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07/12/2014

Dis pas ci, dis pas ça (IV)

Dans le petit bouquin de l’Académie, il y a encore les mots employés de travers :

« appétence », dont la terminaison en –ence fait savant, utilisé à la place de appétit (ou goût marqué ou désir).

« blindé (de monde) », correct dans le langage militaire et dans l’argot au sens de « endurci, protégé » mais à éviter dans le langage courant au sens de « plein, rempli » !

Le fameux « au temps pour moi », dont la graphie courante « autant pour moi » est déconseillée, à la fin d’un article assez peu clair.

Les tournures boursouflées « au niveau de l’horaire », « au plan international », « à la base, je pensais avoir raison », « à l’endroit d’un tel crime », alors que l’on peut (doit) dire « quant à l’horaire », « sur le plan économique », « dans un premier temps, je pensais avoir raison » et « pour un tel crime ».

L’archi-pléonasme « au jour d’aujourd’hui » (il y a trois fois la même notion temporelle, puisque « hui » vient du latin hodie, jour) bizarrement tolérée du bout des lèvres…

Les yeux porcins de l’éleveur de porcs… et la carte électorale qui est de bien plus grandes dimensions que la carte d’électeur.

Le vernis de juridisme qui s’attache à « acter », qui ne doit justement s’employer que dans l’expression « acter une décision » mais sûrement pas dans « acter des avancées ».

Un train.jpgL’insupportable jargon de la SNCF qui masque ses retards et ses éventuelles turpitudes par ses sempiternels « accidents-voyageur » : cette apposition intempestive est ambiguë et par là contraire à l’esprit et aux règles de la langue. Rien de moins ; nul doute que la SNCF en tremble encore !

 

 

 

Le français, ce n’est pas si difficile que cela ; restons simples !

06/12/2014

Dis pas ci, dis pas ça (III)

Ensuite, il y a évidemment le gros morceau du franglais et de tous ces mots qui permettent de frimer : brief, débriefer, buzz, booster, overbooké, surbooké, blacklister, best-of (pour se limiter aux lettres A et B ; le reste, comme disaient mes profs de Terminale, je vous laisse le voir à la maison…).

Un gentleman anglais.jpgLà-dessus, je trouve que l’Académie n’est pas très bonne… à la fois trop timorée, paralysée par son impuissance (comment lutter contre un tsunami, tout en disant que ce n’est qu’une tempête ?) et surtout, feignant d’ignorer que proposer, par exemple, de remplacer « être surbooké » par « n’avoir aucun moment de libre », c’est peine perdue… Qui osera, dans une ambiance de travail où il importe avant tout de montrer qu’on est dans le coup, utiliser ce genre de périphrase qui paraîtra pédante ou désuète ?

C’est un manque d’imagination ou un manque de travail sur le sujet ; il faut proposer aux francophones de bonne volonté des transpositions concises, pertinentes, efficaces. Il faut s’intéresser aux connotations, aux nuances, attachées à chaque mot car les Français y sont hypersensibles, contrairement aux Américains qui utilisent « Windows » quotidiennement sans état d’âme : s’il s’agit de désigner quelque chose d’un peu nouveau ou d’un peu différent, il leur faut un mot à part. Sur ce sujet-là, le PETIT DICO d’Alfred Gilder est bien meilleur.

Bon, je vous donne quand même les emplois recommandés pour la liste de termes franglais ci-dessus : réunion préparatoire, faire le bilan, rumeur / bourdonnement / bouche à oreille, augmenter / stimuler / développer / accélérer, figurer (être) sur (une) liste noire, florilège / le meilleur de / sélection.

Mais l’Académie consacre aussi un article entier aux anglicismes. Et que dit-elle ?

Que parler d’une invasion est excessif…

Que les emprunts à l’anglais sont un phénomène ancien (merci, on le savait… et alors ?). Et de citer une demi-douzaine de mots banals avec leur période d’entrée dans notre vocabulaire.

Qu’en plus des emprunts de mots, il y a des « emprunts sémantiques », qui donnent une nouvelle acception à des mots français existants comme « conventionnel » ou « négocier ».

Et aussi des réintroductions (coach, challenge…) et des calques (guerre froide, cols blancs et cols bleus, homme de la rue…).

