07/08/2014
Ébauche d'un nouveau lexique franglais-français
En plus du domaine professionnel des bureaux (réunions, mél.), il y a malheureusement de nombreux autres domaines où le franglais s'est infiltré. Ce sont, logiquement, les domaines où le modèle américain s'est imposé (la musique, la chanson et l'informatique depuis les années 60, la communication plus récemment), dans lesquels il est de bon ton de "faire moderne" et les domaines de technologie avancée, dans lesquels, il est vrai, le français tarde à proposer des équivalents (on adopte donc le terme américain, plus ou moins déformé).
Voici quelques exemples :
Communicant
baseline : ligne de base, ligne directrice
push mail : information poussée (vers le destinataire) (à améliorer... des propositions ?)
sponsoring : parrainage, soutien, appui
homepage : écran ou page d'accueil
footer : pied de page
webmaster : webmestre
community manager : animateur de communauté
template : modèle, canevas
wording ("on va améliorer le wording") : rédaction, formulation
scope : la perspective, le champ d'application, le cadre
smiley : figurine ou bien en ch'timi "cabotan"
le buzz : la rumeur, le ramdam
bonne journée à vous, merci à vous (de l'anglais "Happy birthday to you") : bonne journée, Monsieur, Madame ; merci Lucile, merci Marie-France
triple play : trois en un
en off, voix off : hors micro, voix en surimpression
storyboard : scénario, canevas, déroulé
Mais il n'y a pas que nous, dans les bureaux !
Musicien :
Chorus : solo, improvisation
Riff : ritournelle
Fret : sillet
Chord : accord
Barclay a signé C. Nougaro... : pour dire que C. Nougaro a signé (un contrat) chez Barclay !
Sportif :
Corner : coup de pied de coin
Penalty : coup de pied de pénalité
Score : résultat
Set : jeu
Coach : l'entraîneur, le sélectionneur, le patron
On va jouer l'OM, ils ont explosé le PSG... : sans commentaire (ces verbes sont normalement intransitifs)
Pole-position : tête de file, première position
Ma prof. de gym : le step, step-touch, Just do it...
Divers :
Collector : objet de collection
Start up : gazelle (inventé par Renaud Dutreil, secrétaire d'État au commerce extérieur)
Quels sont donc les arguments des utilisateurs du franglais (en pratique, il y a très peu de défenseurs...).
D'abord que ça va plus vite d'utiliser des mots anglais. On constatera, grâce au lexique ci-dessus, que c'est rarement le cas.
Ensuite que cela permet de parler aux anglophones plus facilement. C'est assez souvent faux : "parking" et "footing" ne disent pas grand'chose aux Américains (ils parlent de parking lot et de jogging).
Je crois que les raisons sont autres...
D'abord le snobisme, le souhait de se montrer moderne, à la page, au courant et au fait des dernières nouveautés (déjà, dans la Recherche, Mme Verdurin émaillait son discours de termes anglais ; mais, alors, c'étaient plutôt des citations).
Ensuite la paresse et l'indifférence quant aux questions de langue ("quelle importance, les mots que l'on utilise si tout le monde les comprend et les utilise aussi, alors que la faim, la guerre, l'injustice, le fanatisme, le manque d'eau, etc., ravagent le monde ?". Certes...).
Plus profondément, il y a la subtilité et le goût des "connotations" et des nuances inhérents à la langue française.
Par exemple : le mot "stretching" se traduit aisément par étirement... Mais si on dit à quelqu'un : "Tu fais de l'étirement ?", cela sous-entend qu'il est en train de s'étirer. Pour lui demander s'il suit des cours de gym. dans lesquels il y a des étirements, alors on sera tenté de lui dire "Tu fais du stretching ?".
Le Français aime les nuances à l'infini, il aime couper les cheveux en quatre et être précis. C'est la raison de la puissance (passée) du français dans la diplomatie. C'est aussi l'origine de ce cri du cœur d'un Anglo-Saxon :
« Boy, those French ! They have a different word for everything » (Steve Martin).
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06/08/2014
Honneur aux défenseurs et illustrateurs du français
Mes lecteurs se sont peut-être interrogés sur le curriculum vitae des personnes que j'ai nommées à la fin de mon billet "La langue de chez Mail".
Voici donc quelques lumières...
François Villon : l'un des premiers poètes modernes. Jean Teulé a écrit sur lui une biographie romancée, à la fois fascinante et terrifiante.
