21/08/2015
L'anglais, c'est pas cool, et l'français y'en a marre... apprenons donc le basque !
Ça y est, me revoici ! La pause est finie.
À la radio ce matin, l'annonce des livres de la rentrée 2015 : 589 opus ! Moins que l'an dernier et quasiment pas de "pointures" (c'est-à-dire d'auteurs à succès)... mais est-ce pour autant raisonnable ? Dans ce domaine comme dans d'autres, c'est le libéralisme qui règne, avec - en apparence - la concurrence libre et non faussée (selon l'expression orwellienne consacrée). Tout le monde (en théorie) peut s'exprimer - raconter sa vie, la vie de quelqu'un d'autre, ses phantasmes... ou imaginer une histoire - et que le meilleur gagne (c'est-à-dire bénéficie de bonnes critiques et/ou acquière un nombre respectable de lecteurs). Après tout pourquoi pas ?
Il paraît que cette année, c'est la famille qui a le vent en poupe, et certaines histoires de famille valent la peine d'écrire un bouquin, paraît-il...
Il y a aussi des sujets scabreux : dans la veine des Bienveillantes, une histoire de marivaudage dans un camp de concentration...
Bon, revenons à nos moutons.
Le 28 juillet 2015, sous le titre "Natacha et moi (VIII) : langues régionales", j'abordais la question de la ratification - ou non - de la Charte européenne des langues régionales et je prenais mes distances - une fois n'est pas coutume - avec ma chère Natacha, qui soutenait la ratification.
Quelques jours plus tard, le 11 août, butinant sur le site de l'hébergeur "haut ET fort", je tombai (eh oui, le passé simple est encore utile) sur le blogue "Marche romane", sous-titré "Littérature, lectures et quelques propos sur le monde qui nous entoure", et plus précisément sur son billet du 28 juin 2015 intitulé "La France, le français et les langues régionales".
Plusieurs raisons de s'y intéresser : d'abord le point de vue exprimé sur les langues régionales (malencontreusement confondues avec les patois...) est similaire au mien. Je cite : "Que serait la France si un Breton ne se sentait pas d'abord Français et s'il ne pouvait s'entretenir avec un Marseillais qui, lui, ne voudrait parler qu'en occitan ? Car reconnaître les langues régionales peut aller loin (accès à l'administration, à la justice, etc.). Tout en reconnaissant que tous les patois méritaient certes le titre de langue à part entière, j'insistais sur le danger qu'il y avait à leur donner un statut officiel".
Ensuite, le billet initial de ce blogueur sur le sujet a, semble-t-il, été censuré par l'hébergeur, au motif qu'une illustration (une carte des langues régionales) avait été utilisée sans autorisation. Bizarre, bizarre.
La troisième raison est la plus importante : c'est l'idée que, derrière cette affaire de la reconnaissance "administrative" des langues régionales en Europe, il y aurait de sombres manœuvres. Je cite encore : "Il ne faut pas perdre de vue que l'Europe, qui cherche à affaiblir les langues officielles de ses États membres (français, espagnol, italien) au profit de leurs différentes langues régionales, ne s'exprimera bientôt plus qu'en anglais".
Bien plus, un article de Yvonne Bollmann qui parle de "défaite politique de la France", évoque le rôle équivoque de l'Allemagne dans cette affaire et de certains groupes qui entretiennent la confusion entre "communautés ethniques", "minorités nationales traditionnelles" et "langues régionales". On peut y voir une attaque sournoise contre des États centralisés comme la France (Villers-Cotterêt !) et un retour aux vieilles lunes des "unités linguistiques" transnationales, du genre "Allemands des Sudètes"... Danger !
C'est un aspect que je n'avais pas perçu, et je m'étonne que Natacha n'ait pas enfourché à cette occasion son cheval préféré de la défense de la République une et indivisible.
Cerise sur le gâteau, Jean-Luc Mélenchon a également écrit - et de quelle manière !- sur le sujet (sur son blogue, le 19 septembre 2013).
28/07/2015
Natacha et moi (VIII) : langues régionales
Le 25 janvier 2014, sous le titre "Ces langues qui font la France", Natacha Polony prenait position, de façon argumentée et convaincante, pour les langues régionales (breton, alsacien, occitan), à l'occasion de la révision éventuelle de la Constitution permettant d'intégrer la charte européenne au droit français.
Le préambule de sa chronique du Figaro nous apprend que l'article 2 de la Constitution que je cite souvent "Le français est la langue de la République" ne date que de la loi Toubon de 1994... Je croyais que ça datait de 1958 !
Voici ses arguments :
- "le bilinguisme précoce développe la capacité à apprendre d'autres langues". Je le crois. J'ai reçu en entretien un jeune Français qui avait appris le néerlandais et le français dans son enfance, puis l'espagnol et qui s'était intégré sans difficulté au Brésil lors d'une mission de développement. À mon étonnement (admiratif), il avait répondu : "Quand on parle trois langues, apprendre une quatrième est assez facile, surtout le portugais"...
- "les écoles bretonnes et basques obtiennent d'excellents résultats (scolaires), grâce à la conjonction de méthodes plutôt classiques et d'une motivation accrue des parents". Je le crois volontiers.
- "le bilinguisme précoce ne fonctionne que par immersion". En effet, apprendre le breton grâce à des grands-parents qui le parlent en permanence, n'a rien à voir avec apprendre par exemple l'anglais au collège quelques heures par semaine...
