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27/03/2015

Irritations IX : même la Présidence !

ICB, fidèle à notre combat, me signale l'emploi du terme screenshot lors d'un séminaire dans son entreprise… Mais aussitôt le conférencier s'est repris et a dit "euh… capture d'écran, c'est mieux". On peut trouver cela positif, la cause n'est pas désespérée, même dans le milieu des informaticiens de haut vol.

Moins positive est cette autre information, d'ICB toujours : dans un spectacle scolaire d'enfants de quatrième, organisé par le professeur de français, alternant scènettes et projections de textes, les textes en question étaient truffés de fautes d'orthographe (pluriel non accordé, etc.). Quand on songe que, pour Mme Belkacem, ces enfants (en fait leurs suivants) auront commencé une deuxième langue vivante dès la cinquième, on frémit. À moins de considérer que, dans quelques générations, le latin et le grec seront oubliés, le français sera une langue morte, étudiée par les élèves les plus brillants, et que la langue usuelle sera l'anglais, le chinois étant la première et la seule langue vivante étrangère...

Le relâchement vient d'en haut… Je ne veux pas parler des publicitaires ni des journalistes ni des footballeurs. Je veux parler de l'Élysée !

Le Figaro du 12 mars 2015 reproduisait un extrait du dossier de presse de l'opération "La France s'engage" de la Présidence : "Des soutiens financiers variés, ceux liés au fond d'expérimentation jeunesse étant en cours d'instruction pour un conventionnement pluriannuel lié à des objectifs précis de croissance et d'essaimage".

Et faisait remarquer que, outre le galimatias administratif, le texte comprenait une belle coquille : il fallait comprendre en effet "fonds financier" et non "le fond du trou" dans lequel seraient plongés les jeunes en difficulté...

Vous me direz que c'est un péché véniel. Sans doute.

Vous me direz que les 300 millions d'Américains n'auraient même pas vu la faute équivalente en anglais et auraient trouvé ridicule qu'un quotidien en parlât. Right.

Mais nous, c'est nous.

Et, à propos, connaissez-vous l'origine du mot "coquille" dans son sens typographique ?

 

26/03/2015

La gymnastique des langues anciennes

Toujours dans ce même numéro du Figaro, à son tour Philippe Bilger, magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole, donne son point de vue sur les langues anciennes.

"La structure logique du latin, son vocabulaire, sa grammaire, son importance pour l'étymologie, la souplesse et la ductilité de la phrase pour le grec, la finesse des raisonnements et la sophistication des analyses, ont directement créé, par une contagion bienfaisante, notre la langue maternelle, quand elle est bien parlée et écrite, et irrigué nos grandes œuvres classiques et contemporaines".

"L'apprentissage des langues anciennes forme à une gymnastique de l'esprit qui sera acquise pour toujours".

Philippe Bilger apporte un argument au débat de l'élitisme, comme une réponse au commentaire d'un de mes lecteurs : "On sait qu'au collège, les enfants de troisième qui étudient le latin ont en moyenne trois points de plus en français que les autres et que l'histoire et la culture latines offrent, par exemple à de jeunes Maghrébins, l'occasion de découvrir que leur pays a fait partie de l'Empire romain, comme la Gaule". (NDLR : j'ai remplacé le mot "opportunité" qu'utilise à tort notre chroniqueur par "occasion". Cf. un billet Dis pas ci, dis pas ça).

 

L'empire romain.jpg

 

Concernant son premier argument, bien qu'il m'arrange, je dois dire qu'il me laisse perplexe, en tant que scientifique… Où est la poule, où est l'œuf ? N'est-ce pas plutôt que l'on fait étudier le latin à des élèves brillants qui sont déjà, de toutes façons, de bonnes notes dans toutes les matières ? Dans ma propre classe de troisième, nous étions cinq à avoir plus de 10 en mathématique (!) et le premier de la classe était bon en tout...

Et Philippe Bilger de conclure : "Ce sont elles (les langues anciennes)… qui nous défendent contre le sommaire, le péremptoire, la bêtise, la pauvreté de la langue et la vulgarité de l'esprit".

 

 

25/03/2015

Des ZAD pour les GPII

J'ai déjà signalé mon étonnement (et mon ravissement) à la découverte que certains sigles (des acronymes en l'occurrence) sont inventés directement en français, alors que je croyais que le modernisme consistait à attendre, le nez dans le sable, que les Américains nous en proposent un (ce qui n'est d'ailleurs jamais le cas car lesdits Américains sont en avance sur nous dans pratiquement tous les domaines).

Mais pas dans la contestation apparemment, c'est déjà ça...

J'ai recueilli des éléments plus précis là-dessus (sur la contestation, et non sur les sigles ni sur le français !) en lisant un petit livre militant mais factuel et sobre : "Le petit livre noir des grands projets inutiles" (auteur : Camille - c'est un collectif -, éditeur : le passager clandestin, 2013).

Nous y voilà. Les GPII, ce sont les grands projets inutiles imposés. Et les ZAD, les zones à défendre. Les auteurs remarquent que c'est "un nom en forme de pied de nez, ZAD signifiant, en langage administratif : zone d'aménagement différé. Ce dispositif juridique permet aux collectivités de disposer d'un droit de préemption pour réaliser des opérations d'aménagement, à l'image du projet d'aéroport de Notre Dame des Landes". [qui, comme son nom ne l'indique pas, se trouve à côté de Nantes - NDLR].

Dans les GPII, on trouve essentiellement des tronçons d'autoroute, des aéroports, des lignes de train à grande vitesse, des tunnels et ponts (poétiquement appelé "ouvrages d'art"). Ils sont la coqueluche de nos élus, bien secondés par les bétonneurs en tout genre.

La France n'a pas le monopole de ces scandales de BTP à grand renfort d'argent public ; on a vu récemment à la télévision un aéroport espagnol qui n'a jamais servi et se visite comme une curiosité touristique. Il y a aussi, en Italie, une gare toute neuve, censée servir pour un événement sportif mondial, mais qui attend toujours ses voyageurs.

Ce n'est pas le lieu ici de développer l'analyse de Camille, accablante, sur cette fièvre bâtisseuse.

Mais je ne résiste pas au plaisir de citer quelques définitions qui figurent à la fin de l'opuscule.

Inaugurite : maladie généralement contractée à l'occasion du troisième mandat d'un député-maire-président de communauté de communes. Elle s'attrape par simple contact , proximité ou échange avec un représentant de la Direction des routes du Ministère des Transports... Les premiers symptômes apparaissent en même temps qu'une certaine forme de surdité démocratique et presbytie populaire... À ce jour, le seul antidote connu est la mobilisation citoyenne et l'éducation populaire.

Conservateur : ... personne censée être idéologiquement rétive au changement politique, optant pour une vision passéiste et un ordre patriarcal dépassé.

Étonnamment, le conservateur ne souhaite appliquer son conservatisme qu'à un système politique bouleversant les fondements mêmes de la vie sur terre.

Le conservatisme aurait pu être l'attitude d'une personne préconisant non pas un statu quo, mais la conservation de ce qui peut encore l'être, notamment du point de vue écologique.

Bien vu, non ?