14/01/2015
Der Dativ ist dem Genitiv sein Tod
Francesca Predazzi et Vanna Vannuccini, deux journalistes italiennes, ont publié en 2007 chez Grasset "Petit voyage dans l'âme allemande". Ce livre démontre, s'il en était besoin, que la langue est vraiment l'âme d'un pays.
En particulier, il note l'existence de mots qui n'ont pas d'équivalents dans les autres langues : Weltanschauung est bien connu dans le domaine philosophique ; il désigne la conception du monde, l'idée que l'on se fait de la vie et de la position que l'homme y occupe. Mais il y en a bien d'autres, comme Schadenfreude, que l'on pourrait traduire par "le malheur des uns fait la joie des autres".
"Les mots font et défont l'identité allemande, et l'histoire des mots intraduisibles est aussi l'histoire de la transformation de l'Allemagne au cours de ces vingt dernières années".
Mais je suppose que ce phénomène n'est pas propre à l'allemand et que l'on pourrait généraliser.
Plus proche encore de nos préoccupations est le livre de Bastian Sick "Der Dativ ist dem Genitiv sein Tod" (Spiegel on line, 2004), ce qui signifie "le datif signe la mort du génitif". L'auteur, rédacteur à Spiegel on line, prend prétexte de la tendance des Allemands à remplacer de plus en plus souvent le génitif "saxon" par le datif (un peu comme quand nous disons "il n'y a qu'une dent dans la mâchoire à Jean" au lieu de "de Jean"…), pour noter quantité de dérives de la langue et s'insurger contre ce laisser-aller.
On dit souvent les Allemands fascinés par le modèle américain et indifférents au sort de leur langue (pour l'instant la première langue maternelle d'Europe, en attendant que le français prenne le relais)… Ce petit livre prouve le contraire.
Nous ne sommes pas seuls !
10:56 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
13/01/2015
L'harmonie du style selon G. Grente (II)
Bon, bien écrire, avec un style harmonieux, c’est donc très simple…
Pour conclure son chapitre, l’archevêque cite quelques extraits fameux, qu’il nous invite à admirer et à essayer d’imiter (aïe ! deux infinitifs qui se suivent…), avec précaution cependant.
Je fais de même car cela revigore.
… La plus noble pensée
Ne peut plaire à l’esprit quand l’oreille est blessée.
Boileau, Art poétique, I, 112
Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle :
Madame se meurt, Madame est morte !
Bossuet, Oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre
Je sais sur la colline
Une blanche maison,
Un rocher la domine,
Un buisson d’aubépine
Est tout son horizon.
Lamartine
Légers vaisseaux de l’Ausonie,
Fendez la mer calme et brillante ;
Esclaves de Neptune, abandonnez la voile
au souffle amoureux des vents…
Quand retrouverai-je mon lit d’ivoire,
La lumière du jour, si chère aux mortels,
Les prairies émaillées de fleurs,
Qu’une eau pure arrose.
Chateaubriand, Les Martyrs
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
Racine, Andromaque, V, v
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un coche.
Femmes, moine, vieillard, tout était descendu.
L’attelage suait, soufflait, était rendu.
La Fontaine, Fables, VII, Le coche et la mouche
Attention néanmoins aux dangers de l’harmonie pour l’harmonie !
La clarté, le naturel, la concision ont le pas sur elle et ne lui seront jamais sacrifiés.
Une mélodie perpétuelle n’ennuierait pas moins qu’une éloquence continue.
La variété demande qu’on brise parfois la cadence.
08:00 Publié dans Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (0)
12/01/2015
Le français de tous les pays (II)...
Tout au long de ces journées d'horreur, puis de rassemblement, de recueillement et d'appels à la liberté d'expression, on a entendu parler beaucoup de gens de toutes origines.
Deux "groupes" ont attiré mon attention.
D'abord celui des personnalités étrangères, amies de la France, qui ont tenu à s'exprimer en français. Et quel français ! Je ne reviens pas sur le discours de l'américain John Kerry, qui a sans doute été écrit par ses conseillers. Mais l'intervention en direct de Matéo Renzi, Président du conseil italien, et encore plus celle du Premier Ministre grec, se sont distinguées par leur très grande qualité. Oui, on peut être bilingue ; oui, le français est encore appris, et à quel niveau, ici et là, et pratiqué !
Ensuite les journalistes et les anonymes.
Les premiers ont tenu l'antenne pendant des heures et des heures, et c'est déjà une performance. Force est de constater que ma récolte de mots impropres et de formules incorrectes est très maigre… J'ai noté une "procédure de lock down" évoquée à propos de la fermeture des établissements scolaires, qui fait un peu penser, en moins bien, à "Cazeneuve tire la chevillette et la bobinette cherra" ; et, Pascale Clarck, insupportable quand elle prononce avec emphase, à l'anglaise, le nom de son émission "aliiiiive", avoue que tout cela est "confusant" et évoque "le jour d'après". Mais, au total, peu de choses en vérité.
Idem pour les hommes et les femmes de la rue, interrogés par les journalistes tout au long de la grande marche de dimanche : je n'ai rien entendu de plus - je ne parle pas du fond, bien entendu - que les tics verbaux habituels : "sur Paris" au lieu de "à Paris", les questions posées sans la forme interrogative, "amener" au lieu de "apporter", "pour pas que ça se reproduise" et même "pour plus que ça se reproduise", "ils" utilisé alors que l'on parle de sujets féminins… Même l'émotion n'a pas abîmé la langue, du moins celle de ceux qui étaient là.
Encore un succès collectif !
07:51 Publié dans Actualité et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)


