15/12/2014
En passant par la Lorraine (II)
Tout cela est fort bien expliqué dans l’Histoire chronologique de la Lorraine de Laurent Martino (Éditions Place Stanislas, 2009).
Malheureusement, son Préambule est parsemé de fautes de français et de formules bizarres.
Cela commence par « une relation particulière au temps », par « connaître cette trame au préalable de tout étude » et par « la démarche est de questionner le nom des rues… »…
Ensuite il écrit : « les échos du passé qui raisonne encore maintenant » !
« La mémoire est sélective, et mélange quelquefois les époques ».
« Embrasser tous les thèmes est un désir fort »
Le paragraphe qui exclut la préhistoire et fait débuter le récit à la protohistoire est nébuleux : « La borne chronologique de fin, repoussée jusqu’à une temporalité proche de nous, peut amener à discussion » : n’y a-t-il pas moyen de s’exprimer plus simplement ?
« L’extension chronologique… conduit une évolution dans la sélection des événements »… ?
« la continuité du temps est indéniable… » : le contraire nous eût fort étonnés !
« des carcans hermétiques » : on frise le pléonasme.
« le temps est découpé en trois strates aux rythmes différents mais imbriqués » : bigre…
« un temps moyen, celui des parties »… ? que doit-on comprendre ?
Bizarrement, cet historien est très malhabile quand il s’agit de parler de sa méthode de travail, de son métier. Mais heureusement, dès le chapitre suivant, le premier, l’Introduction, il brosse un tableau synthétique de l’histoire de la Lorraine, et c’est lumineux. L’ouvrage est bien illustré et le ton alerte.
En fait, l’écriture approximative réapparaît de ci de là au fil des chapitres.
Plus loin dans le texte, on trouve pareillement :
… Période où, pour les hommes de la Renaissance, tout est moyen.
Un concile… se tient à Tusey, un écart de Vaucouleurs.
La Francie occidentale se pare du seul terme de Francie.
Page 22 : aucun fonctionnaire, aucune légion ne séjournent continuellement sur notre espace.
Page 24 : Ils viennent, attirés par les richesses du territoire gaulois (l’apposition n’est pas incorrecte mais la concision fait ici une phrase dont le verbe, intransitif, n’a pas de complément de lieu ; cela sonne bizarrement).
Ce changement apparaît d’abord dans les structures, digne de la proto-industrie (l’absence de « s » fait penser que c’est le changement qui est digne ?).
« puis » n’est jamais précédé de la virgule qui pourtant s’impose, contrairement au célèbre « mais où et donc Ornicar ».
L’eau et le bois s’avèrent en abondance.
Page 31 : (Il) conquiert les quatre cités actuellement Lorraine.
Page 32 : Il est choisi car possède les qualités militaires adéquates (l’absence de répétition du sujet « il » est peut-être un simple oubli).
Page 34 : pour les Romains, est barbare juste celui qui est étranger.
Page 35 : Autour, on défriche la forêt, prémisse de l’agglomération (double ellipse, peut-être involontaire, et c’est le plus grave ; une prémisse ne peut se rapporter qu’à un substantif, pas à une expression verbale, et de même ne peut annoncer qu’une action, pas un objet – l’occurrence ici l’agglomération).
Page 38 : Le souverain viendra moins dans cette résidence, tachée du souvenir de la mort de son épouse aimée (j’aurais écrit « entachée »).
Page 48 : La dynastie carolingienne… perpétrée à l’ouest (j’aurais écrit « perpétuée »).
Page 49 : un accord qui rend officiel l’appartenance à… (j’aurais écrit « officielle »).
Page 50 : Cette terre des évêques forme ce qui convient de nommer l’évêché… (Il fallait écrire « ce qu’il convient » ; c’est une faute fréquente, due à l’euphonie, et déjà mentionnée dans l’un de mes billets Dis pas ci, Dis pas ça).
Page 53 : Nous abandonnons progressivement la Basse Lotharingie pour se concentrer sur la Haute Lotharingie, berceau de ce qui devient la Lorraine (« nous » concentrer et « deviendra »).
