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04/12/2014

Dis pas ci, dis pas ça (I)

Il y a trois ans, l’Académie française a ouvert sur son site internet, un espace appelé DIRE, NE PAS DIRE, dans lequel les internautes peuvent trouver les réponses argumentées à leurs questions sur la langue française.Les immortels.jpg

En septembre 2014, les Éditions Philippe Rey ont publié un livre éponyme qui rassemble les questions et réponses les plus courantes. Ce livre est fort intéressant.

Dans sa préface, Yves Pouliquen en profite pour protester du vif intérêt que l’Académie, malgré sa légende de belle endormie, porte « à l’usage fautif de notre langue, à sa contamination par des néologismes infondés tout autant que par des anglicismes eux-mêmes trafiqués ».

On ne peut pas être plus clair.

Et c’est même touchant de voir la Vieille Dame s’approprier ces mots de « courriel », « toile », « nuage », en français dans le texte !

Dominique Fernandez a sous-titré sa postface « Lettre d’amour à la langue française »… Il y rappelle que, grâce à Richelieu, ce ne sont pas les Académiciens qui sont immortels mais la langue française. Et, paraphrasant le célèbre aphorisme du Guépard, que celle-ci doit évoluer pour exister toujours. De ce fait, il justifie le travail de longue haleine mené par l’Académie pour examiner et réexaminer sans fin au cours des siècles, à travers son fameux Dictionnaire, la langue qui bouge sans cesse.

Sa passion va jusqu’à lui faire écrire de la langue française qu’elle est « capable d’exprimer les moindres nuances avec une précision et une finesse qu’aucune autre langue ne possède ». C’est une des questions que j’ai déjà posées dans ce blogue et dont je ne jurerais pas de la réponse ; à mon sens, il faudrait étudier les quelques milliers de langues que compte notre planète pour trancher valablement. Cette connaissance me manque… Je sais seulement que l’allemand, par exemple, a imposé dans le vocabulaire philosophique mondial quelques mots intraduisibles et acceptés tels quels (Weltanschauung par exemple) ; et je me demande en quoi l’italien et l’espagnol seraient moins aptes aux nuances que le français…

Mais bon, si l’Académicien le dit… et peu importe après tout ; nous n’avons pas besoin de nous croire supérieurs et uniques ; croyons simplement en notre langue et préservons-la.

D. Fernandez lui voit deux ennemis mortels : les néologismes et le langage des jeunes. Aux deux, il propose des remèdes raisonnables et modérés, une sorte de changement dans la continuité : adopter les termes acceptables et lutter contre les autres. Du coup, il pose le problème là où il est : quand accepte-t-on ? quand bannit-on ? Et il remet en selle l’Académie, haut lieu de réflexion, de débat argumenté et du dire final : DIRE, NE PAS DIRE. Bien joué, Domi !

Une fois qu’on a lu cela, le livre se lit comme un florilège ou on s’y reporte comme à un dictionnaire, au choix.

C’est le picorage de ses articles les plus savoureux ou les plus polémiques que je vous proposerai dans les billets suivants de cette série.

 

(Soit dit en passant, cette publication démode d’une certaine façon, pour ce qui du franglais, le PETIT DICO FRANGLAIS-FRANÇAIS d’Alfred Gilder, dont j’ai déjà parlé).

03/12/2014

Radio matutinale

La radio apporte chaque matin, même sur la langue française, son lot d’informations tantôt déprimantes, tantôt enthousiasmantes ou enrichissantes.

Danse moderne.jpg

 

 

Ce matin, Patrick Cohen s’est laissé aller à parler de dancefloor, à propos des Transmusicales de Rennes. C’est typique des cas d’emploi du franglais dans lesquels, justement, il n’y a aucune raison de le faire : le terme français ancestral « piste de danse » convient parfaitement, il n’est ni désuet ni connoté et, malgré la musique techno, il n’y a dans ce domaine aucune innovation technologique ou sociale qui pourrait justifier de recourir à un mot nouveau (étranger).

 

 

 

En écoutant la réalisatrice d’un film parler de son travail, j’ai pris conscience qu’aujourd’hui le tic verbal à la mode, c’est « voilà ». Quand on est à cours de vocabulaire, voire d’idée, au lieu de dire « euh… » comme il y a vingt ans ou « j’veux dire » comme il y a dix ans, on dit « voilà », et c’est censé résumer tout ce que l’on ne dit pas ; cela suggère aussi qu’il n’y a pas besoin d’en dire plus, que l’interlocuteur ou l’auditeur saura compléter lui-même. Comment et pourquoi ces tics se répandent-ils comme la grippe ? Comment naissent-ils ? Mystère.

Allez, assez parlé d’irritants !

La radio apporte aussi des informations réjouissantes ou stimulantes.

Ainsi Guillaume Galliene, qui cause littérature dans le poste chaque semaine, publie-t-il un livre sur les grands auteurs (Proust, Hugo…) : « Ça ne peut pas faire de mal » et, dans les disques qui l’accompagnent, il en lit des extraits.

Drapeau corse.pngEt Facebook, qui se réjouit des nouveaux « amis » que peuvent lui apporter les langues régionales, vient d’accepter le corse, après le breton. Les mots-clés ont été traduits (je les retranscris d’oreille car je ne maîtrise pas encore le corse) : calistreli pour cookie, ouritrakou di profilou pour profile… Pourquoi pas ? Mais les échanges qui se feront en corse, ne se feront pas au même moment en français ; dans le combat de Titans que se livrent pour survivre, les langues planétaires (anglais, français, espagnol, mandarin…), est-ce un avantage ou un talon d’Achille ?

