12/07/2014
Quels "quelques" ?
Lu dans une Présentation par ailleurs remarquable :
"Elle permet à tous les clients de bénéficier, pour le même service, des mêmes prix qu’elle que soit leur implantation sur l’ensemble du territoire"
Lu dans un courriel :
"Proposition d'adaptation de la 32E pour quelle soit utilisable en BT quelque soit le segment et quelque soit la durée"
Il y a souvent des confusions entre quelque, quel que, et plus rarement comme ci-dessus avec "qu'elle que soit" !
Rappelons la règle à travers quelques (!) exemples :
Exemple 1 : je n'aime pas les fautes d'orthographe, quelles qu'elles soient
Exemple 2 : je n'aime pas ce slogan, quelque drôle soit-il
Exemple 3 : j'aime les glaces, qu'elles soient à l'eau ou non.
En résumé : on écrit quasiment toujours en deux mots : quel que, quelle que, quelles que... et avec l'accord, sauf quand il faut écrire "quelque" et dans ce cas, c'est invariable et c'est une forme un peu recherchée (littéraire).
Ainsi Mme de Lafayette, dans le désormais célèbre "La Princesse de Clèves", en abuse-t-elle tout au long du roman : "quelque application qu'elle eût à éviter ses regards et à lui parler moins qu'à un autre, il lui échappait de certaines choses qui partaient d'un premier mouvement, qui faisaient juger à ce prince qu'il ne lui était pas indifférent" (page 66 de l'édition Librio). Et aussi "... des conseils qu'elle lui avait donnés de prendre toutes sortes de partis, quelque difficiles qu'ils pussent être, plutôt que de s'embarquer dans une galanterie." (page 71).
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11/07/2014
Exclusif : France-Inter lit le blogue "Le bien écrire" !
Choc (audiopsychologique) l'autre matin en écoutant France Inter : après avoir parlé de "podcaster" une chronique, l'animateur ajoute "ou bien en baladodiffusion, comme on dit en français".
Stupeur ravie de ma part ! ce commentateur lit donc mon blogue et, plus particulièrement, le billet récent dans lequel je dénonçais ce terme aberrant de "podcast" !
Las, mon bonheur fut de courte durée... quelques minutes plus tard, un autre vilain, sur la même chaîne (comme aurait dit Henri Salvador) parlait de "cashback" pour une nouvelle carte bancaire, piège à gogos.
On n'arrête pas le non-progrès !
D'autant que le "Marianne" du 23 octobre signalait, sur une demi-page, l'organisation d'une journée d'étude à l'Université P. et M. Curie, intitulée "Gender in research"... Le courrier émanait du Ministère de la Research en question, était écrit en anglais et parlait de "training" en "english language"... il était destiné... aux enseignants français ! Sans compter que le sujet, sur le fond, concerne l'étude des spécificités (sexuelles, religieuses et autres), qui est le dada des Américains mais est considéré en France comme "clivant".
Jamais le dernier dans la course au snobisme, feu R. Descoing accueillait sur son blogue la "queer week". C'est du même acabit, je renonce à vous en dire plus.
En fait, il conviendrait que j'en vinsse enfin au sujet initial de ce blogue : vous parler du bien écrire dans les notes techniques, les courriels et les présentations. J'ai une boîte pleine de suggestions et de recommandations. Il serait temps que je l'ouvrisse.
À bientôt donc et vive le subjonctif (et l'impératif, et les appositions).
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10/07/2014
Jean, Claude, la mondialisation et l'entropie
Je lisais l'autre matin la copie d'une lettre de Jean-Claude L., député de son état et grand connaisseur du monde de l'électricité. Ce monsieur écrivait aux Maires de son département, et donc à lui-même entre autres, pour leur rendre compte des avancées obtenues grâce à son action. Sur son papier à entête, j'ai remarqué qu'il déclinait son identité de la façon suivante : Jean Claude L., suivant en cela, consciemment ou non, l'habitude américaine qui consiste à accoler deux prénoms. On se rappelle du fameux "George dobel iou Bouche"...
On sait qu'aux États-Unis, la nécessité a fait loi : il fallait se prémunir des trop nombreuses homonymies. Il y aurait eu trop de George Bush. Il y a eu moins de George W. Bush (certains ont dit : "heureusement"). Et quand en plus, le deuxième prénom est le patronyme d'un homme célèbre, Père de la Nation (Washington), c'est encore mieux (on se demande qui honore qui...).
En France, rien de tel ! Il y a très peu de Bruno G. (certains disent "malheureusement") mais même s'il y en avait beaucoup, on ne l'appellerait pas Bruno G. G. Seul son état civil utilise, le cas échéant, son deuxième prénom. Son prénom, c'est Bruno.
Pendant très longtemps, certains ont eu des prénoms à rallonge : Jean-Claude, Marie-Pierre... mais c'était très codifié dans la mesure où seuls quelques premiers prénoms pouvaient se voir accoler un deuxième prénom : Jean, Marie... L'histoire se rappelle aussi de Marc-Antoine et de Marc-Aurèle. Les deux prénoms, réunis par un tiret (et pas semi-cadratin...) formaient un seul prénom.
Dans les années soixante sont apparus quelques nouveaux prénoms à rallonge, toujours avec le tiret. Je me rappelle très bien du ministre François-Xavier Ortoli... d'ailleurs, bizarrerie, c'est le seul prénom composé (avec tiret) à figurer dans le calendrier 2010, avec Jean-Eudes, et deux fois, puisque l'on fêtait François-Xavier le 3 décembre et Françoise-Xavière le 22. Comme quoi porter un prénom composé prédispose à la sainteté... Et sans oublier nos Prix Nobel Pierre-Gilles et Jean-Marie Gustave...
Mais aujourd'hui, foin de ces conventions ! foin du magnifique Fêtnat des enfants nés un 14 juillet !
Les parents se délectent des combinaisons les plus osées : Pierre-Emmanuel, Bernard-Henry, Max-Pol, Pierre-Jean, etc.
Pourquoi pas ? Soit dit en passant, sachant qu'il y a N prénoms possibles en n°1 et M prénoms possibles en n°2, combien y a-t-il de prénoms composés à l'arrivée ? Que se passe-t-il si N=M ? Et si Pierre-Jean et Jean-Pierre sont deux prénoms différents ?
Cela ne serait rien si, là comme ailleurs, le snobisme, le modernisme, le mondialisme, le mimétisme, l'indifférence, l'ignorance, le laisser-aller... ne conduisaient à transformer la règle pour "faire américain", c'est-à-dire "moderne", en abandonnant le tiret. D'où le Jean Claude de notre député électrophile.
C'est quoi la prochaine étape ? des Bernard Pompidou TRUC, des Yves Noah MACHIN... ?
PS. je m'aperçois en relisant (mais oui, je relis !) que j'ai oublié de vous parler de l'entropie. Vous aviez compris, j'en suis sûr, que c'est elle qui est à l'œuvre (et non pas à l'oeuvre) : on met de l'ordre en mettant le tiret ; on détruit l'ordre en l'omettant... le monde va vers son entropie maximale, c'est-à-dire vers le désordre maximal (ou infini) si... l'on n'y met pas bon ordre. Et ça, ça demande de se fatiguer un peu.
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