11/03/2019
Grand débat : et la politique linguistique ?
Le « Grand débat » lancé en France par l’exécutif sous la pression du mouvement des Gilets jaunes (plutôt immobiles sur les ronds-points que « marcheurs » !) et sans doute pour gagner du temps et essouffler la protestation aux allures parfois insurrectionnelles, s’est transformé nolens volens en un ensemble de débats en parallèle, généralistes ou spécialisés.
Les médias ont créé le leur (Marianne, Les Échos, Médiapart par exemple), de même que l’association de consommateurs Que Choisir. Et c’est sans compter sur les fameuses 42 propositions des Gilets jaunes (en ligne sur le site de Médiapart), à l’origine de la remise en cause globale du système néo-libéral forcené dans lequel nous vivons depuis trois décennies ni sur les innombrables pétitions publiées dans Change.org et WeMove.org !
Le « Grand » débat autoproclamé se sert donc pas à grand-chose ; il suffit de « traverser la rue » pour récolter quantités de propositions à creuser, à instruire, à mettre en chantier et à appliquer, soit sous forme réglementaire, soit sous forme législative (que nos parlementaires travaillent dessus plutôt que de continuer subrepticement à dérouler leur programme libéral et oligarchique), soit sous forme référendaire.
Incidemment les 42 propositions ne contiennent aucune allusion raciste ou sexiste, mais au contraire quelques mesures que l’on peut considérer comme généreuses à destination des demandeurs d’asile, des migrants et des immigrés.
42, c’est déjà beaucoup, il y avait de quoi travailler sans forcément faire tout ce battage, politique et médiatique ni cette tournée en province du Président de la République devant des publics choisis, qui s’apparente à une nouvelle campagne électorale et qui me fait penser à celle de Catherine de Médicis (ma mémoire me trahit… était-ce pour rabibocher les Français et reprendre la main après les atrocités des guerres de religion ?). Seule justification recevable de cette incursion dans la France profonde : les Gilets jaunes représentent évidemment une minorité, même si leur action revendicative pacifique est soutenue par la majorité. On peut donc comprendre que M. Macron ait voulu entendre « d’autres sons de cloche ». Mais alors, que dire de tant de mesures récentes qui ont été prises sous la pression de minorités ?
En ce qui concerne l’objet de ce blogue, pas une allusion à la langue française, à sa défense et son illustration dans toutes ces propositions, sauf au détour de la proposition 21 « pour une réelle politique d’intégration » qui demande « des cours de langue française, d’histoire de France et d’éducation civique, avec une certification à la fin du parcours ».
La semaine dernière, dans une rue près de Cambronne (XVème arrondissement de Paris), j’avisai deux échoppes côte à côte : celle d’un vendeur d’automobiles à essence et gazole, « DS store », et celle d’un fameux distributeur, « Carrefour city »… Pourquoi donc ces enseignes en anglais ? Où sont ces clients ne comprenant que l’anglais qui en ont besoin au risque de ne pas trouver les commerces en question ? Pourquoi cette référence obsessionnelle au modèle américain ? Pour faire comme dans les séries télévisées ?
Voici donc mes propositions, en complément de la n°21 :
LBÉ 1 : interdire sur tout le territoire national les enseignes dans une langue autre que le français (dérogation possible, sur justificatif de « pittoresque nécessaire » pour le tourisme, entre autres, pour quelques enseignes en langue régionale).
LBÉ 2 : interdire aux entreprises et annonceurs s’adressant aux clients en France, qu’ils soient français ou non, des slogans en anglais (du genre « Motion and Emotion » de Peugeot…). Il n’y a qu’à regarder quelques séquences de publicité à la télévision, pour constater qu’ils sont devenus la norme.
LBÉ 3 : interdire les publicités audio- et télé-visuels en anglais (est-ce L’Oréal ou Dior qui a fait passer récemment une publicité entièrement en langue anglaise ?). Modifier pour ce faire le cahier des charges du BVP et des chaînes.
