23/12/2014
Dis pas ci, dis pas ça (VIII)
La lettre F du bréviaire commence par un tic franglais typique : imiter les formules américaines. En l’occurrence, le fameux « ça fait sens », qui n’a aucune justification puisqu’en français, nous avons « ça a du sens ». Pas besoin non plus de « ça fait problème », il nous suffit de dire « ça pose un problème » ou « ça va poser un problème », « ça crée un problème », « ça constitue un problème ».
F comme « femmes »… L’Académie consacre un long paragraphe à l’opportunité et la faisabilité de féminiser les titres et les métiers. C’est amusant quant à l’histoire des idées et de la langue : grosso modo, les Pouvoirs publics, gouvernements de gauche en tête, sont pour et l’Académie est contre, avec un argument habile à défaut d’être complètement convaincant (« C’est le féminin qui est le genre de la discrimination » !). Il faudrait mettre cela sous les beaux yeux de Najat…
Plus exactement, l’Académie est pour une féminisation prudente et limitée, respectant les règles de la langue. Donc, banco pour institutrice, laborantine, écuyère et chercheuse ; haro sur chercheure, professeure ou auteure car le féminin des mots en –eur est –euse ou –trice. Et, concernant les titres, grades et fonctions, elle est carrément opposée à leur féminisation et prêche pour le « genre non marqué ». L’incohérence linguistique menace !
Mes lecteurs se doutent bien que « finaliser », employé comme l’anglais to finalize (achever, conclure, terminer), est banni. Mais ils ignorent peut-être que, dans les sciences humaines, il est autorisé, dans le sens de « assigner un but à quelque chose ».
Pour contrecarrer l’expansion de l’affreux mot flyer, l’Académie raconte un fait d’histoire émouvant : au XIXe siècle, les Grecs, en lutte pour leur indépendance, avaient appelé d’une expression française, « feuilles volantes », les tracts que les intellectuels français Hugo, Chateaubriand, Lamartine et l’imprimeur Firmin Didot leur avaient permis d’imprimer pour appeler au soulèvement. On peut aussi utiliser « prospectus » mais ce serait dommage de ne pas renvoyer l’ascenseur à nos amis grecs, inventeurs de la démocratie.
Pour terminer ce chapitre, j’avoue que j’ai été étonné qu’il n’aborde pas le cas du substantif « futur », calque de l’anglais future… Quelqu’un m’a dit un jour qu’il ne voyait pas le problème, puisque « le futur » pouvait correspondre à « futur » comme « le passé » correspond à « passé ». Mouais… sauf qu’en français, on dit l’avenir !
08:22 Publié dans Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
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