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29/11/2014

Franco-cacophonie ?

La grand-messe annuelle de la francophonie, c’est maintenant. On en sait peu de choses finalement : il y a un ministre ou un secrétaire d’État selon les gouvernements, on rassemble beaucoup de chefs d’État étrangers, surtout africains, le plus célèbre d’entre eux était Léopold Sédar Senghor, cofondateur du mouvement et par ailleurs académicien, et il y a des discours que la Presse relaye très peu.

Il s’agit d’une organisation internationale, dont le site internet : http://www.francophonie.org est très intéressant. Cette organisation dénombre tous les quatre ans les Francophones : 250 millions actuellement, 760 prévus en 2060 à rythme de scolarisation constant (rem. : il y a une ambiguïté sur ces chiffres, que note Claude Hagège. Selon lui, ils sont sur-estimés parce que, dans les pays concernés, seuls les gens éduqués parlent le français ; les autres parlent une langue locale).

L’organisation réalise un

Vade-mecum relatif à l'usage de la langue française dans les organisations internationales

dont je vous rendrai compte dans un billet ultérieur car le quatrième document d’avancement compte 78 pages…

Le quinzième sommet de l’lOIF a lieu à Dakar les 29 et 30 novembre 2014.

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Il semble que ce « mouvement » de la francophonie ait eu tendance, ces dernières années, à agréger le plus possible de pays, pour des raisons géopolitiques ou économiques, sans être trop regardant sur l’implication réelle de ces pays dans l’utilisation du français.

Début 2013, l’écrivain Calixthe Beyala s’était élevée contre la présence du Qatar. Pour elle, c’est une logique financière qui a prévalu : le Qatar achète tranquillement notre patrimoine et finance nos banlieues et des écoles coraniques en Afrique mais ne se distingue pas par son respect des droits de l’homme ; il est riche, c’est tout. Et ne partage avec nous ni la langue ni la culture ni l’histoire ni la démocratie, alors que tout cela est le socle de la francophonie. Le riche aurait-il tous les droits ? et cette intégration ne cache-t-elle pas une profonde transformation du mouvement lui-même ? (source : Marianne du 5 janvier 2013).

28/11/2014

Le français, la nation et l'identité

Il y a de nombreux débats que l’on peut entretenir autour du français ; par exemple ceux-ci : le franglais est-il dangereux ? le français est-il la France ? ou l’inverse ? faut-il l’accrocher au grec et au latin pour le défendre contre l’anglais ? l’extension du français, grâce à la démographie africaine, rompt-il définitivement ses liens avec la nation (française), avec ses langues-mères (grec et latin) ? le français, langue d’une nation férue de culture et d’histoire, et aussi langue internationale, est-elle « unique » ? l’anglais, par exemple, ne peut-il pas prétendre aux mêmes caractéristiques et se croire, lui aussi, unique ?

Philippe de Saint-Robert, ancien délégué à la langue française, si je ne me trompe pas, qui rendait compte du livre de Jacqueline de Romilly dans le Figaro, le 3 mai 2007 (voir mon billet du 27 novembre 2014), en a profité pour rappeler que « ce qui définit le mieux l’identité de la France, c’est la langue ». « Dissocier l’être de l’expression relève d’une débilité philosophique ».

Et pour lui, l’évolution de la langue n’a rien de naturel ; au contraire « ses évolutions sont instrumentalisées par des états de tension, par des rapports de force ». Et il ajoute : « Peut-être veut-on nous couper des textes antérieurs de notre littérature en torturant la langue contemporaine afin de mieux manipuler notre pensée, en réduisant son expression à la vulgarité du temps ? ». On n’est plus très loin de la Lingua Quintae Respublicae (voir mon billet à ce sujet).

Francis Ponge, de son côté, dans son « Pour un Malherbe », écrivait : « Nous pratiquons la langue française. Celle-ci n’est pas seulement pour nous notre instrument naturel de communication ; c’est aussi notre moyen de vivre (…). Notre façon d’être est de pratiquer la langue française ».

