27/12/2014
Dis pas ci, dis pas ça (X)
Si je me limitais au « G » aujourd’hui, je n’aurais que deux mots à vous signaler…
D’abord gérer, qui est devenu un mot passe-partout : à la fois ça fait bien (moderne) de « gérer », et ça dispense de chercher le mot juste, pour aller vite (encore une fois, moins on cherche le mot juste, plus on perd l’habitude de le trouver !). On peut naturellement « gérer ses affaires », on peut gérer tout ce qui est matériel, dans le sens de « administrer », « veiller à la bonne marche de ». Mais évitons d’utiliser « gérer » pour son divorce (là, il y a une solution : ne pas divorcer…), pour ses échecs, ses doutes et, pis encore, ses enfants (là aussi, il y a une solution mais ce serait dommage de ne pas en avoir). Pire que tout, l’ellipse « je gère »…
Ensuite, « gré » : on sait gré à quelqu’un de…, on saurait gré, on saura gré et non pas « on sait gré » ! « Gré » s’emploie avec le verbe « savoir » et non pas avec l’auxiliaire « être ».
Du coup, j’enchaîne avec le « h ».
Je commence avec les liaisons dangereuses : il y a des « h » d’origine germanique qui sont aspirés et des « h » d’origine gréco-latine qui ne le sont pas. Le « h » de « haricot », comme celui de « handicap », est aspiré, il interdit donc la liaison, au singulier comme au pluriel, et cela a des conséquences sur la graphie aussi bien que sur la prononciation : on écrira « le haricot » et « un beau haricot » (et non pas « l’haricot » et « le bel haricot »).
« Impacter » est encore une forme inspirée de l’anglais ; ne l’employons pas à la place de « affecter » ou « modifier ».
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26/12/2014
Mandarin, pain d'épices et chocolat
Dans mon enfance, on fêtait Saint Nicolas, le 6 décembre, ainsi que je vous l’ai déjà narré, et on recevait un Pain d’épice qui avait la forme du saint homme. On était surtout frappé par sa légende, qui voulait qu’il ait redonné vie à trois petits garçons découpés en morceaux et mis au saloir par un boucher indélicat – c’est Bettelheim qui aurait adoré –. À l’origine, Saint Nicolas avait plutôt libéré trois soldats prisonniers mais cette histoire manquait de sel, si j’ose dire… L’engouement pour Saint Nicolas en Lorraine date des années 1050, à l’époque où des marchands rapportèrent de Bari (Italie) une relique – une phalange, je crois – d’un saint mort en 346 en Asie Mineure (aujourd’hui la Turquie). Cette relique arriva à Port, à côté de Nancy (et d’ailleurs ville quatre fois plus peuplée que Nancy en ce temps-là), que l’on rebaptisa ultérieurement Saint Nicolas du Port.
On tremblait par ailleurs à cause du Père Fouettard, qui flagellait les enfants désobéissants, sans savoir que ce faire-valoir n’avait été inventé qu’en 1500 et quelques, sous forme de caricature de Charles-Quint.
Bref, je parlais à l’instant des Saint Nicolas en pain d’épices et j’y reviens. De visite à Nancy début décembre, sur les traces de mes ancêtres, je me suis mis en quête de ma madeleine à moi. Enfer et damnation, aucun magasin en ville n’en proposait ; j’avais bien localisé un magasin spécialisé en banlieue mais il n’a jamais ouvert pendant que je pouvais m’y rendre. On a fini par dénicher des Saint Nicolas dans un Leclerc de centre commercial, au fin fond d’un magasin croulant sous les Père Noël en chocolat. D’où vient cette fascination des Français pour le chocolat ? pour le whisky, je comprends, mais le chocolat ? En fait, on est les premiers dans les classements qu’on peut…
Retour en Île de France ; à St Germain, on trouve sans problème tous les Saint Nicolas en pain d’épices qu’on veut ! Heureux qui comme Ulysse…
De là à penser que ceux de Nancy venaient de Chine… il n’y a qu’un pas qui me fait la transition avec un sujet connexe : les Chinois fêtent Noël. Bien sûr le Noël païen, sans Enfant Jésus ni crèche, mais avec le Père Noël ! Un Père Noël qui a souvent les traits de Bouddhas hilares.
C’est intéressant parce que, face à moi qui défend l’homme à la crosse contre le barbu rouge et blanc, il y a des centaines de millions de Chinois qui protestent contre l’envahissement de cette mode occidentale et demandent le retour aux fêtes traditionnelles. À chacun ses ancêtres ; la mondialisation n’a pas encore définitivement gagné !
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25/12/2014
Dis pas ci, dis pas ça (IX)
À la lettre N, l’Académie ne parle pas de Noël… Elle ne dit pas grand-chose d’ailleurs ; ça tombe bien, vous avez mal à la tête, le billet sera court.
Pas, point, guère, jamais… ne sont pas vraiment des marques de négation (pas plus que goutte, mie, etc. que l’on utilisait auparavant). La vraie marque de négation, c’est « ne », qui s’emploie en association avec l’un des mots précédents. « Je ne veux pas », « Je ne sais pas », et non pas « Je veux pas », « Je sais pas » comme on l’entend souvent. L’Académie, qui est souvent bonne fille, parle ici de « véritable faute ». À bon entendeur…
Je vous fais grâce de l’accord par syllepse… Vous savez, la question de savoir si on dit « Une quinzaine d’euros suffiront » ou bien « Une quinzaine d’euros suffira ». Retenez que, en pratique, on fait ce qu’on veut.
Contrairement à ce que l’on dit souvent, « aller en Avignon » n’est pas une forme recommandée mais une survivance du provençal, qui distinguait, comme le latin et l’allemand, « être à » et « aller à » et remplaçait le « a » du deuxième cas par un « an » euphonique. Il n’est donc pas question de généraliser cette forme à Amiens ni Arras.
Enfin, l’Académie recommande de ne pas abuser des constructions américaines avec « non » pour créer des mots nouveaux : oublions « non-profit », « non-événement » et autres « non-match ». Remarquons qu’un tiret relie les deux mots. Personnellement, quand « non » précède un adjectif (« une algèbre non commutative »), je ne mets pas de tiret.
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