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25/09/2024

"Lettres à Ysé" (Paul Claudel) : critique I

On connaît l’histoire, sans doute : le jeune Paul Claudel rejoint son poste de consul en Chine et, sur le bateau, il tombe amoureux fou d’une femme superbe, mariée et déjà mère de quatre enfants, Mme Rosalie Vetch. Amour partagé et mari consentant apparemment, puisque Rosalie, tout juste arrivée en Chine, s’installe au consulat et vit ostensiblement avec le diplomate, au point de faire jaser jusqu’à Paris. Quatre années passent et, subitement, Madame prend ses cliques et ses claques, et, deux de ses enfants sous le bras, rentre en Europe. L’affaire se corse par le fait qu’elle est enceinte des œuvres du consul de France. Elle accouchera en Belgique d’une petite Louise (qui deviendra une cantatrice connue). Tout cela n’a pas empêché pas la Belle, dès son voyage de retour, de s’amouracher d’un certain John Lintner, guère plus doué pour les affaires que son mari précédent, qu’elle épousera.

Paul Claudel va se marier assez rapidement et fonder une famille. Mais il se morfondra pendant treize ans, jusqu’au 4 août 1917, où, en poste à Rio de Janeiro, il reçoit une lettre de Rosalie... S’en suivra une correspondance plusieurs fois interrompue, jusqu’en 1947. De ces échanges on n’a que les lettres de Paul Claudel car celles de Rosalie ont été détruites au fur et à mesure (par prudence)...

 Comme souvent en pareil cas, les faits – et les protagonistes – étaient connus dans les « milieux bien informés » mais n’étaient pas mis sur la place publique. C’est ainsi que dans les premières éditions critiques de l’œuvre littéraire et dramatique de Paul Claudel – dans la Pléiade par exemple – ils n’étaient pas évoqués ; plus tard, on a parlé d’Ysé – le personnage de la pièce « Partage de midi » – pour éviter de nommer Mme Rosalie Lintner (pourtant décédée depuis longtemps). De même, dans les « Mémoires improvisés » (Gallimard, édition de 2001 des quarante et un entretiens à la radio en 1951 et 1952), l’intervieweur Jean Amrouche (tiens, tiens... l’ami de Jules Roy !) tourne autour du pot, et notre grand écrivain botte en touche.

 Les lettres à Ysé, c’est-à-dire, on l’aura compris, à Rosalie Vetch, ont subi les vicissitudes habituelles : copies plus ou moins autorisées, vente à un libraire parisien, rumeurs, réticences familiales... jusqu’au moment où enfin, en 2017, elles sont publiées chez Gallimard, annotées par un spécialiste de Claudel, Gérald Antoine, dans un gros volume de 440 pages, avec en tout 190 lettres, une préface remarquable de Jacques Julliard (19 pages), une Introduction de 75 pages et 44 pages de notes dues à Gérald Antoine. L’appareil critique – selon l’expression consacrée – est donc important, voire indigeste pour le lecteur qui ne se veut pas chercheur en littérature.

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