Dans Wikipedia, où il ne s’agit pas de blablater ou de se montrer en maillot de bain mais de connaissances et de culture, le français tient son rang au niveau mondial quant au nombre de pages, heureusement.

 

PS. « matutinal » (XIIè siècle), du latin matutinum, matin.

02/12/2014

Écrire et relire

On n'en finirait pas de s'agacer...

Je sais bien que je peux lasser mes lecteurs à la fois avertis du problème et indemnes du défaut ; mais tant pis, je râle encore une fois.

On lit de plus en plus de textes truffés de fautes d'orthographe et de grammaire, ou plutôt - ne soyons pas méprisants - de coquilles. Quand il s'agit de journalistes, d'écrivains, de personnes diplômées, en effet, on n'imagine pas qu'ils aient oublié les règles, encore moins qu'ils ne les aient jamais apprises. Non, ce sont des coquilles (à propos, savez-vous que ce terme est fort ancien ? et pour trouver son origine, enlevez donc une consonne au milieu…).

Et les coquilles arrivent à tout le monde, simplement les gens ne relisent plus leur texte. Vite, aller toujours plus vite !

 

Premier exemple: le bouquin "Jours de collège" de Louise Cuneo et Sophie Delcourt (Bartillat, 2014). C'est le journal, reformulé par une journaliste, d'une prof. d'histoire débutante, Normalienne de formation, lors de sa première année dans un collège de banlieue parisienne en ZEP. Bien que toutes les difficultés racontées soient connues et aient fait l'objet de pas mal de livres déjà, c'est intéressant et déprimant ; quelle jeunesse ! et quelle misère sociale ! l'un expliquant sans doute l'autre.

Mais côté français, aïe, aïe, aïe : une coquille toutes les cinq pages, au moins ; articles ou conjonctions oubliés, "s" oubliés, phrases bancales...

Où est le temps où c'étaient des Normaliens, justement, qui corrigeaient la prose de leurs contemporains chez les éditeurs avant publication ?

Second exemple, pour ne pas être trop long : un éditorial en forme de réponse à un lecteur dans le journal d'un Comité d'entreprise envoyé aux salariés et retraités, appelés "bénéficiaires".

Rien de sert de paraphraser ni de geindre, je vous livre les phrases telles quelles.

"il m'arrive quelques fois d'y répondre" ; "tout juste un légitime devoir de réponse" ; "vous informant sur les activités" ; "en faveurs des bénéficiaires" ; "existe dans le sommaire quelques informations" ; "la décision d'être en capacité de communiquer" ; "mon incapacité grandi au fur et à mesure" ; "j'ai bonne mémoire contrairement à vos propos" ; "mon aptitude mémorielle personnelle" ; "quand à la sempiternelle lutte des classes" ; "en imposant un concept de désuétude de cette réalité" ; "voilà ce qui a desservie la conscience de classe" ; "de surcroit" ; "sachez que jamais je ne cesserais d'exhorter les valeurs qui sont miennes" ; "je suis perfectible comme tout à chacun" ; "par causalité, voilà pourquoi je fais référence…" ; "j'affectionne leurs citations" ; "qui a en charge de gérer vos activités" ; "des défauts que vous me permettrez de tenir secret" ; "je travaille à leurs extinction" ; "vous faites part, je vous cite…" ; "Et Alors ?" ; "les salariés n'on pas droit à offrir... ?" ; "est-il honteux de vendre Français ?" ; "votre emportement à vouloir virer…" ; "qui rêve lui a n'en pas douter" ; "m'insulter qu'en à la valeur de mon engagement" ; "mon parcours aux seins des entreprises" ; "les mandats tenus atteste" ; "je vous feras grâce des actions menées" ; "j'en arrêterais là de ma réponse" ; "tout à chacun puisse juger" ; "ce type d'échange ne fais en rien évoluer la problématique" ; "oublier toutes formes de politesses" ; "un Collègue, moi-même, qui a fait le choix" ; "je conclurais par ces propos"...

Certains ont dit qu'à 5-0, la Deutsche Mannschaft aurait dû lever le pied en demi-finale et éviter à la Selecaõ l'humiliation. De même, à un tel niveau d'accumulation de fautes (de coquilles) ce serait peut-être de la charité chrétienne de passer outre et de parler d'autre chose...

On a dit aussi que certains responsables syndicaux faisaient "exprès" de mal parler pour faire peuple. À l'opposé, on pourrait penser que notre éditorialiste a essayé de "faire intellectuel" et s'est mélangé les pinceaux...

Mais gardons l'idée que c'est de la précipitation, de la distraction, que ce sont des coquilles.

Quelle est donc la morale de cette histoire ?

D'abord qu'il faut relire après avoir écrit ; c'est une question de respect des futurs lecteurs ; cela permet aussi parfois de s'apercevoir que certaines idées ont été mal présentées et qu'il faut récrire certains passages.

Ensuite que la probabilité de laisser des coquilles augmente avec la longueur des phrases et la longueur du texte ; donc, être concis et faire des phrases courtes.

Pour moi, la sanction va être immédiate : comme j'étais en retard pour ce billet, je n'ai guère relu… à vos commentaires !