05/10/2014
Irritations III
S’il fait des voitures comme il parle français, il aura des problèmes ; s’il parle à ses interlocuteurs professionnels comme il parle au grand public, il en aura aussi ; entendu Carlos Ghosn sur France Inter le 1er octobre 2014, à 8 h 25, dire d’un ton sentencieux : « le crossover est une version moderne du SUV »…
Entendu une mère d’élève déclarer sur France 2 : « pour les gamins, en 6ème, c’est juste une horreur »…
Entendu dans la série Downton Abbey : « merci de nous avoir aidés sur la ferme » (au lieu de « à la ferme »). Ce n’est qu’une traduction bien sûr mais ça renseigne sur la langue que parlent les traducteurs… sauf que, en anglais, ils disent peut-être « on the farm » (y a-t-il un prof. d’anglais dans mes lecteurs ?). Ceci expliquerait alors cela !
Entendu à la télé, je ne sais plus où, je ne sais plus quand : « ça leur permet de pouvoir réparer tel ou tel truc ».
Le 6 octobre 2014, c'est le Président de la République (François Hollande) qui déclare, avec son habituel langage technocratique : "Nous sommes en situation de pouvoir soigner…"… Quelle redondance ! pourquoi pas, tout simplement « ça leur permet de réparer… » et "nous pouvons (ou nous savons( soigner…" ?
Entendu une jeune germanophone proclamer : « manque de chance, j’ai booké mon cours de danse justement ce samedi-là ». Pourquoi pas « j’ai réservé » ou « j’ai programmé » ou « j’ai fixé » ?
le 7 octobre 2014, dans le 7-9 de la matinale de France Inter, une journaliste conclut, à propos de Clémentine Autain : "Elle n'est définitivement pas pro-business", en référence à une déclaration de Manuel Valls à la City de Londres. Snobisme de Parisienne branchée qui feint de ne pas savoir que "définitivement" n'est pas la traduction du definitely anglais (qui veut dire "vraiment" ou "absolument")...
Loin de l’Académie, loin du Journal officiel, loin de Claude Hagège et d’Henriette Walter, les Français parlent une langue un peu bâtarde et approximative, comme elle vient…
C’est « la langue de chez vous », à laquelle je vais consacrer un prochain billet (et non pas le billet suivant, contrairement à la confusion permanente entre les deux adjectifs que font vos animateurs préférés du PAF : « et Machine va nous interpréter la prochaine chanson » au lieu de « la chanson suivante »…), après avoir écouté l’émission "Carnet de campagne" le 22 septembre dernier.
08:00 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Tags : langue française, jargon | Lien permanent | Commentaires (0)
04/10/2014
Vous reprendrez bien un peu de Paul Reboux (II)
Paul Reboux a beau sembler rigoriste, il écrit quand même :
« J’ai rappelé ici quelques traits pour vous rendre bienveillants à l’égard de ceux qui parlent un français peut-être douteux.
Mais si les puristes ont raison aujourd’hui, ils ne savent pas ce que les variations du langage feront, demain, des lois qu’ils appliquent solennellement ».
C’est tout à fait le point de vue défendu dans ce blogue : rappeler les règles d’aujourd’hui, tout en gardant à l’esprit leur relativité, dans le temps et dans l’espace ; donc, rester modéré et tolérant, même si on est parfois ironique ou irrité vis-à-vis des écarts de certains.
Page 33, Paul Reboux nous met en garde par rapport à l’argot.
« C’est une langue fort mobile. Elle change d’une année à l’autre. Et l’on semble très vieux jeu si l’on s’en tient à l’argot des gigolettes de 1900, voire des poilus de 1914.
Nommer la tête, la cafetière ; le vin, le pinard, les cheveux, les tiffes ; une demoiselle, une môme : dire boulotter pour manger ; maboul, pour fou… c’est faire figure de Mathusalem !
… Désormais, employez les mots que voici :
la tête, la bouille ; les cheveux, les doulos ou les plumes ; le nez, le tarin ; les dents, les crochets ; le poil de la poitrine, du cresson ; le ventre, le buffet ; les mollets, les jacquots ; les pieds, les pingots ; les doigts de pied, les arpions ; le strabisme, un œil qui fait une passe et un autre qui guette les bourres ; la bouche, la gargue ; avoir faim, avoir les crochets ; un verre, un godet ; la prison, le ballon ; tuer, butter ; courtiser, faire du rentre-dedans ; être fou, travailler de la touffe.
NDLR
Gigolette (peut-être de gigue, grande fille ou femme qui se tient mal) : fille de mauvaise vie dans les bas quartiers [Larousse universel, 1922]
Gigolo : amant de cœur d’une gigolette [Larousse universel, 1922]
Mais en 1991, le sens n’est plus le même. Le Hachette ne mentionne plus « gigolette » et définit comme suit « gigolo » : jeune amant d’une femme plus âgée qui l’entretient
08:02 Publié dans Vocabulaire, néologismes, langues minoritaires | Tags : français, argot | Lien permanent | Commentaires (0)
03/10/2014
Vous reprendrez bien un peu de Paul Reboux (I)
Vous vous souvenez de Paul Reboux :
de son vrai nom André Amillet (1877-1963), il a été célèbre pour son recueil de pastiches "À la manière de…", dont il a tiré une méthode. Mais il a été aussi critique (littéraire, gastronomique), romancier, et il a écrit des livres d'histoire naturelle, des biographies, des récits de voyage, des livres pour enfants...
(d’après Wikipedia)
Dans son « Savoir causer », voici ce qu’il écrit des « mots périlleux » :
« Quand on croit être capable de parler correctement le français, encore faut-il savoir, par exemple, ceci…
… Dentition désigne la période où les dents poussent et que denture signifie l’ensemble de ces dents, une fois qu’elles ont atteint leur dimension normale.
… Tendresse s’emploie pour les choses du cœur et tendreté pour celles de la table.
Les pédants vous diront que le mot antan signifie « de l’an dernier » et que l’on commet une faute en employant ce terme dans le sens de « autrefois ». Ce sont eux qui se trompent… Antan signifie, non pas « de l’année d’avant », mais bien « d’avant l’année actuelle ». L’Académie et Littré commettent une erreur (sic !) en restreignant le sens de cette expression. La structure du mot s’oppose aux explications données par les lexicographes (sic !). La linguistique comparée remet les choses au point (sic !). Et Villon avait raison quand, évoquant des héroïnes, il les jugeait oubliées, comme les neiges, non de l’hiver précédent, mais des hivers antérieurs.
Prenez garde au mot « vous »… Quand (il) n’est que complément indirect, quand il signifie « à vous » ou « avec vous », il a une fâcheuse tendance à perdre son « à »… C’est ainsi que les speakers de radio disent : "Monsieur Samson François va vous interpréter deux valses de Chopin", alors que ce sont des valses de Chopin qui sont interprétées, non ce « vous » !
On devrait dire « … va interpréter pour vous ».
Parler ainsi, en un tel cas, c’est gagner du temps, certes. Mais toutes les abréviations ne sont pas bonnes. On ne raccourcit pas sans risque.
La guillotine en fait la preuve. »
08:00 Publié dans Règles du français et de l'écriture | Tags : vocabulaire, français, faux amis | Lien permanent | Commentaires (0)