28/07/2015
Natacha et moi (VIII) : langues régionales
Le 25 janvier 2014, sous le titre "Ces langues qui font la France", Natacha Polony prenait position, de façon argumentée et convaincante, pour les langues régionales (breton, alsacien, occitan), à l'occasion de la révision éventuelle de la Constitution permettant d'intégrer la charte européenne au droit français.
Le préambule de sa chronique du Figaro nous apprend que l'article 2 de la Constitution que je cite souvent "Le français est la langue de la République" ne date que de la loi Toubon de 1994... Je croyais que ça datait de 1958 !
Voici ses arguments :
- "le bilinguisme précoce développe la capacité à apprendre d'autres langues". Je le crois. J'ai reçu en entretien un jeune Français qui avait appris le néerlandais et le français dans son enfance, puis l'espagnol et qui s'était intégré sans difficulté au Brésil lors d'une mission de développement. À mon étonnement (admiratif), il avait répondu : "Quand on parle trois langues, apprendre une quatrième est assez facile, surtout le portugais"...
- "les écoles bretonnes et basques obtiennent d'excellents résultats (scolaires), grâce à la conjonction de méthodes plutôt classiques et d'une motivation accrue des parents". Je le crois volontiers.
- "le bilinguisme précoce ne fonctionne que par immersion". En effet, apprendre le breton grâce à des grands-parents qui le parlent en permanence, n'a rien à voir avec apprendre par exemple l'anglais au collège quelques heures par semaine...
- "apprendre l'anglais ou le chinois, qui sont des langues étrangères, n'aurait pas la même signification. Et c'est là que ce qui se joue devient politique et met en jeu la nation". Je suis d'accord : on apprend les langues étrangères par nécessité (pour commercer, voyager, comprendre, construire des partenariats, etc.) mais en apprenant une langue régionale, celle de ses aïeux, on assure une permanence, une fidélité au patrimoine, on entretient la flamme.
- "rien à voir avec l'idée qu'il faudrait enseigner davantage l'arabe au nom de la diversité. les jeunes immigrés qui viennent en France ont vocation à faire "leur", ce pays, ses mœurs et sa culture". Évident, passons.
- "la défense du français et la défense des langues régionales relèvent d'un même combat, celui pour la culture et la civilisation". Bien sûr, dans l'absolu, on ne peut qu'être d'accord, l'argument va droit au cœur... mais c'est raisonner "à moyens infinis", c'est-à-dire comme si on pouvait défendre à la fois le français (dans l'économie mondialisée) - tâche déjà surhumaine - et les langues régionales.
Et là, franchement je n'y crois pas. Celui qui qui enfourchera le cheval de la promotion de sa langue régionale n'aura plus de temps, d'énergie ni d'argument pour chevaucher en même temps celui de la défense du français.
D'ailleurs les experts de la francophonie nous ont déjà fait le coup : "on ne défend pas que le français ; on défend le multilinguisme !". On a vu ce que donne cette stratégie.
Je suis donc très perplexe face à cette question...
Et suis donc tout autant séduit par les arguments des opposants à la ratification de la charte européenne :
- est-il vraiment urgent de lancer ce genre de débat quand l'économie française est au bord du gouffre ?
- sans compter son éducation nationale...
- et ses affres identitaires et a contrario communautaristes (n'est-il pas urgent au contraire de multiplier les initiatives consensuelles, celles qui rassemblent au lieu de diviser ?) ;
- l'urgence n'est-il pas que les jeunes Français - de toutes origines - recommencent à apprendre correctement le français, avant de leur ajouter de nouveaux défis ?
- et tant qu'à apprendre une autre langue, ne vaut-il pas mieux que ce soit l'allemand (première langue maternelle en Europe, langue de nos premiers clients et premiers fournisseurs) ou l'espagnol ou l'anglais, voire le chinois ou le japonais ?
En plus il y a langue régionale et langue régionale : autant il me paraît utile (si on en a les moyens) de préserver le breton et le basque, langues à nulle autre pareilles, autant il me semble vain de préserver l'alsacien, si proche de l'allemand son voisin. Autant apprendre l'allemand, non ?
J'ajoute un argument - spécieux, il est vrai - : est-on obligé, dans ce domaine comme dans d'autres, d'adopter, de faire rentrer au chausse-pied, toutes les inventions plus ou moins démagogiques ou bienpensantes des diverses institutions européennes ?
Non, mille fois non.
Rien de tel, pour se reposer de ces tortures intellectuelles, qu'un beau visage... alors régalez-vous :
Les commentaires sont fermés.