- "apprendre l'anglais ou le chinois, qui sont des langues étrangères, n'aurait pas la même signification. Et c'est là que ce qui se joue devient politique et met en jeu la nation". Je suis d'accord : on apprend les langues étrangères par nécessité (pour commercer, voyager, comprendre, construire des partenariats, etc.) mais en apprenant une langue régionale, celle de ses aïeux, on assure une permanence, une fidélité au patrimoine, on entretient la flamme.
- "rien à voir avec l'idée qu'il faudrait enseigner davantage l'arabe au nom de la diversité. les jeunes immigrés qui viennent en France ont vocation à faire "leur", ce pays, ses mœurs et sa culture". Évident, passons.
- "la défense du français et la défense des langues régionales relèvent d'un même combat, celui pour la culture et la civilisation". Bien sûr, dans l'absolu, on ne peut qu'être d'accord, l'argument va droit au cœur... mais c'est raisonner "à moyens infinis", c'est-à-dire comme si on pouvait défendre à la fois le français (dans l'économie mondialisée) - tâche déjà surhumaine - et les langues régionales.
Et là, franchement je n'y crois pas. Celui qui qui enfourchera le cheval de la promotion de sa langue régionale n'aura plus de temps, d'énergie ni d'argument pour chevaucher en même temps celui de la défense du français.
D'ailleurs les experts de la francophonie nous ont déjà fait le coup : "on ne défend pas que le français ; on défend le multilinguisme !". On a vu ce que donne cette stratégie.
Je suis donc très perplexe face à cette question...
Et suis donc tout autant séduit par les arguments des opposants à la ratification de la charte européenne :
- est-il vraiment urgent de lancer ce genre de débat quand l'économie française est au bord du gouffre ?
- sans compter son éducation nationale...
- et ses affres identitaires et a contrario communautaristes (n'est-il pas urgent au contraire de multiplier les initiatives consensuelles, celles qui rassemblent au lieu de diviser ?) ;
- l'urgence n'est-il pas que les jeunes Français - de toutes origines - recommencent à apprendre correctement le français, avant de leur ajouter de nouveaux défis ?
- et tant qu'à apprendre une autre langue, ne vaut-il pas mieux que ce soit l'allemand (première langue maternelle en Europe, langue de nos premiers clients et premiers fournisseurs) ou l'espagnol ou l'anglais, voire le chinois ou le japonais ?
En plus il y a langue régionale et langue régionale : autant il me paraît utile (si on en a les moyens) de préserver le breton et le basque, langues à nulle autre pareilles, autant il me semble vain de préserver l'alsacien, si proche de l'allemand son voisin. Autant apprendre l'allemand, non ?
J'ajoute un argument - spécieux, il est vrai - : est-on obligé, dans ce domaine comme dans d'autres, d'adopter, de faire rentrer au chausse-pied, toutes les inventions plus ou moins démagogiques ou bienpensantes des diverses institutions européennes ?
Non, mille fois non.
Rien de tel, pour se reposer de ces tortures intellectuelles, qu'un beau visage... alors régalez-vous :
30/06/2015
Derrière chez moi, devinez quoi qu'il y a
Derrière chez moi, y a un parc, le plus joli des parcs, petit parc derrière chez moi...
Mais non loin de chez moi, il y a des restaurants, et même une rue de restaurants, aux menus des quatre coins du globe (à supposer qu'un globe puisse avoir des coins, et quatre en l'occurrence).
Sur une enseigne, on lit "Cuisine traditionnelle Française", sur une autre "Restaurant Méditerranéen"...
Où sont-ils donc allés chercher cette manie de mettre une majuscule (que l'on devrait d'ailleurs appeler une capitale) au début des adjectifs ? Pour moi, c'est l'anglais de Bruxelles qui déteint, ainsi que je l'ai déjà expliqué dans un billet antérieur : the European way of life, etc.
Ça m'énerve...
Dans un genre totalement différent (pardonne-moi, Najat, de parler comme cela…), il y a le mot "résilience" qui remplace systématiquement "résistance" dans les discours de nos experts et de nos hommes politiques. Pourquoi donc ?
Faut-il y voir une corrélation avec l'entreprise consciencieuse de démolition des fondations posées par le Conseil national de la Résistance ? Ce serait aller trop loin dans la psychose du complot.
La première fois que j'ai entendu parler de résilience, c'était, il y a longtemps, à propos d'une propriété physique des matériaux
Le site La Toupie en donne la définition suivante :
Étymologie : de l'anglais resilience, issu du latin resilire, rebondir, rejaillir. En physique, la résilience est la capacité des matériaux à résister aux chocs ou à retrouver leur forme initiale après avoir été comprimés ou déformés. Le coefficient de résilience est le rapport entre l'énergie nécessaire pour casser un objet et la surface de la section qui est brisée.
Ensuite, j'ai lu le livre "Un merveilleux malheur" (Odile Jacob, 1999), dans lequel le psychiatre Boris Cyrulnik s'approprie le terme pour désigner "la capacité à réussir, à vivre, à se développer, en dépit de l'adversité". Le concept - et le mot - ont fait florès.
Depuis lors, on ne parle plus que de "résilience", "résistance" faisant trop guerrier, trop contestataire, trop empêcheur de tourner en rond.
Nos amis grecs font-ils de la résilience ou de la résistance ?