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08/01/2015

Pour la défense de la liberté d'expression et de l'esprit français...

Pas de billet aujourd'hui, jour de deuil national, en hommage aux journalistes de Charlie Hebdo, aux policiers et à Bernard Maris, sauvagement assassinés à Paris.

Les chipoteries sur la langue s'effacent devant plus grave qu'elles : la liberté d'expression, la vie, la mort.

Mais la défense de l'esprit français n'est pas loin : caricaturer, moquer, rire de tout...

                      pour éviter d'en pleurer

Je me presse de rire de tout avant d'être obligé d'en pleurer

Le Barbier de Séville, Beaumarchais

Bernard Maris.jpg

 

Je savourais l'azur, le soleil éclatant,

Paris, les seuils sacrés, et la Seine qui coule,

Et cette auguste paix qui sortait de la foule.

Dès lors pourtant des voix murmuraient : Anankè.

Je passais ; et partout, sur le pont, sur le quai,

Et jusque dans les champs, étincelait le rire,

Haillon d'or que la joie en bondissant déchire.

Le Panthéon brillait comme une vision.

La gaîté d'une altière et libre nation

Dansait sous le ciel bleu dans les places publiques ;

Un rayon qui semblait venir des temps bibliques

Illuminait Paris calme et patriarcal ;

Ce lion dont l'œil met en fuite le chacal,

Le peuple des faubourgs se promenait tranquille.

Le soir, je revenais ; et dans toute la ville,

Les passants, éclatant en strophes, en refrains,

Ayant leurs doux instincts de liberté pour freins,

Du Louvre au Champ-de-Mars, de Chaillot à la Grève,

Fourmillaient...

Victor Hugo

Les Contemplations

Lueur au couchant (extrait)

juillet 1855

 

(Anankè : fatalité en grec)

07/01/2015

L'harmonie du style selon G. Grente (I)

« L’harmonie du style est le sens du rythme ».

Pour un musicien, cette phrase n’a pas de sens, justement… Mais l’explication qui suit est claire : « Elle consiste à équilibrer les phrases et allier les mots, de manière à ne choquer l’oreille par aucune dissonance et à la charmer par une cadence musicale ». Bien que la cadence ait un sens bien particulier en musique, on comprend que l’harmonie du style implique à la fois les sons et le rythme.

« Les phrases, même les plus simples, sont soumises aux lois de l’harmonie ». G. Grente définit la « période » comme « une phrase dont le sens général, maintenu et prolongé à travers les différentes propositions qui la constituent, s’achève seulement au dernier mot… Une phrase courte peut être « périodique » et une longue phrase ne l’être point ». Là, ce sont les électriciens qui tiquent (quid du 50 Hz ?)…

D’où les règles à respecter pour qu’une phrase soit harmonieuse :

§  Répartir les membres de la période de telle sorte que la voix, en les parcourant, rencontre sans effort les repos nécessaires ; ne pas multiplier les incises, ne pas les attacher « en grappe » ;

§  Respecter l’équilibre et la symétrie ; qu’il n’y ait dans la phrase ni excroissances ni lézardes.

 

Ce qui donne à la période son prix, c’est l’aisance de l’allure et l’harmonie de la chute.

§  Surveiller les pronoms relatifs, qui trébuchent souvent et se heurtent avec un bruit de rocaille ;

§  Les parenthèses brisent fréquemment aussi l’harmonieuse unité de la phrase ;

§  L’harmonie n’a pas d’ennemi plus redoutable que les propositions ou les mots superflus ;

 

L’harmonie veut aussi une agréable alliance de mots… :

§  Distribuer avec art les syllabes sourdes et les syllabes sonores ;

§  Combiner les mots longs et les mots brefs ;

§  Éviter les rencontres de mots choquantes et d’abord les hiatus ;


Gardez qu’une voyelle à courir trop hâtée,
Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée.
Boileau, Art poétique, I, 107-108

 

§  Les assonances  (ressemblance de sons à la fin des mots) doivent être bannies ;

§  La succession de mots où se trouvent les mêmes consonnes – surtout r et t – est contraire à l’harmonie (ex. : un gros rat rôdait) ;

