Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/02/2016

La Francophonie, c'est pas ce que vous croyez (IV)

Sixième idée fausse : la Francophonie, c’est une histoire de langue française, une obsession de linguistes, de passéistes ou de pinailleurs.

Mais non !

La Francophonie s’est dotée d’un Cadre stratégique pour la période 2015-2022. S’il est vrai que sa première mission est la promotion de la langue française, ainsi que la diversité culturelle et linguistique,

  • sa deuxième mission est la promotion de la paix, de la démocratie et des droits humains ;
  • la troisième, la promotion de l’éducation, de la formation supérieure et de la recherche ;
  • et sa quatrième, l’innovation et la créativité au service de l’économie dans une perspective de développement durable.

Au total, la Francophonie se pose, sans le dire (et sans disposer malheureusement de tous les moyens de sa politique), en véritable contrepoids de la mondialisation sans foi ni loi, en alternative à la concurrence sauvage et faussée, en « troisième voie » droits-de-l’hommiste respectant la diversité et visant la durabilité.

Septième point totalement méconnu : les Français de France s’enorgueillissent, à juste titre, de leur langue magnifique, de leur littérature universelle et de leur Académie si cultivée. Mais se rendent-ils compte, eux qui se débattent avec leur difficulté à apprendre l’anglais correctement, que TOUS les autres francophones de la planète sont au moins bilingues ?

Luxembourg.jpg

 

On connaît bien le cas du Québec, qui défend le français bec et ongles mais qui sait s’exprimer en anglais par la force des choses… Mais on ne réalise pas qu’au Luxembourg, les habitants parlent trois langues, qu’ils apprennent l’une après l’autre à l’école, au collège et au lycée. Au Maghreb et au Moyen-Orient, les francophones parlent pareillement l’arabe (il y a quelques mois, France 2 a diffusé un beau reportage sur l’Algérie et son « front de mer » ; il fallait entendre la qualité du français parlé par ces jeunes, par ailleurs arabophones !).

 

En Afrique sub-saharienne (que l’on appelait autrefois « l’Afrique noire »), le français, même langue officielle (comme dans 29 pays de la planète), cohabite avec nombre de langues africaines ou locales ; par exemple, au Sénégal, un francophone peut parler non seulement le wolof mais aussi une langue ethnique comme le sérère ou le diola !Sénégal.jpg

En un mot, tous sont bilingues, sauf les Français et les Monégasques !

Il est clair que pour tous ces francophones, la « correction », voire la « qualité » ou la « pureté » de la langue française, ne sont pas une obsession ni même la priorité comme elles peuvent l’être pour les Français de France. D’une part parce que le « frottement » avec une autre langue – lexique et syntaxe – influe subrepticement sur le français qu’ils parlent. Et d’autre part parce que tout polyglotte relativise obligatoirement l’importance de se conformer à un « modèle de langue correcte », surtout si ce « modèle » est celui porté à bout de bras par l’Académie lointaine d’un pays démographiquement minoritaire.

Que cela ne nous décourage pas néanmoins de porter haut et fort les couleurs d’un français précis, élégant, subtil, riche de son passé et ouvert au meilleur de la modernité ! C’est, très modestement, l’ambition de ce blogue.

(à suivre)

25/01/2016

Table, chien, cheval : un mot en vaut-il un autre ?

Apparemment les mots n’ont pas d’importance ; ce sont des conventions pour désigner sans ambiguïté des objets ou Table.jpgdes concepts, et pour se comprendre. Une table, par exemple, pourrait s’appeler tout aussi bien « chaise » mais il se trouve que c’est une table…

 

 

 

En fait nous sommes attachés aux mots, ils résonnent en nous et certains nous plaisent particulièrement (par exemple, j’adore « calamiteux », « fortuit », « dérisoire »…).

Chien.jpg

 

 

 

Bernard Pivot a écrit un livre sur les mots qui ont jalonné sa carrière (voir mes billets antérieurs à ce sujet) et Jean-Paul Sartre a écrit « Les mots ».

 

 

Quand quelqu’un emploie un mot à la place d’un autre, cela nous agace (surtout quand le snob utilise un terme Cheval.jpganglais à la place d’un équivalent français courant). Cela peut aussi être drôle. Je vous ai déjà parlé d’une collègue qui modifiait, sans le vouloir, des expressions toutes faites ; je vous avais d’ailleurs promis de publier quelques-unes de ses meilleures perles. Cela viendra.

