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17/02/2015

Les Échos, promoteur du néolibéralisme et du franglais (I)

Le quotidien Les Échos, outre qu’il est un bréviaire néo-libéral, pro-patronat et pro-marchés financiers, ne fait aucun effort pour résister, dans ses articles, au jargon afférent, à savoir le franglais. En résumé, ce journal se fiche éperdument de l’Académie, des Commissions de terminologie et sans doute de la Réforme de l’orthographe (mais c’est encore une autre question).

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Voici le résultat de mon effeuillage du numéro daté du 16 février 2015…

 

« Parallèlement ont été créés des postes d’international mobility consulting ». « Certaines firmes anglo-saxonnes regrettent leur politique d’outsourcing ».

 

« Quand un  spécialiste de l’affranchissement évolue sous l’effet du digital… ». « Les clients sont en pleine métamorphose digitale ». « Le shipping, ces produits et services de facilitation d’acheminement de colis ». « Thierry L-J, en charge de la supply chain… ». « Il se projette déjà… ». Et cerise sur le gâteau, résurgence de mots franglais oubliés depuis les années 80 : « On ne passe pas du monde du hardware traditionnel au monde du software, sans faire changer les mentalités » !

 

« Restructuring : la solution de l’étranger ». « face aux réticences des banquiers à leur prêter de la new money, les entreprises… ».

 

« Importer en France la notion d’account team impliquait de revoir le champ d’action des intervenants en charge de la gestion des flottes automobiles ». « Source de cash pour BNP Paribas… ». « Cette responsabilité d’encadrement a été transférée au sales team manager ».

 

« L’an prochain, nous recruterons 1900 CDI… et bien sûr des professionnels du numérique comme le data scientist… ».

 

« 5 conseils pour éviter le bad buzz ».

 

« Bouygues Telecom ouvre sa box ». « Open innovation // … La direction de l’innovation entend attirer étudiants, start-upers… ». « L’organisation d’un hackathon… ». À chacun d’imaginer un business model… ».

 

« L’emploi dans le digital : la belle exception ». « 2015 sera l’année des métiers de la data et de l’expérience client ». « Les grandes entreprises renforceront leurs directions CRM  et les expertises data (chief date officer, data scientist…) ».

 

Dans un court article de 220 mots environ, sous la plume de Eléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité (s’il vous plaît !), je note les mots suivants : hold-up, feed-back en sandwich, coaching et d’innombrables occurrences de management et manager

 

Cette aisance dans le franglais n’empêche pas de massacrer le français de temps à autre… Ainsi peut-on lire dans cet article sur le Petit Prince de Bercy : « très complet dans ses réponses aux parlementaires (qui lui en sont gré) » ! Sonia Mabrouk ne fait pas de telles fautes, et pourtant elle est en direct, à l’oral.

 

À quand les Échos tout en anglais ?

16/02/2015

Dis pas ci, dis pas ça (XXV)

À la lettre T, l'Académie trouve de multiples prétextes à être irritée : la température ne peut pas être "chaude", tout au plus "élevée" (de même qu'une hauteur ne peut pas être "basse") et ce n'est pas un synonyme de "fièvre". Marre de "ça fait ou c'est très tendance", disons plutôt "c'est dans l'air du temps" ou "à la mode" car "tendance" est un substantif et non pas un adjectif !.

N'employons pas "territoire" à tout bout de champ (c'est le cas de le dire). C'est avant tout une étendue géographique, qui peut avoir un sens figuré ("Le territoire de l'écrivain"). Mais ne l'employons pas à la place de "canton", "département" ou "région".

"Timing" est naturellement une horreur : on a "l'horaire", "la prévision", "le bon rythme", "le bon moment"...

"Tout à coup" et "Tout d'un coup" ne sont pas des synonymes ! L'un signifie "soudainement" et l'autre "en une seule fois".

Allez, c'est lundi, on débute la semaine… arrêtons-nous là.

 

15/02/2015

Pas la politique ni l'économie ; non, la culture !

Je ne connais pas assez la géopolitique ni même l’histoire pour donner un avis valable sur le conflit en Ukraine, qui serait d’ailleurs ici hors sujet. Mais ce qui est sûr, c’est que le problème linguistique est plus que sous-jacent, originel : l’explosion en Ukraine a eu lieu lors de la publication d’un décret interdisant l’usage du russe dans une province largement russophone. Il n’y a guère que les langues des peuples minoritaires et sans défense que l’on peut faire disparaître, les autres résistent avec les armes.

Une fois n’est pas coutume, je vais m’écarter un peu des questions de langue pour faire écho à deux articles remarquables parus dans Alternatives économiques (n°343 de février 2015), sous le titre générique « Après les attentats, comment réparer la France ? ».

D’abord Joseph Stiglitz (prix de la Banque de Suède en l’honneur d’A. Nobel en 2001). Dans une conférence à l’Assemblée nationale le 13 janvier, il a flingué toutes les affirmations sans preuve des tenants de l’austérité et du néo-libéralisme sectaire. À plusieurs reprises, il dit : « C’est complètement absurde ». « La crise a causé les déficits, pas l’inverse ». « Beaucoup de ces prétendues réformes structurelles qui s’imposent ne mènent à rien, si ce n’est à des politiques qui réduisent le niveau de vie pour de grandes parties de la population, à travers des salaires plus faibles, une augmentation de la précarité de l’emploi et une réduction des prestations sociales ». « … l’État-providence n’est pas à l’origine des échecs de l’Europe ». « … le problème… est un manque de demande globale et non des contraintes du côté de l’offre ». « L’Europe a suscité des crises de dette souveraine là où auparavant elles n’existaient pas ». Tout est à l’avenant, le verdict est implacable.

La seule chose qui manque, mais on peut comprendre que Stiglitz, Américain, ne veuille pas accabler son compatriote Friedmann ni jeter l’opprobre sur son pays, c’est une référence au livre qui dénonce la guerre larvée contre les États-providence partout dans le monde, sous l’autorité « scientifique » de l’École de Chicago (lire de toute urgence « La stratégie du choc » de Naomi Klein, 2007).

 

Autre point de vue, plus sociologique et philosophique, celui de Benjamin Stora sur le prétendu « choc de civilisation » qui secoue la France et l’Occident. « … Nous vivons une crise culturelle considérable… La bataille principale est culturelle : il faut connaître l’histoire. L’histoire de France et de l’Europe, bien sûr… Mais il faut aussi que tous les Français connaissent l’histoire de leurs familles, de leurs pays. Il faut faire l’effort, principalement à travers l’éducation et les médias, de connaître l’histoire des autres et en particulier celle des pays environnants. Il y a notamment trop peu de spécialistes en France, du monde arabe et de la Méditerranée… ».

 

En filigrane, il y a l’idée que connaître, c’est comprendre…