20/11/2014
La littérature est-elle la solution ? (II)
Antoine Compagnon, dont je vous ai parlé le 14 novembre dernier, dans un billet concernant le rôle de la littérature, est un personnage étonnant.
De formation scientifique, et de la plus prestigieuse, il vire littéraire sitôt son diplôme en poche et devient professeur de littérature, en France et aux États-Unis, jusqu’à la consécration en 2006, quand il est coopté au Collège de France, à la chaire de « Littérature française moderne et contemporaine : Histoire, critique, théorie ».
Seul échec pour l’instant dans ce parcours parsemé de commissions, de présidences et de titres honorifiques, sa candidature à l’Académie française en 2013, est rejetée au profit de celle de Xavier Darcos ; je conçois que cela doit être particulièrement dur à encaisser. Autrefois, pour y être élu sans être un écrivain de renom ou un puits de culture, il fallait avoir été président de la république… aujourd’hui, il suffit d’avoir été ministre. Triste époque.
Antoine Compagnon excelle dans la vulgarisation, c’est un touche-à-tout, certainement boulimique. C’est peut-être ça que les Académiciens n’ont pas aimé. Il a animé sur France-Inter des séries de chroniques sur Baudelaire et Proust, sa spécialité.
Bref, voici la biographie d’Antoine Compagnon, telle que publiée sur le site du Collège de France.
Né le 20 juillet 1950 à Bruxelles, Belgique
DIPLÔMES
Ancien élève de l'École polytechnique
Ingénieur des Ponts et Chaussées
Docteur d'État ès lettres
PARCOURS
Pensionnaire de la Fondation Thiers, Attaché de recherche au CNRS, Linguistique et littérature françaises, 1975-1978.
Maître de conférences, École polytechnique, Département Humanités et Sciences sociales, 1978-1985.
Professeur, Institut français du Royaume-Uni, Londres, 1980-1981.
Maître-assistant, puis maître de conférences, Université de Haute-Normandie, Rouen, 1981-1985.
Professor of French, Columbia University, New York, 1985-.
Visiting Professor, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1986.
Fellow, John Simon Guggenheim Memorial Foundation, 1988.
Professeur, Université du Maine, Le Mans, 1989-1990.
Visiting Professor, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1990.
Blanche W. Knopf Professor of French and Comparative Literature, Columbia University, New York, 1991-.
Visiting Fellow, All Souls College, Oxford, 1994.
Professeur, Université de Paris-Sorbonne, 1994-2006.
Mais revenons à notre sujet : la littérature, à quoi ça sert ?
À suivre.
10:32 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
19/11/2014
États Dame (V)
Pour une ardoise « Heures joyeuses » aperçue dans un café de Levallois, combien d’agressions linguistiques chaque jour ?
C’est une affiche dans la même ville qui vante le « Shiny Burger » et traduit cela par « doré » en tout petits caractères.
Cinq minutes plus tard, une camionnette me double, louée chez Europcar ; c’est un panneau publicitaire sur quatre roues qui proclame « Moving your way » (je ne sais pas ce que cela veut dire mais sans doute les Français le savent-ils…).
En tous cas les journalistes des mêmes Français ont vraiment un problème avec la prononciation et les consonances : il y a vingt ans, ils avaient inventé « Yeltsine » pour dire Eltsine, maire de Moscou. Aujourd’hui, ils se gargarisent avec « Rodgeur Fédérère », alors que ce brave renvoyeur de balles jaunes est Suisse et francophone.
Pourquoi tant de snobisme et de bling-bling ?
Tiens, il paraît que les magazines féminins de la rentrée 2014 s’en donnaient à cœur joie (source : Marianne du 12 septembre 2014) :
Le sportswear se faufile dans le daywear (Cosmo)
It-girl, it-shoes, it-bag, it-dressing, wanted, must have…
Amish-chic (Glamour)
Le homeless-chic, c’est le nouveau street-cool (Madame Figaro ?)
Les carreaux cool se portent avec une touche de cute (Grazia)
Le franglais, nouvelle frontière du féminisme ?
Je regrette quant à moi la concierge de Boris Vian…
Les Français ont inventé le franglais, à défaut de savoir apprendre l’anglais. Même les journalistes les plus « parisiens » prononcent Rb&b « air-bi-inde-bi » (d’ailleurs le moteur Google indique : « Résultats, y compris pour airbnb. Essayez avec l'orthographe rbnb uniquement ») et DJ, ils prononcent cela : « dii-djii ».