Page 56 : Des machines de siège que chaque camp a emmené. Victorieux le roi de France emmène en captivité le duc… (le premier « emmené » est incorrecte, parce que, nous lecteurs, sommes sur le champ de bataille ; il fallait donc écrire « amener » - et non pas « apporter » puisque l’idée est de conduire ces machines, que l’on ne peut pas porter sur son dos ! Le second « emmène » est correct, puisque l’Empereur part avec son prisonnier).
Page 58 (dans l’encart) : …il n’en existe…, puis trois fois plus avant la fin querelle des investitures pour arriver au XIIIè siècle à un maillage très serré de maisons fortes de tous genres qui les rend impossible à lister (il manque « de la » avant « querelle » mais ce ne rend guère la phrase plus limpide… Quant à « impossible », c’est un adjectif, qui doit s’accorder).
Un chevalier qui la tient en fief et l’occupe avec sa famille (est-ce une expression consacrée dans la discipline historique ?).
Chaque prince en construit plusieurs (châteaux)…, pour en marquer sa présence et son autorité (il fallait écrire « y marquer » pour renvoyer aux châteaux ou bien « pour marquer à travers eux » pour renvoyer à la présence et l’autorité).
… comme un pont où les vallées sont toujours très convoitées… (je ne savais pas qu’il y avait des vallées dans les ponts…).
Eudes, qui est un temps pressenti à cet honneur (pour cet honneur, que diable !).
Page 59 : Incohérence entre la chronologie dans le corps du texte (le Pape s’appelle Léon X) et l’encart (le Pape a régressé car on l’appelle maintenant Léon IX). Retenons en passant qu’il était évêque de Toul et qu’il s’appelait Brunon de Dabo… dans toute cette Histoire à rebondissements permanents, il y aurait matière à d’innombrables Romans de la Rose !
On n’en est qu’à la page 59 et le livre en compte 209…
Allez, c’en est trop, j’écris à l’auteur, aux bons soins de son éditeur.
08:00 Publié dans Histoire et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
14/12/2014
En passant par la Lorraine (I)
La Lorraine a longtemps été coincée entre la France et l’Allemagne actuelles ; c’est un territoire de passage, donc ravagé par les envahisseurs tout au long de son histoire. Avant (la préhistoire), on n’a guère d’information ; tout commence donc avec les Celtes, venus de l’Est, que les Romains appelleront les Gaulois ; les Celtes, bousculés par les Alamans dans les années 50 (avant Jésus-Christ), les appellent au secours, justement, ces Romains ; ce sera la Pax romana jusqu’en 250. Mais après les invasions recommencent et s’enchaînent : Alamans, Francs et même les Huns… La Lorraine, en ce temps-là, est partagée en trois peuplades, dont les Leuques au sud (vers la Bourgogne). Un roi franc, Clovis, met tout le monde d’accord, le temps d’un règne ; ensuite, ce sont les successions, les coups bas et l’impuissance des Mérovingiens, jusqu’à ce que le (premier) grand Charles (Charlemagne) unifie l’Europe : la Lorraine est centrale et balance entre attirance romane et attirance germanique, y compris quant à sa langue. Au cours de siècles, Metz et Nancy, après Verdun, Bar et Toul, se disputent la préséance ; ce n’est donc pas qu’une histoire d’autoroute courbe et de ligne de TGV mi-chèvre mi-chou… De même, le caractère germanique du dialecte de Moselle, au Nord, n’est pas une conséquence de la défaite de 1870 mais remonte bien plus loin.
La Renaissance, l’époque classique et le siècle des Lumières voient une longue rivalité entre la Lorraine et la France des monarques absolus, qui alterne ruses diplomatiques et coups de force : René d’Anjou, placé par la France à la tête du Duché, affirme son indépendance en battant Charles le Téméraire (Duc de Bourgogne), Charles III embellit Nancy, il y a une université à Pont-à-Mousson, Charles IV essaie de résister à Louis XIV qui s’installe à Nancy, la guerre de Trente ans ravage la Lorraine. Enfin l’apothéose avec le Duc Léopold, qui fait construire un château à Lunéville, réplique de Versailles et de Trianon, avec des bassins, des kiosques, des cascades, des automates. La Lorraine confirme sa place de haut lieu culturel, où règne la liberté et la créativité.
