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10/03/2015

Et ça se dit comment en anglais ?

Dans le Marianne du 27 février 2015, Alexis Lacroix écrit : « Ce n’est pas par hasard si Umberto Eco a immortalisé Barruel dans un récent roman ». C’est amusant car il fait la confusion entre deux formulations très proches : « ce n’est pas un hasard si » et « ce n’est pas par hasard qu’il a fait ceci ou cela ». Cela me ramène à GD, dont je vous ai promis les expressions les plus originales mais j’attends toujours qu’elle reprenne contact avec moi…

 

Dans un Événement du Jeudi de 1996, un Alsacien dialectophone et linguiste – ainsi se définit-il lui-même – s’insurgeait du fait que la revue considérait comme de l’alsacien le mot « molé » dans la phrase « tchava molé quimpette »… et écrivait Neuhof avec deux « f ». Je ne suis qu’un voisin vosgien, donc mon dialecte d’enfance est lorrain – donc roman – et  non pas germanique, mais la phrase en question ne me paraît pas très alsacienne en effet et je sais que Neuhof veut dire « nouvelle cour » et que « Hof » ne prend qu’un seul « f » en allemand. So what, comme disait Miles Davis…

 

Raphaël Confiant, écrivain martiniquais et penseur de la créolité, répondait en novembre 2012 au Journal des activités sociales de l’énergie : « Je ne crois pas que le créole soit une langue particulièrement imagée. Toutes les langues le sont. L’idée que le français que j’utilise est imagé est une idée fausse qui vient de Paris, du centre. En tant que linguiste, je peux vous dire qu’il n’y a pas une langue plus imagée qu’une autre. Simplement, en France, on a créé artificiellement, à partir du XVIIè siècle, avec l’Académie française, une langue coupée du français populaire, lequel est quant à lui très imagé. Cette langue française écrite est effectivement peu imagée, mais ce n’est pas le français réel. Le français, tel qu’il est réellement parlé à Marseille, dans les quartiers, dans les campagnes, est aussi imagé que le créole ».

 

Bon, est-on plus avancé après avoir lu ça ? En fait la seule diversité qui ait bonne presse aujourd’hui serait la diversité « moderne » ; au nom de cela, voudrait-on que la France, nation plus que millénaire – il n’y en a pas tant que cela sur cette planète – renonce à sa propre diversité, pour se fondre dans le paysage et laisser d’autres groupes montrer leur différence ? Haro sur l’Académie, haro sur la Révolution, haro sur les Lumières, haro sur la République, haro sur la liberté d’expression ?

No passaran !

 

J’ai suffisamment pesté contre la mode et le laisser-aller des franglicismes et suffisamment attribué l’origine de leur diffusion au not invented here, c’est-à-dire au fait que les concepts, les nouvelles idées, les nouvelles technologies, les nouvelles pratiques, venaient d’outre-Atlantique, pour ne pas vous parler a contrario des mots nouveaux qui, bizarrement, sont français. Je suis frappé par exemple par les ZAD – zones à défendre – auxquelles il ne manque qu’un À, les Bonnets rouges, les Pigeons… pas la plus petite trace de franglais dans tout cela !

 

Vous autres, mauvaises langues ou mauvais joueurs, me direz que protester, contester et manifester sont des manies aussi vieilles que les Gaulois… Peut-être mais il n’en reste pas moins clair que les luttes du début du XXIè siècle (en France) se disent en français !

09/03/2015

À l'écoute des médias

Une fois n’est pas coutume, je me suis laissé aller, le 5 mars 2015, à un peu de « Petit Journal » (Canal +). Eh ben, ça cause pas très bien là-bas !

Le présentateur par exemple dit à J.-L. Borloo : « Allez-y ! Vous pouvez lire ce qui y a écrit », au lieu de « ce qui y est écrit » ou, à la rigueur, « ce qu’il y a d’écrit dessus ».

Dans un reportage sur les malheureux enfants du Mali en guerre, de petites pancartes sur l’écran traduisent ce qu’ils disent. On lit par exemple : « les difficultés qu’ils ont eu », au lieu de « qu’ils ont eues ». Le Petit Journal écrit comme il parle. Mal.