Pierre de Ronsard et son collègue Joachim du Bellay, mis à part la Mignonne et sa rose et mis à part la docueur angevine, ont écrit la Défense et Illustration de la langue française
François 1er a promulgué l'édit de Villers-Cotterêt qui a rendu obligatoire l'usage du français dans le royaume
Jean Dutourd, mis à part Au bon beurre et son humour bougon, était un Académicien qui défendait farouchement le français
Frédéric Dard, auteur de San Antonio, a dit : "« J’ai écrit mes livres avec trois cents mots. Tous les autres, je les ai inventés »
Michel Audiard : qui ne connaît les répliques des Tontons flingueurs "C'est du brutal ; y a pas qu'ça mais y en a...) et de quantité d'autres films inoubliables ?
Raymond Devos, c'est la place avec uniquement des sens interdits, la mer démontée, Caen va-t-on à Sète...
Boris Vian, souffleur de trompinette, éternel adolescent de l'Écume des jours, fermait les marches dans les escaliers
Paul-Marie Coûteaux, député européen et inventeur des tartines de chèvre avec le thé fumant, a écrit Être et parler français
Michel Dubesset, ancien informaticien à l'IFP, a écrit une bible, le "Guide de présentation des documents", ainsi qu'un petit fascicule "Unités et grandeurs de l'informatique" (Éditeur O'REILLY)
Bertrand Meyer, ancien informaticien à EDF et fondateur d'une gazelle en Californie, gourou de la modélisation et de la programmation par objets, a inlassablement défendu le beau langage (en français) dans sa revue informatique TSI, lui qui était bilingue
Claude Nougaro, qui a écrit Toulouse, fait du jazz en français et multiplié les jeux de mots sur des musiques américaines
Georges Brassens et Barbara ont écrit les plus beaux textes qui soient dans la chanson française, dont certains comme "Ma plus belle histoire d'amour" ou "Les sabots d'Hélène" ont atteint la perfection chère à Pascal ("il n'y a rien de trop ni rien de manque") et à A. de Saint-Exupéry (on ne peut rien y ajouter ni rien en retrancher)
Alain Souchon, auteur inventif de belles chansons et de trouvailles poétiques
Claude Hagège, sommité du Collège de France, linguiste distingué qui parle onze langues, pour sa science et son optimisme invétéré.
René Étiemble, grammairien des années 60, le premier qui a tiré la sonnette d’alarme avec le célébrissime « Parlez-vous français ? »
Philippe Barthelet, qui se dit simple écrivain, auteur d’un cabalistique « Baraliptons » (Éditions du Rocher, 2007) et surtout chroniqueur linguistique et défenseur du beau langage dans Valeurs actuelles
Alfred Gilder vient de publier Le petit dico franglais-français (FIRST Éditions)
Yves Duteil a écrit et chanté la langue de chez nous, et tendu la main...
à tous les Québécois, de l'Île d'Orléans et d'ailleurs, qui ont compris, il y a longtemps, que la langue est un combat.
Ce sont mes grands hommes...
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05/08/2014
SPRI, es-tu là ?
Il existe des méthodes pour écrire de façon efficace, c'est-à-dire pour que le texte produit soit attrayant, lisible et mémorisable (je pense ici plus particulièrement aux textes professionnels, techniques, scientifiques, journalistiques...).
L'une des plus connues est SPRI de Louis Timbal-Duclaux.
Chaque lettre de l'acronyme correspond, dans l'ordre, à l'un des chapitres (ou des paragraphes ou des alinéas) du texte à écrire :
- dans S, on décrit la Situation, le cadre du sujet traité et ses enjeux ;
- dans P, on explique le Problème à résoudre, les obstacles à surmonter ;
- dans R, on présente la Résolution du problème, dans son principe, sans les détails ;
- dans I, on donne les explications détaillées, toutes les Informations.
Cette méthode de conception, applicable quel que soit le document à écrire, court ou long, technique ou non, permet de proposer des "modes de lecture" adaptés aux différents types de lecteur :
- le lecteur pressé, le dirigeant (souvent pressé...) ne lira que S et R,
- le béotien ne lira peut-être que S, voire P, et constatera souvent que le document ne l'intéresse pas ;
- le spécialiste ne lira que P, voire que R et I ;
etc.
Malheureusement, on constate que, souvent, un rédacteur se contente de I, parce qu'il croit ne devoir s'adresser qu'à ses pairs ! Or, si S, P et R manquent, la plupart des lecteurs potentiels n'accrocheront pas.
On conseille donc aux rédacteurs de commencer par rédiger I (ils ne seront pas dépaysés...) et de rédiger le reste à l'envers : P, R et enfin S.
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