C’est le dernier Duc de la dynastie… car survient un coup diplomatique inimaginable : Stanislas Leckzinsky, chassé deux fois du trône de Pologne et qui erre en Europe, a le bon goût de devenir le beau-père de Louis XV ; pour le recaser, à la façon d’un quelconque ministre des temps modernes, on persuade le Duc de Lorraine François III qu’il serait mieux en Toscane ; il y va donc sous le nom de François II ; en fait, fils de l’Empereur d’Autriche-Hongrie, il lorgne surtout sur l’Empire, qu’il finit par obtenir sous le nom de François Ier (c’est la compatibilité descendante chère à Apple…). La place est donc libre pour Stanislas qui devient Duc de Lorraine, à la condition que celle-ci soit rattachée au royaume de France à sa mort ; je ne suis donc français que depuis 1766, bien après les Alsaciens…
La Révolution partage la Lorraine en quatre départements, dont les Vosges et, malheureusement, comme partout, détruit et disperse nombre de monuments et de chefs d’œuvre.
Dans les premières années du XXè siècle, la Lorraine brille encore en devenant un des foyers majeurs de l’Art nouveau grâce à Louis Majorelle et les artistes et artisans qui l’entourent : ce sera l’École de Nancy.
08:00 Publié dans Histoire et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
13/12/2014
Taille des caractères, absence de lettres et mémorisation
J’ai trouvé sur le site hautETfort qui m’héberge, ce billet étonnant.
Écriture de cochon et manuels scolaires
Amis des paradoxes, bonjour!
Aujourd'hui vous serez servi avec un résultat de psychologie cognitive pour le moins surprenant, que Daniel Oppenheimer de l'université de Princeton a fait paraître dans la revue "Cognition".
Il se résume ainsi :
Si vous voulez que votre lecteur mémorise mieux le message écrit que vous lui communiquez, rendez-le difficile à lire.
Vous avez bien lu : Écrivez comme un cochon et votre texte sera mieux retenu !
Les expériences menées par M.Oppenheimer et son équipe sont plutôt simples : ils ont donnés des textes bien chosisis à lire à leurs cobayes en variant la taille et le style de la police de caractère "12-point Comic Sans MS 75% gris" et "12-point Bodoni MT 75% gris" pour les uns, "16-point Arial Black" pour les autres. Cela donne à peu près cela:
12-point Comic Sans MS 75% gris : est-ce lisible et pratique pour apprendre la physique ?
16-point Arial Black : est-ce lisible et pratique pour apprendre la physique ?
On pose ensuite des questions aux lecteurs, et, contre toute attente, 72,8% de ceux qui avait la version la plus lisible répondent correctement contre 86,5% pour les autres!
Les chercheurs ont ensuite proposés des tests basés sur le même principe dans des lycées et ont obtenus des résultats similaires avec les élèves.
Une des conséquences éducatives et pédagogiques : il faut rendre les manuels scolaires moins lisibles !
Réduire la taille des caractères et utiliser moins d'encre favorisera la mémorisation Et fera des manuels plus petits, moins lourds et plus écologiques !!
Naturellement, je ne suis pas d’accord !
La lisibilité est un impératif, et pour y prétendre, il faut soigner la forme, à savoir l’orthographe, la grammaire et la typographie. L’objectif n’est pas d’entraîner des nageurs de combat ou des cosmonautes, mais de donner envie, de donner du plaisir, d’inciter à l’effort de réflexion et d’imagination, et pour cela il faut du confort.
Il y a eu des expériences, un peu différentes mais allant dans le même sens (à savoir "ne vous fatiguez pas trop, braves gens, cela n’en vaut vraiment pas la peine"…), sur la graphie des mots. Certains ont démontré que, avec des mots courts, oublier une ou deux lettres n’empêche pas de comprendre les mots ; ils ont peut-être derrière la tête d’accompagner la tendance actuelle à minimiser les efforts et à éviter au maximum les contraintes sur la sacro-sainte liberté… Ma réponse est la même : faisons tout, au contraire, pour augmenter la lisibilité ; c’est la liberté (et le confort) du lecteur qu’il faut viser, non celles du rédacteur !
08:00 Publié dans Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (0)