 

 

 

J’en étais là quand je suis tombé sur le Préambule de la pièce de Jean Tardieu « Un mot pour un autre », que voici. 

« Vers l’année 1900… une curieuse épidémie s’abattit sur la population des villes, principalement sur les classes fortunées. Les misérables atteints de ce mal prenaient soudain les mots les uns pour les autres, comme s’ils eussent puisé au hasard les paroles dans un sac… 

Ce fait historique – hélas contesté par quelques savants – appelle les remarques suivantes :

  • Que nous parlons souvent pour ne rien dire ;
  • Que si, par chance, nous avons quelque chose à dire, nous pouvons le dire de mille façons différentes ;
  • Que les prétendus fous ne sont appelés tels que parce que l’on ne comprend pas leur langage ;
  • Que, dans le commerce des humains, bien souvent les mouvements du corps, les intonations de la voix et l’expression du visage en disent plus long que les paroles ;
  • Et aussi que les mots n’ont, par eux-mêmes, d’autres sens que ceux qu’il nous plaît de leur attribuer. 

Car enfin, si nous décidons ensemble que le cri du chien sera nommé hennissement et aboiement celui du cheval, demain nous entendrons tous les chiens hennir et tous les chevaux aboyer ».

10/12/2015

Suis-je vraiment à toi ?

Imaginez-vous qu'il existe des "coachs en image" (ça vaut bien les wedding planner, non ?). Par exemple, Aude Roy, qui s'est intéressée aux formules de politesse que nous utilisons (ou non) à la fin de nos courriels.

On voit bien le lien avec "l'image" que nous donnons : la formule peut être inadaptée, incorrecte, prétentieuse, fade, administrative, etc.

Le Figaro Madame (eh oui, il faut être éclectique !) lui a consacré un article le 16 novembre 2015, sous la plume de Lucile Quillet.

Quelles sont donc les recommandations d'Aude Roy ?

D'abord de conclure avec une formule qui regarde vers l'avenir (elle dit "vers le futur" mais, pour moi, c'est incorrect).

"Ne pas mettre de formule de conclusion constitue un manque de politesse".

"… Il faut donner un rendez-vous futur, soit physique, soit téléphonique ou via un autre courriel (elle dit "via un autre mail" mais vous savez ce que j'en pense…)".

Ensuite de bannir le "bien à vous", traduction servile de l'américain "sincerely yours". En français, pourtant moins puritain, cela peut être interprété de façon ambiguë. "Vérité en-deça des Pyrénées, erreur au-delà" (Pascal). C'est vrai qu'en aucun cas, je ne suis "à mon correspondant" !

Aude Roy tolère "Cordialement" (que je trouve néanmoins passe-partout, omniprésent et impersonnel), "Bien cordialement" et même "Très cordialement". Fait surprenant, elle accepte aussi "Sincèrement", "Très sincèrement" et "Sincères salutations", qui nous rappelle, à nous autres, les belles formules des lettres d'antan ("Veuillez agréer, chère Madame, l'expression de mes sincères salutations" ; ça avait du chien, non ?). Mais "Salutations distinguées" est jugé trop solennel, même si l'on écrit au grand patron.

Les formules "Amitiés" (destinée à une personne avec laquelle des liens se sont créés), "Chaleureusement" (destinée à une personne plus âgée) sont également possibles.

Moi, j'aime bien la sobriété, voire le dépouillement, sauf exception ; après tout, on est au bureau pour travailler, non pour se faire des guili-guili… Mais Aude accepte un bref "Salutations" du bout des lèvres...

Et comment signer ?

Éviter un simple "Q." si vous vous prénommez Quentin, de même que "BOUCHER Quentin" (nous ne sommes plus à l'école) et "Quentin" (on n'est pas au foot mais au travail), et encore moins "Jean" car les homonymes doivent être nombreux dans la boîte.

Ego.jpg

L'ego maintenant : nul besoin d'étaler une "signature électronique" déclinant les innombrables moyens modernes de vous joindre ! Restez sobres et pragmatiques ; qui va vous contacter sur Facebook ? est-il vraiment utile de mentionner votre blogue (sauf si vous êtes Alain Juppé ou Michel Onfray) ? Pas de photo non plus ni de logo, qui appesantissent inutilement vos courriels (pitié pour les réseaux !).

Aude résume l'idéal comme suit : "Moins vous en mettez, plus vous vous rendez désirable".