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26/11/2025

"L'heure des prédateurs" (Giuliano da Empoli) : critique III

On revient à notre sujet via un détour par l’écrivain italien des années 30 Curzio Malaparte, que M. da Empoli, qui doit être bien informé, présente comme un « ambitieux fasciste de la première heure » (notons que Malaparte, dans sa préface à Kaputt (1943), s’inscrit en faux contre cette accusation, protestant de son amitié pour la France et de sa participation « du bon côté » aux deux guerres mondiales... ; Malaparte était un anticonformiste au parcours très sinueux, qui adhéra à PC à la fin de sa vie ). Cela étant, c’est sa « Technique du coup d’État » (1931) qui nous intéresse ici. Il y évoque l’ascension du parti nazi et décrit la façon « moderne » de s’emparer du pouvoir à travers la révolution d’octobre 1917 : « Mille hommes bien organisés ont plus de chances de s’emparer de l’État qu’une masse révolutionnaire en armes » (page 104). Pour ce faire, ils vont s’occuper, non de l’organisation bureaucratique et politique (le pouvoir en place) mais de l’organisation technique (centrales électriques, chemin de fer, téléphone, etc.).

Retour aux conquistadors de la tech (Elon Musk en tête mais aussi Eric Schmidt de chez Google) qui, d’après lui, ont décidé de se débarrasser des anciennes élites politiques (libéraux, sociaux-démocrates, conservateurs, progressistes, en résumé ceux du consensus de Davos) et qui sont plutôt proches des Borgiens (voir plus haut), et avec un ennemi commun : les avocats. Da Empoli décrit en effet ces milliardaires de la tech comme « des personnages excentriques qui ont dû briser les codes pour se faire une place » et considère qu’ils ont favorisé un basculement dans la conduite des affaires du monde avec l’entrée en scène des MBS, Bukele et autres Milei...Et ils se fichent de l’histoire comme de leur première chemise. Le livre se termine, actualité oblige, sur l’intelligence artificielle, qui comme les Borgiens, se nourrirait du chaos...

Le défaut majeur de ce petit livre passionnant est le défaut de tous ceux du même genre, entre article de journaliste, analyse sociologique et essai de prospective (pensons au « Matin des magiciens » de Louis Pauwels et Jacques Bergier et aussi aux livres à succès de François de Closets) : sauter d’un événement à l’autre, d’une situation à une autre, d’un personnage à l’autre, changeant de focale en permanence (du souvenir personnel à la considération générale, et retour), alternant anecdote et démonstration, dans une sorte de fuite en avant, touche-à-tout, même si le sujet sous-jacent, bien sûr, reste le même... Cela augmente l’appétit du lecteur, par une sorte de suspense mais aussi son impression que l’auteur « part dans tous les sens ».

Une seule conclusion : notre monde a bien changé, et ça s’accélère !

 

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