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19/11/2014

États Dame (V)

Pour une ardoise « Heures joyeuses » aperçue dans un café de Levallois, combien d’agressions linguistiques chaque jour ?

C’est une affiche dans la même ville qui vante le « Shiny Burger » et traduit cela par « doré » en tout petits caractères.

Cinq minutes plus tard, une camionnette me double, louée chez Europcar ; c’est un panneau publicitaire sur quatre roues qui proclame « Moving your way » (je ne sais pas ce que cela veut dire mais sans doute les Français le savent-ils…).

 

En tous cas les journalistes des mêmes Français ont vraiment un problème avec la prononciation et les consonances : il y a vingt ans, ils avaient inventé « Yeltsine » pour dire Eltsine, maire de Moscou. Aujourd’hui, ils se gargarisent avec « Rodgeur Fédérère », alors que ce brave renvoyeur de balles jaunes est Suisse et francophone.

Pourquoi tant de snobisme et de bling-bling ?

 

Tiens, il paraît que les magazines féminins de la rentrée 2014 s’en donnaient à cœur joie (source : Marianne du 12 septembre 2014) :

Le sportswear se faufile dans le daywear (Cosmo)

It-girl, it-shoes, it-bag, it-dressing, wanted, must have

Amish-chic (Glamour)

Le homeless-chic, c’est le nouveau street-cool (Madame Figaro ?)

Les carreaux cool se portent avec une touche de cute (Grazia)

 

Le franglais, nouvelle frontière du féminisme ?

Je regrette quant à moi la concierge de Boris Vian…

 

Les Français ont inventé le franglais, à défaut de savoir apprendre l’anglais. Même les journalistes les plus « parisiens » prononcent Rb&b « air-bi-inde-bi » (d’ailleurs le moteur Google indique : « Résultats, y compris pour airbnb.
Essayez avec l'orthographe rbnb uniquement ») et DJ, ils prononcent cela : « dii-djii ».

Et pourquoi donc utiliser short list ?

Irritant. On en viendrait presque à s'étonner que GPA et PMA ne soient pas des acronymes américains… Oui, et d'ailleurs pourquoi ne viennent-ils pas d'outre-Atlantique ?

Tiens voici une pub :

Pub Schweppes Marianne.jpg

La légende en anglais, est-ce utile ?

Vous savez que la loi exige sa traduction en français… vous la voyez, vous ? Elle y est, en caractères « blanc gris sur blanc », verticalement, sur le côté gauche… On se moque de qui ? Pourquoi les associations (personnes âgées ? déficients visuels ? autres ? tout le monde ?) ne portent-elles par plainte pour détournement de l’esprit de la loi ?

 

Pourquoi toutes ces newsletters, alors que nous avons lettre, gazette, circulaire, bulletin, voire feuille de chou, ce qu’elles sont souvent ?

 

Pourquoi accepte-t-on tout cela ?

 

Voilà donc pourquoi ce blogue existe et continue.

Modestement.

18/11/2014

États Dame (IV)

Je vois deux questions supplémentaires à se poser, les deux ayant plus ou moins la même origine.

La crise déclenchée par l’irresponsabilité des banques américaines, la finance mondialisée, la cupidité des ultra-riches, les purges imposées par les gars de Chicago qui en profitent pour régler leur compte aux États-providence hérités de la Seconde guerre mondiale, tout cela continue ses ravages en Europe…

Les épidémies qui frôlent la pandémie tous les cinq ans et déciment les continents pauvres…

La misère et la faim qui perdurent…

Les calamités naturelles, fruits de la fuite en avant industrielle depuis un siècle…

La biodiversité menacée, les paysages défigurés par les spéculateurs et promoteurs de tout poil…

Les consommateurs bafoués, roulés dans la farine, réduits au silence…

Les tyrannies, les massacres, l’interdiction de s’exprimer, de circuler, de s’associer…

L’intransigeance et l’expansionnisme religieux…

Le terrorisme, les guerres, les attentats…

Sans compter la main mise des transnationales sur l’économie, sur la démocratie, sur la vie privée, sur les États eux-mêmes…

 

Tout cela n’est-il pas bien plus important que ce combat pour la langue française, qui peut paraître, selon la sensibilité de chacun, d’arrière-garde, passéiste, de droite, nationaliste, rétrograde, dérisoire, pointilliste, boutiquier… et j’en passe.

