22/11/2014
Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile
Voici du positif ce matin, et cela concerne les enfants et les jeunes, notre avenir.
D’abord le père Hugo (1802-1885), qui au retour d’un bagne qu’il visitait, a écrit :
Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.
Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt.
Dieu, le premier auteur de tout ce qu'on écrit,
A mis, sur cette terre où les hommes sont ivres,
Les ailes des esprits dans les pages des livres.
Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut
Planer là-haut où l'âme en liberté se meut.
L'école est sanctuaire autant que la chapelle.
L'alphabet que l'enfant avec son doigt épelle
Contient sous chaque lettre une vertu ; le cœur
S'éclaire doucement à cette humble lueur.
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu'il puisse vous suivre.
La nuit produit l'erreur et l'erreur l'attentat.
…
Notons que ce maître en écriture emploie le verbe « enseigner » à la forme transitive, comme to teach someone en anglais…
Notons surtout que son poème (« Écrit après la visite d'un bagne ») nous ramène à notre sujet « À quoi sert de lire ? » et de quelle manière.
Et remercions Patrick Cohen qui l’a fait lire hier matin pendant son 7-9, sur France Inter.
Ensuite les jeunes ; en tous cas, ceux que j’ai rencontrés autour des doubles croches de « Valdez in the country » ; ils devisaient, avec conviction, sur les œuvres au programme de leur cours de français. Les unes adoraient « Le Cid », un garçon était plutôt « Maupassant », les quatre s’étaient passionnés pour « L’aiguille creuse » de Maurice Leblanc et la découverte d’Étretat, comme nous-mêmes l’avions fait au même âge, et nos enfants aussi. C'est Jean d'O. qui va être content.
Merveilles de la littérature indémodable et de la jeunesse motivée, qui assure la continuité de l’esprit français et de son amour des grandes œuvres !
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21/11/2014
Patriii…ck !
Hier matin, 20 novembre 2014, France Inter recevait dans la Matinale le député Yann Galut au sujet des détournements fiscaux opérés par le Luxembourg depuis vingt ans et qui font l’actualité depuis que le G20 avance sur la question et que… le Premier ministre luxembourgeois de l’époque est président de la Commission européenne. (Vous remarquerez que je mets une majuscule à C, pour distinguer l’institution du mot générique « commission », mais pas à « européen », puisqu’il s’agit d’un adjectif et que nous ne pratiquons pas comme les Anglais).
Merci d’abord aux électeurs du Cher qui élisent et réélisent M. Galut qui, au lieu d’entretenir des villas aux Antilles ou au Maghreb, essaye de moraliser la vie des affaires et de faire rendre gorge aux fraudeurs du fisc.
Merci ensuite à l’excellent journaliste Patrick Cohen qui, au moment de faire expliquer le mécanisme de détournement au moyen des tax rulings, s’est soucié des allergiques à l’anglais, à 4 min 25 du début de l’entretien et a donc signalé que ce mécanisme avait un nom français, en vérité fort ancien : le rescrit fiscal. Ce qui, par effet d’entraînement, a encouragé le journaliste de France 3, Édouard Perrin, à préciser que cela pouvait aussi s’appeler « accord fiscal anticipé »…
Et alors là, stupeur qui ne surprendra pas mes fidèles lecteurs : les termes français, surtout le second, sont immédiatement compréhensibles par la concierge de Boris Vian, le négociant-voyageur du Cézallier et le schlitteur des ballons des Vosges !
Mais oui, c’est tout simple : on se met d’accord, préalablement, avec l’administration fiscale du pays d’accueil souhaité, sur un taux d’imposition. Une fois qu’elle a accepté la proposition, roule ma poule et ni vu ni connu, on prive le fisc français de milliards d’euros de recettes (Yann Galut parle de 100 Md€ par an !).
