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13/04/2019

"Macron, un mauvais tournant" (Les économistes atterrés) : critique II

Les pages suivantes du livre « Macron, un mauvais tournant » des Économistes atterrés, écrites sans doute début 2018, résonnent curieusement aujourd’hui : « La base sociale sur laquelle s’appuie Emmanuel Macron (le patronat traditionnel, les plus riches, les jeunes entrepreneurs ou cadres ambitieux, la couche supérieure des cadres du privé) est relativement étroite, de sorte qu’il ne peut pas se couper trop fortement des couches moyennes et populaires, que ce soient les retraités, les salariés du secteur public ou les salariés du privé ». Manifestement, le Président de la République n’avait pas lu ce livre car c’est précisément ce qu’il a fait, avec les conséquences que l’on sait !

En fait, si, il l’avait peut-être lu mais s’est plutôt appuyé sur la phrase qui suivait : « Une politique en faveur des classes supérieures, de mise ne cause du modèle social français, ne peut être choisie démocratiquement par le peuple que si :

  • elle lui apporte quelques avantages (c’est le pari du ruissellement, les capitaux investiront massivement en France) ;
  • le peuple n’a pas d’alternative crédible (en raison des contraintes européennes et des menaces de fuite des capitaux) ;
  • elle joue des divisions à l’intérieur des classes populaires (les actifs contre les retraités, les salariés contre les précaires et les chômeurs, les nationaux contre les immigrés, le privé contre le public) ».

Après ce premier chapitre, dont je viens de citer les passages qui me semblent les plus éclairants, voici ce que contient le livre des Économistes atterrés :

  • les paris perdus de la présidence Hollande
  • le nouveau tryptique macronien : Liberté, concurrence, finance
  • les réformes du marché du travail
  • la politique budgétaire et fiscale inégalitaire du gouvernement
  • le tournant refusé en matière d’écologie
  • les impasses de la politique européenne

et enfin « les pistes pour un tournant vers une économie au service de l’intérêt général », dernier chapitre que je vais commenter maintenant.

12/04/2019

"Macron, un mauvais tournant" (Les économistes atterrés) : critique I

À l’heure des manifestations et des revendications des Gilets jaunes – toutes deux de grande ampleur –, à l’heure des interventions du Président de la République et des premières mesures adoptées par l’Assemblée nationale – toutes deux modestes et limitées au respect du « cap » fixé, il était intéressant de se précipiter sur le dernier livre des Économistes atterrés coordonnés par Henri Sterdyniak, et intitulé « Macron, un mauvais tournant » (Les liens qui libèrent, 2018) ; c’est ce que j’ai fait en pleine trêve des confiseurs.

Par son approche d’une alternative au néolibéralisme, ce livre s’inscrit dans la ligne de ceux du regretté Bernard Maris, de Naomi Klein et de Gilles Raveaud, pour ne citer que les derniers ouvrages que j’avais lus.

À l’heure où le « Grand débat » voulu par l’exécutif pour calmer le jeu et gagner du temps est clos, à l’heure où le Président de la République (française) a fini de battre la campagne (dans tous les sens du terme), à l’heure où ses chauffeurs de salle prétendent que l’Oracle va parler et que des mesures « fortes » vont être engagées, il me semble opportun de rendre compte de ce livre, bien que malheureusement aucun membre de l’exécutif ne soit abonné à ce blogue.

Allez brûlons la politesse au monarque républicain et voyons ce que disent les économistes hétérodoxes des réformes possibles et souhaitables (voir aussi mon billet du 12 mars 2019 à leur propos). Et, encore une fois, pourquoi ne les entend-on pas ?

« Nous pensons que le vieux monde dont nous peinons à sortir, est celui du libéralisme. Ce régime qui s’est imposé depuis près de quarante ans a profondément déstructuré nos sociétés, en creusant les inégalités, en engendrant bien souvent du chômage et, dans tous les cas, de la précarité. Ce qui permet au néolibéralisme de tenir en dépit de son bilan calamiteux, accentué par la crise de 2007 (…) est l’absence d’alternative cohérente à lui opposer » (page 8). On ne saurait mieux dire !