Sans doute !

Mais chacun mène les combats qu’il peut, selon ses capacités et là où il pense être utile ; et se taire ne changerait rien aux fléaux précités. Sinon, pourquoi ne pas arrêter aussi la recherche, les loisirs, les beaux-arts, le sport, les promenades et surtout l'Opéra ?

 

Par ailleurs, dans la foire d’empoigne que matérialise internet et dans l’inflation de la communication qui caractérise notre époque, faut-il ajouter notre voix, si fluette, au concert ?

Il y a des millions de sites, de forums et de blogues ; chaque rentrée littéraire, ne serait-ce qu’en France, voit la publication de centaines de « premiers romans »…

Comment espérer être entendu ? comment prétendre être plus intéressant que les autres ?

On écrit un peu pour soi, un peu pour son cercle de familiers, un peu pour diminuer localement l’entropie (oui, oui, malgré l’inflation des publications, synthétiser et remettre de l’ordre, diminue, par définition, l’entropie !), un peu pour être repris, cité, démultiplié (on peut rêver…), un peu parce que se taire, ne pas agir, ne changerait rien au concert (si le quatrième violon ne joue pas, cela ne neutralise pas l’orchestre mais est-ce que cela l’améliore ?).

 

Et puis ça fait du bien de râler !

Enfant, je vibrais quand la radio retransmettait les lancements de Cap Canaveral (rebaptisé Cap Kennedy) ; le compte à rebours et les commentaires étaient en américain ; normal, la conquête de l’espace était américaine et ils conquéraient pour nous tous.

Aujourd’hui, on nous refait le coup de la découverte de l’univers et on en profite pour nous vanter l’excellence européenne ; las ! les cris de victoire à Darmstadt sont en anglais, langue largement minoritaire en Europe (c’est l’allemand la langue maternelle la plus répandue et le français est compris par beaucoup). L’Europe parle globish, on enrage.

17/11/2014

États Dame (III)

Chemin faisant (comme aurait dit Jacques Lacarrière), j’ai moi-même pris goût à l’acte d’écrire chaque jour un texte plus ou moins long mais avec la très grande liberté de choisir le sujet, le ton, l’accroche, l’angle d’attaque et la péroraison. Ne sous-estimez pas le temps que j’y passe ; non seulement pour saisir les extraits parfois copieux que je recopie « en bleu et gras » mais surtout pour rassembler les éléments, construire l’argument et conclure. Les titres et les plaisanteries, eux, viennent tout seuls.

De fil en aiguille, je me suis laissé aller à vagabonder dans l’actualité (de la langue), dans une critique (amateur) des livres que j’ai lus, dans la réflexion sur l’objet et l’intérêt de la littérature… Je suppose que certains lecteurs l’ont apprécié mais je n’en ai aucun écho. La pente est facile car la langue et sa défense peuvent vite entraîner vers la critique sociale, politique, économique : d’où vient l’empressement de nos dirigeants à donner à l’anglais une place officielle dans l’enseignement à l’université ? d’où vient le souci de Bruxelles et de Strasbourg à donner un statut aux langues régionales ? d’où vient la servilité face aux Américains ? d’où vient l’engouement de notre jeunesse pour leurs séries et films fantastiques produits à la chaîne ? Etc.

 

Reste le lectorat ; des quelques premiers lecteurs de la première heure, je suis passé à une moyenne de 35 visiteurs uniques, avec un pic à 64 (c’était hier). Il y a certainement là un effet de la mise en réseau et des moteurs de recherche.  Dans mes lecteurs, il y avait deux parties : les anciens collègues et amis d’une part, les habitués de l’hébergeur hautETfort d’autre part. S’y ajoutent certainement de façon ponctuelle, ceux qu’une recherche sur un mot ou une expression orientent vers l’un de mes billets ; en effet, si je publie, le lendemain de l’attribution du prix Renaudot, un titre contenant ce nom propre, je ne peux pas m’étonner que la fréquentation atteigne 64, et même 2 puissance 6…

Faut-il pour autant truffer mes titres de cailloux pour le Petit Poucet et établir des liens avec les réseaux sociaux ? Pour l’instant, je n’y suis pas prêt et je reste artisan. On verra bien.