08/08/2014
Le petit dico franglais-français d'Alfred Gilder (2014)
Je vous propose de découvrir un petit livre Le petit dico franglais-français, d'Alfred Gilder (Éditions FIRST Édi8, 2014).
A. Gilder, ancien haut fonctionnaire de terminologie auprès des ministères, avait réalisé en 2009 un logiciel de correction reprenant les termes de la Base FranceTerme qui est alimentée par les listes publiées au Journal Officiel. Ce logiciel proposait pour chaque terme étranger à la langue (franglais en pratique...) son ou ses équivalents français.
Au premier abord, ce nouvel opuscule m'a irrité de par son titre ; en effet, le qualifier de "dictionnaire", n'est-ce pas reconnaître au franglais le statut d'une langue (comme une autre), qui serait sur un pied d'égalité avec le français ? Ce qui n'est pas le cas... le franglais n'est qu'une manie (une paresse ?) française d'émailler son discours, ses courriels et ses textos de termes anglais ou pseudo-anglais. Donc le "traduire" en français n'a guère de sens. Le titre est mal choisi et indispose.
Mais on se rend compte à la lecture d'une des 160 pages de lexique de ce format de (petite) poche, que l'auteur est bien de notre côté : il allie un humour souvent féroce à sa conviction intime. Même si, par esprit de système, il use et abuse de jeux de mots plus ou moins pertinents, pour ridiculiser les termes franglais...
Il augmente, à mon avis abusivement, le corpus du franglais tel qu’on le parle, en ajoutant, pour les besoins de l’édition, des termes purement anglais, qui ne sont pas utilisés en pratique.
Il multiplie les synonymes et les propositions de termes substitutifs... à mon avis, c'est excessif car proposer mille façons de nommer une chose ou une notion, n'est-ce pas n'en proposer aucune ? Le lecteur, amusé et même convaincu (de la richesse du vocabulaire français)... n'en retiendra aucun (ou plutôt si : le terme franglais qu'utilisent ses collègues de travail ! A. Gilder s'est là mélangé les pinceaux : entre dictionnaire, encyclopédie distrayante et ouvrage de lexicologue, il n'a pas su (ou voulu) choisir.
Au total, A. Gilder a néanmoins réalisé un lexique amusant, qui fait de nombreuses suggestions pour se passer du franglais. Il est créatif et cultivé, on apprend donc pas mal de choses.
Qu’il me permette de citer quelques phrases de son opuscule :
« … Ce dico vous permet d’éviter le sabir atlantique et ses termes franglais parfois pédants, souvent poly sémiques ou ectoplasmiques, euphémiques ou inintelligibles. Pour être compris de tous, employez les mots français qu’il vous propose, surtout si vous voulez produire de l’effet ! … le Petit Gilder vous invitera à solliciter les ressources immenses et les nuances multiples de notre langue ». (préface de Jean-Joseph Julaud)
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07/08/2014
Ébauche d'un nouveau lexique franglais-français
En plus du domaine professionnel des bureaux (réunions, mél.), il y a malheureusement de nombreux autres domaines où le franglais s'est infiltré. Ce sont, logiquement, les domaines où le modèle américain s'est imposé (la musique, la chanson et l'informatique depuis les années 60, la communication plus récemment), dans lesquels il est de bon ton de "faire moderne" et les domaines de technologie avancée, dans lesquels, il est vrai, le français tarde à proposer des équivalents (on adopte donc le terme américain, plus ou moins déformé).
Voici quelques exemples :
Communicant
baseline : ligne de base, ligne directrice
push mail : information poussée (vers le destinataire) (à améliorer... des propositions ?)
sponsoring : parrainage, soutien, appui
homepage : écran ou page d'accueil
footer : pied de page
webmaster : webmestre
community manager : animateur de communauté
template : modèle, canevas
wording ("on va améliorer le wording") : rédaction, formulation
scope : la perspective, le champ d'application, le cadre
smiley : figurine ou bien en ch'timi "cabotan"
le buzz : la rumeur, le ramdam
bonne journée à vous, merci à vous (de l'anglais "Happy birthday to you") : bonne journée, Monsieur, Madame ; merci Lucile, merci Marie-France
triple play : trois en un
en off, voix off : hors micro, voix en surimpression
storyboard : scénario, canevas, déroulé
Mais il n'y a pas que nous, dans les bureaux !
Musicien :
Chorus : solo, improvisation
Riff : ritournelle
Fret : sillet
Chord : accord
Barclay a signé C. Nougaro... : pour dire que C. Nougaro a signé (un contrat) chez Barclay !
Sportif :
Corner : coup de pied de coin
Penalty : coup de pied de pénalité
Score : résultat
Set : jeu
Coach : l'entraîneur, le sélectionneur, le patron
On va jouer l'OM, ils ont explosé le PSG... : sans commentaire (ces verbes sont normalement intransitifs)
Pole-position : tête de file, première position
Ma prof. de gym : le step, step-touch, Just do it...
Divers :
Collector : objet de collection
Start up : gazelle (inventé par Renaud Dutreil, secrétaire d'État au commerce extérieur)
Quels sont donc les arguments des utilisateurs du franglais (en pratique, il y a très peu de défenseurs...).