Dans un autre registre, et sans méconnaître la connotation politique et partisane du propos, on a Nicolas Sarkozy, ancien Président de la République (2007-2012) qui proclame : « Ici, on est en France ; on parle français ! » (discours de Nîmes, 27 novembre 2014).

27/11/2014

Écrivains contemporains et langue française (V) : Jacqueline de Romilly

L’académicienne Jacqueline de Romilly, (1913-2010), première normalienne à l’École de la rue d’Ulm et helléniste de renom, lauréate du Concours général la première année où les filles pouvaient concourir, agrégée de lettres, docteur ès lettres, première femme professeur au Collège de France, première femme membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, a publié en 2007 « Dans le jardin des mots » (Éditions de Falloix).

En voici quelques extraits.

« Ainsi l’habitude veut que l’on lie les mots entre eux par la prononciation (…). Des fautes de liaison peuvent donc être graves (…). Peut-on imaginer de dire mes_amis sans faire de liaison ? peut-on parler d’un_homme sans la faire ? (…). Je comparerais volontiers ceux qui massacrent les liaisons et les mettent au petit bonheur, à ceux qui sont atteints d’ataxie locomotrice. Oui, c’est là une maladie… ».

« Trouver le mot juste n’est point un snobisme mais le goût de la précision ».

« Les bizarreries apparentes de notre langue s’expliquent, comme celles qui concernent les racines mêmes des mots, par l’histoire de la langue ».

« Les lectures, les connaissances pêchées ici ou là, tout contribue à cet enrichissement des mots. Même nos souvenirs personnels, même ceux de conversations, de mots entendus, de paysages aimés. Il faut d'abord employer les mots correctement, ensuite les reconnaître dans leur histoire même, et enfin, s'entraîner à percevoir, à l'usage, toutes les résonances poétiques que peut leur apporter ce retentissement secret ».

J. de Romilly incarnait une conception exigeante et humaniste de la culture. Elle a laissé une œuvre considérable sur Athènes d’où « tout est sorti brusquement » : la philosophie, l’histoire, la tragédie, la comédie, les sophistes. « Je regrette que l’on n’œuvre pas suffisamment pour ce qui développe la formation de l’esprit par la culture, par les textes et l’intimité avec les grands auteurs, perdant ainsi un contact précieux avec ce que les autres ont pensé avant nous ». « Pourquoi tirerait-on davantage d’une rencontre avec n’importe qui, que d’un tête-à-tête avec Andromaque ou Hector ? ».

L’historien grec antique Thucydide était l’un des « hommes de sa vie ». elle a beaucoup travaillé aussi sur Homère, Eschyle et Euripide.

Voici le titre de sa thèse de doctorat, sur Thucydide : Ο Θουκυδίδης και ο αθηναϊκός ιμπεριαλισμός : Η σκέψη του ιστορικού και η γένεση του έργου / Jacqueline de Romilly · μετάφραση Λύντια Στεφάνου · επιμέλεια Κώστας Τσιταράκης. - 4η έκδ. - Αθήνα : Παπαδήμας

Pour elle, le grec ancien devrait être accessible à tous. Et elle a souffert énormément depuis quelques dizaines d’années de voir l’étude de cette langue décliner (Hélène Carrère d’Encausse).

Comment débute une telle carrière ?

En 1934, elle a 21 ans, sa mère, la romancière Jeanne Malvoisin, lui offre une édition bilingue – grec et latin – de Thucydide, en sept volumes, en lui disant : « Ce serait bien que tu fasses un peu de grec pendant les vacances ». Avis aux amateurs de jeux vidéo et aux accros des séries américaines…

Jacqueline de Romilly a consacré un livre à sa mère, en 1977 : « Jeanne ».

 

Source : le Figaro, 19 décembre 2010.