LBÉ 4 : interdire les marques à l’orthographe ou à la syntaxe anglaise (par exemple « Captur » pour le premier cas et « Île de France Mobilités » pour le second).
LBÉ 5 : imposer la clause Molière (malgré l’Union européenne et la Commission), à savoir « tous les travailleurs en France doivent maîtriser un minimum de français », en particulier sur les chantiers du bâtiment et des travaux publics.
Certains diront, à la lecture de ces cinq mesures, « encore des interdictions »… Sans doute mais leur justification est double :
- Sortir de la soumission volontaire au modèle américain ;
- Épargner à nos enfants des difficultés supplémentaires dans l’apprentissage de leur langue (il y en a déjà suffisamment).
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Franglais et incorrections diverses | Lien permanent | Commentaires (0)
10/03/2019
Bonne fréquentation
Chers lecteurs, et surtout les francophones d’Amérique du Nord, merci !
La fréquentation du blogue augmente depuis le mois d’août 2018.
Je ne m’explique pas plus cette remontada que la chute désespérante qui l’avait précédée, sauf que pour remonter, il faut avoir descendu…
Tout juste ai-je cru découvrir que les bons scores (10 ou 20 visiteurs uniques certains jours) correspondent aux billets ayant trait aux questions linguistiques pures (ceux des rubriques « Irritations linguistiques » ou « Les mots à la mode »), et qu’a contrario les « critiques » de mes lectures intéressent peu de monde.
18:58 Publié dans Actualité et langue française, Blog | Lien permanent | Commentaires (0)
07/03/2019
Nouvelles du front (linguistique) IX
« Pouvoir » et « permettre » jouent des mécaniques pour savoir lequel dominera l’autre. Je ne parle pas ici du « pouvoir » macronien ni encore moins de la génération « j’ai le droit » !
Je fais simplement référence à cette façon pléonasmatique qui se répand comme une traînée de poudre chez les politiques et les journalistes (et aussi chez les gens que ces derniers interrogent) et qui consiste à empiler les verbes « pouvoir » et « permettre ». On entend ainsi à longueur de journée : « Avoir les moyens de pouvoir assurer… », « Afin de pouvoir permettre… », « Pour permettre de pouvoir décoller sans problème » (un pompier sur BFM-TV), « La capacité de pouvoir » (un biologiste sur France Inter, le 21 janvier 2019), « Ça me permettrait de pouvoir demander… », « Être en mesure de pouvoir demander… », « de pouvoir faire en sorte de… » (Benoît Hamon sur France Inter, le 17 janvier 2019), « C’est impossible de pouvoir arrêter… ». Langue tarabiscotée, phrases à rallonge, mots empilés sans raison… On ne nous épargne rien !
Autre tic verbal dévastateur : « ce qui » et « ce qu’il », à cause de l’euphonie sans doute, sont sans cesse employés l’un pour l’autre. J’ai déjà mentionné ce travers dans « Le bien écrire ». Le 8 février 2019, j’ai entendu sur BFM-TV : « Ce qui est important de retenir… », confusion complète entre « Ce qu’il est important de retenir » et « Ce qui est important à noter » !
L’emploi hasardeux des prépositions continue de faire des ravages : « pallier à » (que les jeunes s’obstinent à écrire « palier à »), « impacter sur » (encore notre biologiste sur France Inter), etc.
Les « miss Météo » et « monsieur Météo » usent et abusent de Proust (sans le savoir ni le vouloir) en nous menaçant d’orages (ou d’éclaircies) « du côté de Versailles » « du côté du Massif central »… Connaissent-ils si mal notre géographie ? On comprend qu’il soit difficile de garantir un orage à Versailles même mais il serait simple de dire « autour de Versailles » ou bien « dans la région de Versailles » ou encore « dans le Nord des Yvelines » !
Et pour terminer, un dernier tic des politiques français : la formule « pardon de vous le dire » employée à tous bouts de champ dans les interventions (par exemple, Benoît Hamon le 17 janvier 2019 sur France Inter).
07:00 Publié dans Franglais et incorrections diverses, Règles du français et de l'écriture | Lien permanent | Commentaires (0)