Et pourquoi donc utiliser short list ?
Irritant. On en viendrait presque à s'étonner que GPA et PMA ne soient pas des acronymes américains… Oui, et d'ailleurs pourquoi ne viennent-ils pas d'outre-Atlantique ?
Tiens voici une pub :

La légende en anglais, est-ce utile ?
Vous savez que la loi exige sa traduction en français… vous la voyez, vous ? Elle y est, en caractères « blanc gris sur blanc », verticalement, sur le côté gauche… On se moque de qui ? Pourquoi les associations (personnes âgées ? déficients visuels ? autres ? tout le monde ?) ne portent-elles par plainte pour détournement de l’esprit de la loi ?
Pourquoi toutes ces newsletters, alors que nous avons lettre, gazette, circulaire, bulletin, voire feuille de chou, ce qu’elles sont souvent ?
Pourquoi accepte-t-on tout cela ?
Voilà donc pourquoi ce blogue existe et continue.
Modestement.
08:00 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
18/11/2014
États Dame (IV)
Je vois deux questions supplémentaires à se poser, les deux ayant plus ou moins la même origine.
La crise déclenchée par l’irresponsabilité des banques américaines, la finance mondialisée, la cupidité des ultra-riches, les purges imposées par les gars de Chicago qui en profitent pour régler leur compte aux États-providence hérités de la Seconde guerre mondiale, tout cela continue ses ravages en Europe…
Les épidémies qui frôlent la pandémie tous les cinq ans et déciment les continents pauvres…
La misère et la faim qui perdurent…
Les calamités naturelles, fruits de la fuite en avant industrielle depuis un siècle…
La biodiversité menacée, les paysages défigurés par les spéculateurs et promoteurs de tout poil…
Les consommateurs bafoués, roulés dans la farine, réduits au silence…
Les tyrannies, les massacres, l’interdiction de s’exprimer, de circuler, de s’associer…
L’intransigeance et l’expansionnisme religieux…
Le terrorisme, les guerres, les attentats…
Sans compter la main mise des transnationales sur l’économie, sur la démocratie, sur la vie privée, sur les États eux-mêmes…
Tout cela n’est-il pas bien plus important que ce combat pour la langue française, qui peut paraître, selon la sensibilité de chacun, d’arrière-garde, passéiste, de droite, nationaliste, rétrograde, dérisoire, pointilliste, boutiquier… et j’en passe.
Sans doute !
Mais chacun mène les combats qu’il peut, selon ses capacités et là où il pense être utile ; et se taire ne changerait rien aux fléaux précités. Sinon, pourquoi ne pas arrêter aussi la recherche, les loisirs, les beaux-arts, le sport, les promenades et surtout l'Opéra ?
Par ailleurs, dans la foire d’empoigne que matérialise internet et dans l’inflation de la communication qui caractérise notre époque, faut-il ajouter notre voix, si fluette, au concert ?
Il y a des millions de sites, de forums et de blogues ; chaque rentrée littéraire, ne serait-ce qu’en France, voit la publication de centaines de « premiers romans »…
Comment espérer être entendu ? comment prétendre être plus intéressant que les autres ?
On écrit un peu pour soi, un peu pour son cercle de familiers, un peu pour diminuer localement l’entropie (oui, oui, malgré l’inflation des publications, synthétiser et remettre de l’ordre, diminue, par définition, l’entropie !), un peu pour être repris, cité, démultiplié (on peut rêver…), un peu parce que se taire, ne pas agir, ne changerait rien au concert (si le quatrième violon ne joue pas, cela ne neutralise pas l’orchestre mais est-ce que cela l’améliore ?).
Et puis ça fait du bien de râler !
Enfant, je vibrais quand la radio retransmettait les lancements de Cap Canaveral (rebaptisé Cap Kennedy) ; le compte à rebours et les commentaires étaient en américain ; normal, la conquête de l’espace était américaine et ils conquéraient pour nous tous.
Aujourd’hui, on nous refait le coup de la découverte de l’univers et on en profite pour nous vanter l’excellence européenne ; las ! les cris de victoire à Darmstadt sont en anglais, langue largement minoritaire en Europe (c’est l’allemand la langue maternelle la plus répandue et le français est compris par beaucoup). L’Europe parle globish, on enrage.
08:00 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)