§  La succession des mêmes voyelles est également funeste (ex. : ainsi entra la lame du couteau) ;

§  Les adverbes sont de lourds moellons (ex. : le monument est pourtant actuellement fâcheusement restauré) ;

§  L’emploi des locutions conjonctives sera aussi contrôlé (ex. : que…que…) ;

§  S’il est nécessaire de recourir aux imparfaits du subjonctif, on comprendra que leur répétition détruit l’harmonie (NDLR : nous sommes en 1938, les jeunes filles de l’école privée connaissent l’imparfait du subjonctif… Aujourd’hui, l’existence même du mode subjonctif est ignorée ; c’est donc la seule règle concernant le style dont je suis certain qu’elle sera appliquée ; elle l’est déjà) ;

§  Une série d’infinitifs est pareillement défectueuse (ex. : n’allez pas croire pouvoir le faire réussir) ;

§  Les participes présents veulent être légèrement maniés ».

 

 

06/01/2015

La clarté du style selon Georges Grente

Relisons Georges Grente.

« Le style est clair si l’on peut saisir immédiatement et sans effort les pensées ou les sentiments exprimés. (Contrexemple : Nous n’avons pas eu l’idée d’avoir la pensée de rien faire qui pût nous faire supposer l’intention d’en avoir !).

Fénelon réclame d’abord une diction simple, précise, dégagée, où tout se développe soi-même et aille au-devant du lecteur.

Les deux principales conditions de la clarté du style sont la pureté de la langue et la propriété des termes.

Par pureté de la langue on entend l’emploi des mots que consacre l’usage et des constructions de phrases que la syntaxe approuve.

 

Surtout qu’en vos écrits la langue révérée

Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée !

En vain vous me frappez d’un son mélodieux,

Si le terme est impropre, ou le tour vicieux,

Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme,

Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme.

Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin

Est toujours, quoiqu’il fasse, un méchant écrivain

Boileau, Art poétique, I, 155-162

 

Il ne faut pas employer de locutions vicieuses…

On n’écrira pas de phrases enchevêtrées…

Les phrases tortueuses, où les idées se succèdent pêle-mêle, doivent être évitées…

Les mots seront disposés de manière qu’il n’y ait nulle équivoque…

N’abusons pas des inversions ou renversements de l’ordre habituel établi par la syntaxe…

On surveillera particulièrement les pronoms personnels, les relatifs, les possessifs et les adverbes pronominaux (en, y), dont l’emploi défectueux peut amener les plus regrettables confusions

Défions-nous des mots impropres…

Contrôlons aussi les synonymes…

Les termes techniques d’arts, de métiers, de sciences, etc. ne seront pas employés, à moins qu’il ne s’agisse d’un travail destiné à des spécialistes compétents…

On n’usera pas sans discernement d’archaïsmes ni de constructions surannées

Il ne faut pas accepter les néologismes ni se permettre surtout d’en forger soi-même… (le néologisme proscrit est l’expression lancée brusquement par la mode, et dont l’emploi est inutile)

Et de citer Voltaire :

Qui ne peut briller par une pensée

 veut se faire remarquer par un mot

 

L’orthographe, l’accentuation et la ponctuation seront respectées. (Ceux qui m’ont connu dans le milieu professionnel doivent se dire, avec un brin de remords : « C’est donc ça… Il n’avait rien inventé ! »).

Les élèves négligent l’orthographe et la ponctuation parce qu’ils n’y attachent aucune importance. Tel écrivain, disent-ils, s’en moque. Molière avait répondu d’avance à l’objection :

Quand sur une personne on prétend se régler,

C’est par les beaux côtés qu’il faut lui ressembler

 

Être nul en orthographe ne donne pas du génie. D’ailleurs, la clarté exige que l’on n’écrive pas indifféremment dessin et dessein, à (préposition) et a (verbe), où (adverbe) et ou (conjonction), etc.

 

La clarté ne réclame pas moins l’observation des règles de la ponctuation : Le concierge, dit le docteur, est un voleur / Le concierge dit : le docteur est un voleur…"

 

Décidément, l’archevêque avait tout compris !