Et elle admet que le phénomène s’est accéléré depuis cinquante ans.

Les chiffres sont intéressants : le Dictionnaire des anglicismes en dénombrait 3000 en 1990. Comme le vocabulaire courant comprend 60000 mots, cela ferait 5 % d’anglicismes mais l’Académie divise le ratio par deux, arguant que la moitié seraient déjà vieillis ! Cela étant, le Dictionnaire des mots anglais du français en dénombre 5 % en 1998… Raté !

Quand on veut aboutir à un résultat, tous les moyens sont bons : l’Académie décrète alors que beaucoup de ces mots sont peu fréquents dans la langue courante, cantonnés qu’ils seraient dans des domaines spécialisés !

Le Dictionnaire de l’Académie française, quant à lui, en est à 38897 mots répertoriés pour l’instant, et sur ce total, il ne décèle que 686 mots d’origine anglaise (soit 1,76 %), à comparer avec 753 mots d’origine italienne (Viva Italia)… ça ne m’étonne plus que Zidane se soit fâché très fort en finale ! L’arabe, en l’occurrence, fournit 224 mots (0,58 %). C’est à croire que l’essentiel des mots empruntés commencent par une lettre de la deuxième moitié de l’alphabet.

Bonne fille, l’Académie concède tout de même qu’il faut surveiller certains abus comme la propension à multiplier les tournures passives, les constructions en apposition et les nominalisations. ; et qu’on « emploie un anglicisme vague pour ne pas se donner la peine de chercher le terme français existant parmi plusieurs synonymes ou quasi-synonymes » : par exemple, « finaliser », « performant », « collaboratif », « dédié à » ou pire encore, dit-elle, « cool », « speed », « fun », etc.

On en est à la quatrième page de l’article que l’Académie, qui pense qu’il n’y a pas d’invasion, en rajoute en abordant les emprunts inutiles : « feedback », « speech », « customiser », « news »… sans que l’on comprenne très bien ce qui distingue cette nouvelle catégorie des précédentes. Elle se réjouit de constater, à la suite de R. Étiemble, que « starter », « speaker », « lift » et d’autres ont disparu, comme, pense-t-elle, « pitch » et « afterwork ».

Elle savoure le fait que l’on utilise ordinateur, logiciel, vidéo à la demande, biocarburant, voyagiste (ah bon ?), covoiturage, monospace, navette, passe (le badge, pas les maisons). Mais justement, c’est le résultat, souvent excellent, d’une lutte acharnée contre l’invasion, par quelques esprits inventifs et pertinents ! La défense du français, combien de divisions ?

05/12/2014

Dis pas ci, dis pas ça (II)

Bon, allons-y !

Je vais faire une sélection des entrées du livre qui recoupent le plus les thèmes de ce blogue ou qui, a contrario, font débat, sachant que la rubrique DIRE, NE PAS DIRE est accessible in extenso sur le site de l’Académie.

Bicyclette.jpgIl y a d’abord les grands classiques, ceux que nous ont répétés nos professeurs de lycée : on roule à bicyclette et on va en voiture car personne n’est jamais entré dans une bicyclette, sauf des chauffards justement. Et idem pour à cheval, à skis, en train, en bateau. On apporte un gâteau et on amène un enfant à l’école. Mais l’eau est amenée par des conduites car il y a l’idée de « conduire », de « transporter une chose en un lieu ». La demoiselle habite chez ses parents (oh… !), on va chez Désérable et fils, au Bon marché, à la Samaritaine, chez Toyota, chez Leclerc ou à Leclerc, voire au Leclerc ; bref, pas beaucoup de règles intangibles. « Après que » est suivi de l’indicatif car l’issue en est connue, contrairement à « avant que », qui implique une éventualité. On dit « finalement », tout bêtement et non pas « au final ». « Baser sur », transposition de l’anglais based on, ne doit s’employer que dans le domaine militaire (« Des troupes ont été basées sur la frontière entre la Russie et l’Ukraine »). Sinon, on écrit : « une théorie établie sur des faits incontestables », « une prospérité fondée sur l’industrie et l’agriculture ». On postule, on ne candidate pas !

Tout cela, c’est le hors d’œuvre, c’est bonnard.