Donc, utiliser les mots français quand on est Français et qu’on parle à des Français, sur une radio de langue française qui s’appelle France Inter, non seulement ça ne fait de mal à personne mais ça rend les choses simples. C’est un peu comme le carry back (report de charges sociales), dont j’avais parlé dans un de mes premiers billets.
Seul inconvénient : l’expert perd un peu de gloriole (surtout dans sa tête à lui d’ailleurs) quand il se met à parler comme tout le monde.
En fait, il y en a un autre, d’inconvénient : quand on abandonne ce vocabulaire anglais, on abandonne par la même occasion la novlangue (voir mon billet sur la QRL) ; et alors, un chat s’appelle un chat : si quelqu’un ne paye pas tout de suite ses charges sociales, c’est un autre qui doit payer pour lui, et idem pour les impôts. Le fraudeur est démasqué et la faute en pleine lumière.
Merci, Patriii…ck !
Bibliographie :
trois livres très instructifs sur le sujet (la fraude fiscale généralisée) :
Yann Galut "Le pillage de l'État - un député sur la piste des évadés fiscaux" Flammarion, 2013
Nicolas Dupont-Aignan "Les voleurs de la République - enquête sur les parasites fiscaux", Fayard, 2013
Gabriel Zucman "La richesse cachée des nations - enquête sur les paradis fiscaux", Seuil, 2013
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20/11/2014
La littérature est-elle la solution ? (II)
Antoine Compagnon, dont je vous ai parlé le 14 novembre dernier, dans un billet concernant le rôle de la littérature, est un personnage étonnant.
De formation scientifique, et de la plus prestigieuse, il vire littéraire sitôt son diplôme en poche et devient professeur de littérature, en France et aux États-Unis, jusqu’à la consécration en 2006, quand il est coopté au Collège de France, à la chaire de « Littérature française moderne et contemporaine : Histoire, critique, théorie ».
Seul échec pour l’instant dans ce parcours parsemé de commissions, de présidences et de titres honorifiques, sa candidature à l’Académie française en 2013, est rejetée au profit de celle de Xavier Darcos ; je conçois que cela doit être particulièrement dur à encaisser. Autrefois, pour y être élu sans être un écrivain de renom ou un puits de culture, il fallait avoir été président de la république… aujourd’hui, il suffit d’avoir été ministre. Triste époque.
Antoine Compagnon excelle dans la vulgarisation, c’est un touche-à-tout, certainement boulimique. C’est peut-être ça que les Académiciens n’ont pas aimé. Il a animé sur France-Inter des séries de chroniques sur Baudelaire et Proust, sa spécialité.
Bref, voici la biographie d’Antoine Compagnon, telle que publiée sur le site du Collège de France.
Né le 20 juillet 1950 à Bruxelles, Belgique
DIPLÔMES
Ancien élève de l'École polytechnique
Ingénieur des Ponts et Chaussées
Docteur d'État ès lettres
PARCOURS
Pensionnaire de la Fondation Thiers, Attaché de recherche au CNRS, Linguistique et littérature françaises, 1975-1978.
Maître de conférences, École polytechnique, Département Humanités et Sciences sociales, 1978-1985.
Professeur, Institut français du Royaume-Uni, Londres, 1980-1981.
Maître-assistant, puis maître de conférences, Université de Haute-Normandie, Rouen, 1981-1985.
Professor of French, Columbia University, New York, 1985-.
Visiting Professor, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1986.
Fellow, John Simon Guggenheim Memorial Foundation, 1988.
Professeur, Université du Maine, Le Mans, 1989-1990.
Visiting Professor, University of Pennsylvania, Philadelphia, 1990.
Blanche W. Knopf Professor of French and Comparative Literature, Columbia University, New York, 1991-.
Visiting Fellow, All Souls College, Oxford, 1994.
Professeur, Université de Paris-Sorbonne, 1994-2006.
Mais revenons à notre sujet : la littérature, à quoi ça sert ?
À suivre.
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