« Car l’économie libérale est injuste et n’a pas l’efficacité à laquelle elle prétend » (page 9).

« La grande crise de 2007 a marqué la faillite économique du néolibéralisme » (page 10).

« Les interventions budgétaires (…) et monétaires ne se sont pas accompagnées d’une remise en cause substantielle de la finance libéralisée, du libre-échange, de l’austérité salariale et de la contre-révolution fiscale. Ces volets qui forment le noyau dur du néolibéralisme sont restés en l’état » (page 11).

Les auteurs analysent ensuite l’élection présidentielle française de 2017 (« Macron : de l’aubaine à l’hubris ») et concluent : « Globalement, cependant, son programme est un programme de droite puisqu’il s’agit de lever les obstacles réels ou imaginaires à l’activité des entreprises, des plus riches, des plus ambitieux, supposés plus innovants, en promettant aux classes populaires qu’elles tireraient quelques bénéfices futurs de la croissance retrouvée, au prix néanmoins de nouveaux sacrifices immédiats » (page 17). « Et c’est uniquement en ce sens que Macron incarne la modernité : faire basculer la France dans un néolibéralisme à l’anglo-saxonne » (page 18).

 « Emmanuel Macron représente aussi une classe de jeunes entrepreneurs, ambitieux et avides. Le nouveau discours dominant vante les jeunes entreprises innovantes, sans s’interroger sur l’intérêt économique, social ou écologique des prétendues innovations » (page 20).

Et pour bien comprendre ce que vont être les propositions de l’exécutif à l’issue (peut-être provisoire…) de la crise des Gilets jaunes : « Bercy, l’inspection des finances, la Cour des comptes ont leurs idées arrêtées sur la politique économique (…) qu’ils veulent imposer aux forces politiques et à la société :

  • réduire le nombre de fonctionnaires
  • faire travailler plus longtemps les enseignants
  • contrôler les chômeurs
  • réduire les durées d’hospitalisation
  • contrôler les collectivités locales qui gaspilleraient l’argent public
  • reculer l’âge de la retraite
  • faire baisser les pensions, les allocations logement, les allocations familiales, les allocations chômage, les remboursements maladie
  • ne plus subventionner les associations
  • etc.

Avec Emmanuel Macron et les jeunes hauts-fonctionnaires qui l’entourent, ils ont pris directement le pouvoir » (page 21).

« Son programme économique n’est pas un programme progressiste (…) Ce n’est pas non plus un programme écologiste (…)  Ce n’est pas non plus un programme véritablement libéral (…). Ce sont uniquement les classes dirigeantes, les plus riches, le patronat, qui se voient offrir un surplus de pouvoir (payer moins d’impôts, pouvoir licencier à sa guise) au détriment des classes populaires, dont la liberté consiste précisément à avoir un emploi garanti, une protection sociale généreuse, la voix au chapitre dans les décisions publiques. C’est un programme néolibéral, progressiste uniquement pour ceux qui considèrent que le progrès consiste à imposer à la France d’aller vers le modèle anglo-saxon des années 1980 » (page 23).

Toutes les protestations et revendications des Gilets jaunes n’ont-elles pas là leur origine ? Et n’étaient-elles pas prévisibles ?

Au total, les Économistes atterrés nous livrent, dans une introduction brillante, une analyse implacable de la cause de nos maux et des conséquences dommageables des nos choix électoraux par défaut.

11/04/2019

Le roi est mort, vive la reine (addendum)

Et, de ce point de vue (voir mon billet du jour sur la féminisation de la langue française), l’excellent Renaud Séchan est à côté de la plaque quand il écrit dans sa chanson féministe, Miss Maggie :

Palestiniens et Arméniens
Témoignent du fond de leurs tombeaux
Qu'un génocide, c'est masculin
Comme un SS, un toréro

Car il semble confondre le genre des mots et le sexe des individus.

Mais la licence poétique…