n’a pas d’avis sur la langue utilisée par les animateurs…

Bien plus, il considère que les jeunes veulent parler comme ces animateurs-là et que c’est (presque) plus important que l’école.

Il avoue enfin, au bout d’une demi-heure, que la langue est menacée dans deux domaines : les titres des émissions et les publicités.

Ouf, il n’est pas complètement perdu pour notre combat.

Un peu plus tôt dans la journée, Alain Finkielkraut, heureusement, avait fait un vibrant plaidoyer pour la civilisation française et sa langue, en relevant tout ce qu’elle avait à apporter aux « nouveaux entrants ».