D'abord que ça va plus vite d'utiliser des mots anglais. On constatera, grâce au lexique ci-dessus, que c'est rarement le cas.
Ensuite que cela permet de parler aux anglophones plus facilement. C'est assez souvent faux : "parking" et "footing" ne disent pas grand'chose aux Américains (ils parlent de parking lot et de jogging).
Je crois que les raisons sont autres...
D'abord le snobisme, le souhait de se montrer moderne, à la page, au courant et au fait des dernières nouveautés (déjà, dans la Recherche, Mme Verdurin émaillait son discours de termes anglais ; mais, alors, c'étaient plutôt des citations).
Ensuite la paresse et l'indifférence quant aux questions de langue ("quelle importance, les mots que l'on utilise si tout le monde les comprend et les utilise aussi, alors que la faim, la guerre, l'injustice, le fanatisme, le manque d'eau, etc., ravagent le monde ?". Certes...).
Plus profondément, il y a la subtilité et le goût des "connotations" et des nuances inhérents à la langue française.
Par exemple : le mot "stretching" se traduit aisément par étirement... Mais si on dit à quelqu'un : "Tu fais de l'étirement ?", cela sous-entend qu'il est en train de s'étirer. Pour lui demander s'il suit des cours de gym. dans lesquels il y a des étirements, alors on sera tenté de lui dire "Tu fais du stretching ?".
Le Français aime les nuances à l'infini, il aime couper les cheveux en quatre et être précis. C'est la raison de la puissance (passée) du français dans la diplomatie. C'est aussi l'origine de ce cri du cœur d'un Anglo-Saxon :
« Boy, those French ! They have a different word for everything » (Steve Martin).
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06/08/2014
Honneur aux défenseurs et illustrateurs du français
Mes lecteurs se sont peut-être interrogés sur le curriculum vitae des personnes que j'ai nommées à la fin de mon billet "La langue de chez Mail".
Voici donc quelques lumières...
François Villon : l'un des premiers poètes modernes. Jean Teulé a écrit sur lui une biographie romancée, à la fois fascinante et terrifiante.
Pierre de Ronsard et son collègue Joachim du Bellay, mis à part la Mignonne et sa rose et mis à part la docueur angevine, ont écrit la Défense et Illustration de la langue française
François 1er a promulgué l'édit de Villers-Cotterêt qui a rendu obligatoire l'usage du français dans le royaume
Jean Dutourd, mis à part Au bon beurre et son humour bougon, était un Académicien qui défendait farouchement le français
Frédéric Dard, auteur de San Antonio, a dit : "« J’ai écrit mes livres avec trois cents mots. Tous les autres, je les ai inventés »
Michel Audiard : qui ne connaît les répliques des Tontons flingueurs "C'est du brutal ; y a pas qu'ça mais y en a...) et de quantité d'autres films inoubliables ?
Raymond Devos, c'est la place avec uniquement des sens interdits, la mer démontée, Caen va-t-on à Sète...
Boris Vian, souffleur de trompinette, éternel adolescent de l'Écume des jours, fermait les marches dans les escaliers
Paul-Marie Coûteaux, député européen et inventeur des tartines de chèvre avec le thé fumant, a écrit Être et parler français
Michel Dubesset, ancien informaticien à l'IFP, a écrit une bible, le "Guide de présentation des documents", ainsi qu'un petit fascicule "Unités et grandeurs de l'informatique" (Éditeur O'REILLY)
Bertrand Meyer, ancien informaticien à EDF et fondateur d'une gazelle en Californie, gourou de la modélisation et de la programmation par objets, a inlassablement défendu le beau langage (en français) dans sa revue informatique TSI, lui qui était bilingue
Claude Nougaro, qui a écrit Toulouse, fait du jazz en français et multiplié les jeux de mots sur des musiques américaines
Georges Brassens et Barbara ont écrit les plus beaux textes qui soient dans la chanson française, dont certains comme "Ma plus belle histoire d'amour" ou "Les sabots d'Hélène" ont atteint la perfection chère à Pascal ("il n'y a rien de trop ni rien de manque") et à A. de Saint-Exupéry (on ne peut rien y ajouter ni rien en retrancher)
Alain Souchon, auteur inventif de belles chansons et de trouvailles poétiques
Claude Hagège, sommité du Collège de France, linguiste distingué qui parle onze langues, pour sa science et son optimisme invétéré.
René Étiemble, grammairien des années 60, le premier qui a tiré la sonnette d’alarme avec le célébrissime « Parlez-vous français ? »
Philippe Barthelet, qui se dit simple écrivain, auteur d’un cabalistique « Baraliptons » (Éditions du Rocher, 2007) et surtout chroniqueur linguistique et défenseur du beau langage dans Valeurs actuelles
Alfred Gilder vient de publier Le petit dico franglais-français (FIRST Éditions)
Yves Duteil a écrit et chanté la langue de chez nous, et tendu la main...
à tous les Québécois, de l'Île d'Orléans et d'ailleurs, qui ont compris, il y a longtemps, que la langue est un combat.
Ce sont mes grands hommes...
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