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04/10/2014

Vous reprendrez bien un peu de Paul Reboux (II)

Paul Reboux a beau sembler rigoriste, il écrit quand même :

« J’ai rappelé ici quelques traits pour vous rendre bienveillants à l’égard de ceux qui parlent un français peut-être douteux.

Mais si les puristes ont raison aujourd’hui, ils ne savent pas ce que les variations du langage feront, demain, des lois qu’ils appliquent solennellement ».

 

C’est tout à fait le point de vue défendu dans ce blogue : rappeler les règles d’aujourd’hui, tout en gardant à l’esprit leur relativité, dans le temps et dans l’espace ; donc, rester modéré et tolérant, même si on est parfois ironique ou irrité vis-à-vis des écarts de certains.

 

Page 33, Paul Reboux nous met en garde par rapport à l’argot.

« C’est une langue fort mobile. Elle change d’une année à l’autre. Et l’on semble très vieux jeu si l’on s’en tient à l’argot des gigolettes de 1900, voire des poilus de 1914.

Nommer la tête, la cafetière ; le vin, le pinard, les cheveux, les tiffes ; une demoiselle, une môme : dire boulotter pour manger ; maboul, pour fou… c’est faire figure de Mathusalem !

… Désormais, employez les mots que voici :

la tête, la bouille ; les cheveux, les doulos ou les plumes ; le nez, le tarin ; les dents, les crochets ; le poil de la poitrine, du cresson ; le ventre, le buffet ; les mollets, les jacquots ; les pieds, les pingots ; les doigts de pied, les arpions ; le strabisme, un œil qui fait une passe et un autre qui guette les bourres ; la bouche, la gargue ; avoir faim, avoir les crochets ; un verre, un godet ; la prison, le ballon ; tuer, butter ; courtiser, faire du rentre-dedans ; être fou, travailler de la touffe.

 

 

NDLR

Gigolette (peut-être de gigue, grande fille ou femme qui se tient mal) : fille de mauvaise vie dans les bas quartiers [Larousse universel, 1922]

Gigolo : amant de cœur d’une gigolette [Larousse universel, 1922]

Mais en 1991, le sens n’est plus le même. Le Hachette ne mentionne plus « gigolette » et définit comme suit « gigolo » : jeune amant d’une femme plus âgée qui l’entretient

03/10/2014

Vous reprendrez bien un peu de Paul Reboux (I)

Vous vous souvenez de Paul Reboux :

Paul Reboux photo.jpg

de son vrai nom André Amillet (1877-1963), il a été célèbre pour son recueil de pastiches "À la manière de…", dont il a tiré une méthode. Mais il a été aussi critique (littéraire, gastronomique), romancier, et il a écrit des livres d'histoire naturelle, des biographies, des récits de voyage, des livres pour enfants...

(d’après Wikipedia)

 Dans son « Savoir causer », voici ce qu’il écrit des « mots périlleux » :

 « Quand on croit être capable de parler correctement le français, encore faut-il savoir, par exemple, ceci…

Dentition désigne la période où les dents poussent et que denture signifie l’ensemble de ces dents, une fois qu’elles ont atteint leur dimension normale.

Tendresse s’emploie pour les choses du cœur et tendreté pour celles de la table.

Les pédants vous diront que le mot antan signifie « de l’an dernier » et que l’on commet une faute en employant ce terme dans le sens de « autrefois ». Ce sont eux qui se trompent… Antan signifie, non pas « de l’année d’avant », mais bien « d’avant l’année actuelle ». L’Académie et Littré commettent une erreur (sic !) en restreignant le sens de cette expression. La structure du mot s’oppose aux explications données par les lexicographes (sic !). La linguistique comparée remet les choses au point (sic !). Et Villon avait raison quand, évoquant des héroïnes, il les jugeait oubliées, comme les neiges, non de l’hiver précédent, mais des hivers antérieurs.

Prenez garde au mot « vous »… Quand (il) n’est que complément indirect, quand il signifie « à vous » ou « avec vous », il a une fâcheuse tendance à perdre son « à »… C’est ainsi que les speakers de radio disent : "Monsieur Samson François va vous interpréter deux valses de Chopin", alors que ce sont des valses de Chopin qui sont interprétées, non ce « vous » !

On devrait dire « … va interpréter pour vous ».

Parler ainsi, en un tel cas, c’est gagner du temps, certes. Mais toutes les abréviations ne sont pas bonnes. On ne raccourcit pas sans risque.

La guillotine en fait la preuve. »

01/10/2014

L'unification linguistique de la France

La revue de l’INED « Population et sociétés » a publié dans son numéro 285 de décembre 1993 (je sais, ça fait vingt ans, mais cette revue n’existant plus, je serais bien en peine de trouver une mise à jour de l’étude…) un panorama très intéressant de la situation du français dans l’Hexagone, en ces temps d’immigration porteuse de langues diverses et  de tentatives de relance des langues régionales.

Selon l’enquête, les deux tiers des parents à qui on parlait une langue régionale ou étrangère quand ils étaient enfants, ne la parlent plus ordinairement à leurs propres enfants. Dans 95 % des familles françaises, c’est dans la langue nationale que les parents s’adressent habituellement à leurs enfants. Cela donne raison à Claude Hagège qui a écrit « Les langues minoritaires ne constituent pas un danger pour le français » (Le français et les siècles, 1987).

L’arabe est la première langue étrangère parlée en France (NDLR : à mon avis, c’est plutôt le franglais…) mais il concerne moins de 2 % des familles. Il est délaissé par la moitié des parents arabophones en une seule génération.

Le portuguais est en voie de réduction rapide (1 % des familles).

L’alsacien et le mosellan ensuite (0,6 %). Ils ont une sorte de sursis quant à leur abandon à cause de la proximité géographique du monde rhénan. Le corse, éloigné de la péninsule italique, est beaucoup moins parlé dans les familles ; il pourrait être devancé à terme par l’arabe et l’italien. Quant au breton, une étude de l’INSEE confirme sa quasi-disparition chez les moins de trente ans.

Le turc (communauté récente, faible numériquement mais qui se transmet encore à un niveau élevé) : 0,4 %.

Et enfin l’espagnol : 0,2 %.

Les femmes, contrairement à ce que l’on pourrait penser, se convertissent au français plus vite que les hommes ; de ce fait, la langue maternelle d’origine devint plutôt une langue « paternelle » !

Dans un même groupe linguistique, ce sont les plus démunis qui transmettent le plus. L’INED écrit : « Le trésor linguistique dont ils sont dépositaires est bien une richesse mais c’est souvent la richesse du pauvre ».

Les lois qui autorisent l’enseignement des langues régionales (loi Deixonne en 1951, circulaire Savary en 1982…) ne semblent pas avoir eu beaucoup d’impact sur leur disparition progressive. « Une langue même langue d’école, cesse d’être familière si elle n’est plus familiale ».

Enfin, point qui intéressera les pourfendeurs de franglais que nous sommes, une langue peut s’altérer même si elle est retransmise par une partie des familles. L’alsacien d’aujourd’hui est truffé de périphrases calquées du français et d’emprunts directs ; les jeunes locuteurs ne cessent de zapper entre les deux langues, comme ils le font entre télévision française et télévision allemande. On constate la même hybridation dans le corse et l’arabe dialectal.