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21/02/2019

Les mots français de toujours I

Il y a aussi des mots anciens – des mots de toujours – que l’on a oubliés, déformés ou utilisés de travers. En voici quelques-uns, repérés au fil des jours. 

« Chafouin » a pour féminin « chafouine », mot dialectal de chat et fouin, masculin de fouine, « se dit d'un visage sournois et rusé » (Dictionnaire Larousse en ligne). 

Une embrasse est un « lien de passementerie destiné à relever un rideau ou une draperie en son milieu vers le côté » (Dictionnaire Larousse en ligne). Longtemps, j’ai cru que ce morceau de tissu s’appelait une « embrase »… Pourtant il s’agit bien d’embrasser (le rideau) ! 

Encore plus fort : pour moi « Chabler » était du patois vosgien qui signifiait donner un coup », voire « faire tomber » au football, avec l’idée d’agression (une sorte de tacle volontairement méchant). Que nenni ! Chaulerde l'ancien français chaable, catapulte, est un synonyme de gauler, qui signifie « battre les branches d'un arbre avec une gaule pour en faire tomber les fruits, telles les noix » (Dictionnaire Larousse en ligne). Comme on le voit, la confusion est excusable. 

Le mot « tentacule » est bien sûr masculin (un tentacule) et non pas féminin.

18/02/2019

"Déchirez cette lettre" (Michelle Maurois) : critique II

Le mariage est la grande affaire des jeunes filles et de leurs familles à cette époque, et Simone n’échappe pas à la règle. Ses nombreuses tentatives, ses angoisses, ses fiançailles rompues remplissent une bonne partie du volume « Déchirez cette lettre ». Cependant elle ne se berce pas d’illusions. Voici ce qu’elle en dit : « Les jeunes gens se marient rarement dans l’entraînement irrésistible d’un coup de foudre pour la jeune fille à laquelle ils demandent sa main. Le libre exercice sensuel de l’amour, pendant les années de la vie de garçon, les blase sur les emportements physiques de la passion : ils en calculent le peu d’importance dans l’ensemble d’uneexistence, la durée éphémère – et loin de chercher dans le mariage un prétexte légitime à l’accomplissement d’une fonction animale, dont ils ont l’habitude d’apaiser les exigences en dehors du domicile familial, ils font entrer, dans le choix de leur compagne légitime, des considérations sociales et financières beaucoup plus que des préférences d’attraction. Une épouse n’a pas pas besoin d’être une maîtresse experte – il y a des filles de joie pour la mise en action des rites passionnels –, mais il faut qu’elle apporte un grand luxe dans l’intérieur que l’on veut bien constituer avec elle, et qu’elle assure fastueusement la « matérielle » du ménage. L’enfant, qu’on lui fera par condescendance et par calcul, sera le lien indestructible qui opèrera définitivement la fusion des fortunes, le prétexte à ne pas divorcer, donc à jouir sans remords et sans inquiétude des rentes de l’épousée » (page 166).

Nous sommes en 1918, on ne saurait être plus lucide sur les mœurs de son époque. Un peu plus tôt, Simone avait déjà écrit : « Les hommes sont généralement des mufles. À la femme qui leur plaît ils offrent 100000 francs pour être son amant ou bien ils lui en demandent 500000 pour devenir son mari » (page 129).

La fille d’Anatole France, Suzanne Psichari, mourra de la grippe espagnole, le 18 novembre 1918, au 3 rue Boccador à Paris dans l’appartement de sa mère qu’elle habitait avec son fils, Lucien. Son mari, Michel Psichari, dont elle était séparée, avait été tué le 20 avril 1917. Cette famille concentrait en son sein les deux fléaux qui ravagèrent la France (et l’Europe) au début du siècle : la guerre mondiale et la grippe. Nous aurons l’occasion de reparler des Psichari.

En 1919, c’est le père de Jeanne, Eugène Pouquet, qui meurt. Il laisse une succession importante, dont le partage causera des rancœurs. Son épouse, Marie « avait sacrifié un tiers de sa fortune personnelle à l’achat de la charge d’agent de change de son mari. Elle eut la pénible surprise de voir qu’il n’était tenu aucun compte de la valeur de cette charge dans l’héritage, alors qu’Essendiéras était soumis au partage. En présence du notaire, elle sentit qu’elle devait dire quelque chose mais elle se tut. Elle ne comprit qu’après que les traitements étaient inégaux entre Jeanne et Pierre, sources de longues querelles de famille » (page 212). Combien d’épouses ont été dans la situation de Marie Pouquet au siècle précédent ? Il n’y a pas si longtemps, les épouses n’héritaient pas de leur mari !

Enfin, le mariage de Simone est annoncé, avec un diplomate roumain Georges Stoïcesco, en janvier 1920. Ce ne sera pas un succès, même si une fille naîtra de cette union, enfant dont Simone se désintéressera.

Pour terminer ce dernier billet sur la saga de la famille Arman-Pouquet, laissons la parole à Michelle Maurois : « Ce même mardi 2 décembre 1924, Simone donnait chez elle un déjeuner de dix couverts réunissant Robert de Flers et sa femme, Jeanne Pouquet, Alice Halphen, Paul Valéry, François Mauriac, Bernard Grasset et André Maurois. Elle avait demandé à Grasset de lui amener ce dernier, veuf depuis quelques mois, et qu’elle ne connaissait pas.

Mon père crut que son éditeur l’emmenait chez une très vieille dame, Mme Arman de Caillavet, l’égérie d’Anatole France. Il fut surpris et fasciné de rencontrer une belle jeune femme brune, entourée d’écrivains célèbres et qui parlait familièrement de Marcel Proust.

