18/02/2015
Les Échos, promoteur du néolibéralisme et du franglais (II)
Une sorte de sommet a été atteint dans le même numéro des Échos (celui du 16 février 2015) avec l’entretien de Didier Michaud-Daniel, directeur général de Bureau Véritas depuis 2012.
Le titre d’abord : La masterclass de DM-D « Les process franco-français sont inadaptés à l’international ».
Soyons objectif : il y a une belle formule dans la troisième question du journaliste « En Chine, rencontrez-vous des problèmes de rétention des équipes ? », pour dire « retenez-vous facilement vos salariés ? ». Retenir et rétention, c’est comme rendre compte et reddition de comptes. J’apprécie. DM-D, qui ne mange pas de ce pain-là, répond : « Pour les laborantins en revanche, le turnover est élevé ». Ouf, l’honneur est sauf, on n’est pas franchouillard, on parle le sabir, le globish !
Ensuite on lui demande s’il s’imprègne toujours de méthodes américaines… Il répond « Irrémédiablement ». Ça veut dire quoi ? (voir mon billet du 13 février 2015 sur les adverbes). Et de citer comme bouleversements qu’il a opérés : les operating reviews, les leadership development reviews (« importés directement d’United Technologies », c’est pas n’importe quoi !), tout cela pour bâtir une shadow organisation.
Ce gars-là est par ailleurs un grand modeste (qui s’ignore cependant…) car son obsession actuelle est de « repérer deux dirigeants susceptibles de le remplacer ». Rien de moins.
Il est très content de ce qu’il a fait (le tutoiement obligatoire, les réunions qui commencent et finissent à l’heure) et conclut : « Il me semble que le lean management, le people management et la culture du client ont convaincu ».
Mais le journaliste n’en pas eu assez (de paillettes yankees) ; il demande, pour l’hallali : « Pour quelle raison avez-vous imposé la langue anglaise ? ». Et l’autre, humble, de répondre (je cite in extenso) : « Cela se pratiquait déjà mais il est certain que désormais le français est exclu du COMEX, ne serait-ce que par le nombre d’étrangers autour de la table. La langue du business est définitivement l’anglais et, en termes de management, les expressions anglo-saxonnes sont d’une rare précision ; elles concrétisent des concepts sans contre-sens ».
On en a la nausée !
Ce brillant dirigeant semble ignorer que :
1) il y a beaucoup d’étrangers qui comprennent et parlent le français ;
2) le mot anglais « definitely » ne se traduit pas par « définitivement » (voir mon billet « Dis pas ci dis pas ça », à la lettre D) ;
3) contrairement à ce qu’il pense, c’est le français qui est d’une rare précision et qui, en particulier, dans le domaine diplomatique, est le moins sujet à ambiguïté.
Louis Schweitzer nous avait déjà fait le coup de l'anglais au CA de Renault et du franglais à tous les étages.
Quand cette caste de patrons arrêtera-t-elle son entreprise (!) de démoralisation, de démission, d’autoflagellation, d’imitation béate, de soumission au modèle américain, de bradage de la culture française (qui opère aussi dans la direction des hommes) ?
Tant pis pour eux ! Ce sont les Chinois qui prendront la relève !
07:30 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
17/02/2015
Les Échos, promoteur du néolibéralisme et du franglais (I)
Le quotidien Les Échos, outre qu’il est un bréviaire néo-libéral, pro-patronat et pro-marchés financiers, ne fait aucun effort pour résister, dans ses articles, au jargon afférent, à savoir le franglais. En résumé, ce journal se fiche éperdument de l’Académie, des Commissions de terminologie et sans doute de la Réforme de l’orthographe (mais c’est encore une autre question).
Voici le résultat de mon effeuillage du numéro daté du 16 février 2015…
« Parallèlement ont été créés des postes d’international mobility consulting ». « Certaines firmes anglo-saxonnes regrettent leur politique d’outsourcing ».
« Quand un spécialiste de l’affranchissement évolue sous l’effet du digital… ». « Les clients sont en pleine métamorphose digitale ». « Le shipping, ces produits et services de facilitation d’acheminement de colis ». « Thierry L-J, en charge de la supply chain… ». « Il se projette déjà… ». Et cerise sur le gâteau, résurgence de mots franglais oubliés depuis les années 80 : « On ne passe pas du monde du hardware traditionnel au monde du software, sans faire changer les mentalités » !
« Restructuring : la solution de l’étranger ». « face aux réticences des banquiers à leur prêter de la new money, les entreprises… ».
« Importer en France la notion d’account team impliquait de revoir le champ d’action des intervenants en charge de la gestion des flottes automobiles ». « Source de cash pour BNP Paribas… ». « Cette responsabilité d’encadrement a été transférée au sales team manager ».
« L’an prochain, nous recruterons 1900 CDI… et bien sûr des professionnels du numérique comme le data scientist… ».
« 5 conseils pour éviter le bad buzz ».
« Bouygues Telecom ouvre sa box ». « Open innovation // … La direction de l’innovation entend attirer étudiants, start-upers… ». « L’organisation d’un hackathon… ». À chacun d’imaginer un business model… ».
« L’emploi dans le digital : la belle exception ». « 2015 sera l’année des métiers de la data et de l’expérience client ». « Les grandes entreprises renforceront leurs directions CRM et les expertises data (chief date officer, data scientist…) ».
Dans un court article de 220 mots environ, sous la plume de Eléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité (s’il vous plaît !), je note les mots suivants : hold-up, feed-back en sandwich, coaching et d’innombrables occurrences de management et manager…
Cette aisance dans le franglais n’empêche pas de massacrer le français de temps à autre… Ainsi peut-on lire dans cet article sur le Petit Prince de Bercy : « très complet dans ses réponses aux parlementaires (qui lui en sont gré) » ! Sonia Mabrouk ne fait pas de telles fautes, et pourtant elle est en direct, à l’oral.
À quand les Échos tout en anglais ?
07:30 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
16/02/2015
Dis pas ci, dis pas ça (XXV)
À la lettre T, l'Académie trouve de multiples prétextes à être irritée : la température ne peut pas être "chaude", tout au plus "élevée" (de même qu'une hauteur ne peut pas être "basse") et ce n'est pas un synonyme de "fièvre". Marre de "ça fait ou c'est très tendance", disons plutôt "c'est dans l'air du temps" ou "à la mode" car "tendance" est un substantif et non pas un adjectif !.
N'employons pas "territoire" à tout bout de champ (c'est le cas de le dire). C'est avant tout une étendue géographique, qui peut avoir un sens figuré ("Le territoire de l'écrivain"). Mais ne l'employons pas à la place de "canton", "département" ou "région".
"Timing" est naturellement une horreur : on a "l'horaire", "la prévision", "le bon rythme", "le bon moment"...
"Tout à coup" et "Tout d'un coup" ne sont pas des synonymes ! L'un signifie "soudainement" et l'autre "en une seule fois".
Allez, c'est lundi, on débute la semaine… arrêtons-nous là.
07:30 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)