« Envoyé spécial » sur France 2 est victime du syndrome des prépositions incorrectes, que j’ai déjà dénoncé ici. Une journaliste dit « Elle consacre toute son énergie pour sauver son commerce », au lieu de « à sauver son commerce » ou « à la défense de son commerce ».

Les informations de France Inter, le 8 mars 2015 ; on interroge un militant écologiste sur l’actualité à Sivens. Il dit : « la stratégie, elle dépend de quelle sera l’évolution du projet ». Et il parle comme les militaires : « on était sur zone »…

 

Gentleman anglais.jpgRetour au Marianne du 27 février 2015, qui consacre un encart à une question lexicale de l’anglais contemporain. « Une personne de la classe ouvrière au chômage, vivant d’allocations, se comportant de manière raciste, abusive et asociale, s’habillant de contrefaçons de grandes marques (censuré par moi) et porté sur les bijoux voyants » – ouf… c’est pas un type recommandable, avouez-le, surtout parce qu’il s’habille de contrefaçons ! – a désormais un nom en anglais : c’est un chav. À noter que, pour les Américains, c’est un white trash, tout simplement.

On a retrouvé la trace de ce néologisme à l’étymologie néanmoins controversée : apparu en 1998, selon le dictionnaire d’Oxford, il a été utilisé pour la première fois dans un journal national en 2002. Deux ans plus tard, il y a 11 ans donc, il entrait dans le langage commun. En 2008, les commentateurs britanniques de gauche ont demandé, notamment à la BBC, de ne plus utiliser ce terme, qui, selon eux, dénigre les pauvres. L’article ne dit pas s’ils ont été entendus.

Ce n’est pas le seul mot à une syllabe qui a fait florès outre-Manche ; il y a aussi toffs, qui désigne les membres de l’aristocratie et des classes les plus huppées. On dit qu’en 2006, le prince William était invité à une soirée déguisée de ses amis toffs et que le thème était « venez habillés en chavs ». Je n’en crois pas un mot ; c’est rien que des racontars destinés à jeter l’opprobre sur cette élite des beaux quartiers de Londres, qui fait l’admiration et l’envie du monde entier.

08/03/2015

I font pas dans la dentelle

Le monde de la mode et du luxe est, comme d’autres, drogué au franglais. Voici par exemple la publicité que je viens de voir ; pas besoin que je vous fasse la liste des mots anglais, elle parle d’elle-même :

Pub Selfie .jpg

et ils ont le culot de conclure par « savoir-faire français » !

 

Bracelet dentelle.jpg

Marianne, dans son numéro du 27 février 2015, décerne un bonnet d’âne à Peugeot, en citant Le Parisien qui indiquait que le plan de reconquête mis au point par la direction de PSA portait le « joli nom » de Back in the race et qui précisait entre parenthèses : « de retour dans la course en anglais »… Non, corrige Marianne, « de retour dans la course », c’est la traduction française d’une expression anglaise choisie par un groupe dont la direction française pense mondialisation à l’anglo-saxonne. Et j’ajoute : « avant de la penser à la chinoise ? ».

 

À la station Jacques-Henri Lartigue du tramway T2, j’ai vu l’autre fois l’enseigne improbable d’une « pizzerie »… Quel est donc ce personnage iconoclaste et lucide qui a francisé le nom de son restaurant ? Je lui dis bravo, tout en faisant remarquer que ce n’est pas l’italien aujourd’hui, n’en déplaise à Henriette Walter, qui menace l’intégrité du français, mais bien l’anglais. Et la dernière fois que j’ai vu un sursaut de cet ordre dans le domaine du commerce, c’était la disparition de l’horrible garden center au profit du joli « jardinerie ». Vive les Italiens, les pizzaïolo et les jardiniers !

 

Le domaine musical n’est pas plus vertueux ; non content d’avoir adopté l’insipide dénomination des notes et accords à l’anglo-saxonne (C, D, E… 5b pour quinte diminuée, etc.), il use et abuse des background vocals, riffs et autres chorus. Les piano et moderato résistent encore, pour combien de temps ? Les musiciens, par ailleurs, parlent aussi mal que leurs congénères. J’ai par exemple entendu un professeur de saxophone dire : « un morceau où y a pas de soufflant dedans », au lieu de « dans lequel il n’y a pas de soufflant ».