Le 6 septembre 1926, Simone de Caillavet devenait Mme André Maurois. Ce mariage devait durer quarante et un ans, jusqu’à la mort de mon père. Mais cela, comme disait Kipling, est une autre histoire, et je ne la conterai pas » (page 439).

14/02/2019

Les mots français à la mode VII

La première fois que j’ai lu « vegan », je n’ai pas compris… Mais féru de devinettes, rébus et autres énigmes (ne serait-ce qu’à travers les romans de Maurice Leblanc, « Arsène Lupin contre Herlock Sholmes », « in robore fortuna », « La barre y va »…), j’ai vite décodé le truc, construit sur le même mode que smog (smoke + fog), blog (web + log) et surtout brunch (breakfast + lunch). C’est la manie anglo-saxonne de compacter deux mots, contrairement à l’habitude française de couper la fin des mots : « prof » pour professeur, « l’Éduc » pour l’Éducation nationale, « Sciences nat » pour sciences naturelles, « anat » pour anatomie, « bobo » pour bourgeois-bohème. Patrick Bruel qui sait tout sur tout parle même dans une émission de télé (pour télévision !), de « droit constit », pour montrer qu’il connaît. Donc vegan, c’est la contraction de vegetarian, contraction particulièrement ratée parce que les sons eux-mêmes sont altérés : le « dje » de vegetarian devient « gue » dans son abréviation. Bref, cette mode alimentaire, très « tendance » chez les urbains, a répandu son qualificatif, qu’elle est allée chercher, bien sûr, « aux States ».

En parlant de concaténation (comme disent les informaticiens) et de States justement, il me revient à l’esprit qu’un magicien du verbe (français) comme Claude Nougaro, avait intitulé Nougayork son album américain, celui du renouveau après que sa maison de disques l’eut quasiment mis dehors. Et qu’est-ce donc que Nougayork sinon la contraction de Nougaro et New-York ?

Il y a aussi futsal, censé nommer le football en salle. Curieux…

C’est l’occasion ici de parler du mot blog, dont certains s’étonnent que j’utilise la forme francisée « blogue ». Voyons ce qu’en dit Wikipedia :

« Blog est issu de l'aphérèse d'un mot composé, né de la contraction de Web log ; en anglais, log peut signifier registre ou journal. Ce terme est employé pour la première fois par Jorn Barger, en 1997. La francophonie tente de trouver des équivalences ou des alternatives à cet anglicisme, bien que le franglais soit fréquent sur la Toile, notamment parmi ses techniciens, qui rendent souvent compte de la nouveauté par le biais d'anglicismes et de néologismes (NDLR : c’est le moins que l’on puisse dire).

Un blogueur ou une blogueuse (en anglais : blogger) est l'individu qui a l'habitude de bloguer : il écrit et publie les billets.

L'utilisation de la graphie identique à la forme anglaise blog, est la plus répandue, si bien qu'elle figure dans les éditions 2006 des dictionnaires « Le Petit Larousse » et « Le Robert ».

L'Office québécois de la langue française (OQLF) soutient la forme graphique francisée "blogue" ou le néologisme "cybercarnet". La lexicalisation en blogue permet, selon l'OQLF, d'adapter l'anglicisme aux structures morphologiques et orthographiques du français puisque le suffixe -og n'est pas opérant en français (il faudrait prononcer [blo], un g final n'étant jamais prononcé). Cette lexicalisation permet aussi de créer les dérivations « bloguer, blogueur, bloguesque », etc., d'éviter la confusion « bloggeur » – « blogger », et semble être adoptée progressivement par toutes les communautés. Toutefois, les formes dérivées sont également largement utilisées par ceux qui conservent la graphie « blog ». Le synonyme « cybercarnet » offre les mêmes possibilités de dérivation tels cybercarneteur, cybercarnetage, cybercarnétosphère, etc.

En France, en septembre 2014, la Commission générale de terminologie et de néologie adopte le terme "blogue" comme au Québec. De 2005 à 2014, elle avait choisi le mot bloc-notes, ce qui rendait son utilisation obligatoire pour les administrations et services de l'État français. Ce mot entrait en conflit avec la traduction des mots notepad et notebook déjà utilisés par ailleurs en informatique. De plus, il n'autorisait pas de dérivés évidents comme « blogosphère ».

Par ailleurs, d'autres traductions ont émergé çà et là au sein de communautés de blogueurs, sans connaître pour l'instant un grand succès :

  • Journal Web, webjournal ou joueb, qui ne distinguent pas le journaliste du blogueur, à tort selon la majorité des blogueurs.
  • Journal extime n'est pas issu du Web, mais emprunté à l'écrivain Michel Tournier. Il désigne étymologiquement un journal intime public. Ce terme désigne en fait plutôt un usage possible pour un blog (présenter sa propre vie), le blog étant un média possible pour cet usage. Il existe des blogs à usages très différents (par exemple d'analyse de l'actualité).

Quelques juristes blogueurs ont proposé bloig (mélange des mots bloget « loi ») comme traduction de l'anglais blawg (formé sur les mots bloget law, ce dernier signifiant « loi »). La sonorité étant changée par le composé de ce nouveau mot, « blogue juridique » est proposé par l'OQLF ».

Passionnant, n’est-ce pas ?

Je ne sais plus si je vous ai déjà parlé de cette expression horripilante : « c’est raccord ». J’ai compris qu’elle servait à exprimer la correspondance, la concordance, la cohérence, entre deux méthodes, deux prises de position… mais je n’arrive pas à trouver son origine. On pense bien sûr à « raccord de peinture », « raccord de carrelage », « raccord de menuiserie », qui visent à masquer, à faire disparaître une discontinuité et à ne laisser voir au contraire qu’une continuité.