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03/01/2019

"Les cendres brûlantes" (Michelle Maurois) : critique VI

On n’en finit pas de rencontrer dans « Les cendres brûlantes » des personnes de connaissance ! Pas forcément des gens célèbres mais des gens que l’on a croisés, en particulier dans ce blogue.

Ainsi, à la page 291, Michelle Maurois écrit-elle, à propos d’une des dernières promenades de Mme Arman et de M. France : « Ils déjeunèrent avec Mme Bartet et Paul Reboux, le fils de la modiste, amie de Léontine. Le jeune homme commençait une carrière de journaliste et devait plus tard écrire un À la manière de féroce sur Mme Arman et France ».

Mes lecteurs fidèles ont tout de suite relevé un sourcil : mais oui, nous le connaissons ce Paul Reboux ! C’est l’auteur de « Le nouveau savoir-écrire » (Flammarion, 1933) et de « Le nouveau savoir-causer » (Flammarion, 1949). Et, souvenez-vous, j’en ai parlé dans mon billet du 27 septembre 2014. 

Cela étant, le livre de Michelle Maurois n’en avait pas tout à fait fini avec la passade sud-américaine d’Anatole France. « Jeanne Brindeau n’était pas une méchante femme. Elle avait été éblouie par le maître, enivrée par sa chance, à cinquante ans, d’être ainsi aimée (…) Elle avait cru à cet amour comme une jeune fille ou comme une femme qui vit sa dernière aventure et elle était véritablement sidérée de l’attitude inqualifiable de son amant » (page 302).

C’est dire que cette passion ne s’achève pas du tout comme celle de Paul Valéry pour Jeanne Voilier (« Je suis fou de toi » de Dominique Bona)…

En effet Anatole France lui avait promis de rompre avec Mme Arman et de partir en voyage avec elle. À l’heure dite, elle s’était présentée, avec armes et bagages, au domicile de France, pour apprendre par la gouvernante que ce dernier était parti en bateau ! En fait il s’était réfugié chez Mme Arman.

Elle lui écrit « Tu n’as pas d’horreur pour moi ? Ne suis-je plus ta chérie comme tu m’appelais ? ». « Mme Brindeau ne peut plus manger ni dormir. Elle a rapporté chez France la chaînette et les deux pierres achetées avec tant de joie ». Mais elle ne tentera plus rien pour le voir. Elle apprend par la presse que France et elle vont se marier ! et « aussitôt s’abattent sur Jeanne Brindeau des lettres et télégrammes de félicitations ». Elle écrit à France pour l’assurer qu’elle n’est pas à l’origine de ces rumeurs. Mais la lettre est interceptée par la gouvernante, Joséphine, la future (vraie) Mme France…

« (Jeanne) ne lui fera plus aucun reproche et lui restera toujours fidèle (…). Elle ne devait pas revoir France, qui plus jamais ne se manifesta ».

Que c’est triste, l’ingratitude, la lâcheté, l’égoïsme, la fin des histoires d’amour, et la fin des histoires tout court !

01/01/2019

Fréquentation en rebond et vœux pour 2019

C’est une bonne nouvelle pour le blogueur que je suis : la fréquentation du blogue « Le bien écrire » est repartie à la hausse, modeste certes mais sans équivoque. Que l’on en juge :

Après une chute continue depuis octobre 2017 et un « plus bas » en juillet 2018, la fréquentation a augmenté régulièrement pour atteindre en décembre 80 visiteurs uniques, le même niveau qu’en début d’année.

Fréquentation Le bien écrire 2018_resultat.jpg

 

Même si ce niveau est ridiculement bas par rapport à celui des années fastes (dix fois plus faible…), ne boudons pas notre plaisir ; champagne !

La localisation des lecteurs est également réjouissante : si l’Amérique du Sud et l’Asie sont absentes, et l’Afrique en retrait (4 % du lectorat), l’Amérique du Nord (et essentiellement les États-Unis) prend la corde, avec 45 % !

America’s back !

Donald Duck.png

Dois-je dire « Merci Donald » ?

Peut-être pas mais en tous cas, meilleurs vœux pour l’année 2019 qui commence !

07:00 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

31/12/2018

Nouvelles du front (linguistique) VI

Le 16 novembre 2018, Les Échos consacraient deux pages pleines au renouveau des Champs-Élysées, l’idée étant d’aller vers encore plus de luxe et encore plus de marques prestigieuses, comme si cela ne suffisait pas déjà. Pas la peine de poser la question « pour qui donc ? », parce que l’on sait que ce n’est pas pour les Français ni même les Parisiens mais uniquement pour les richissimes visiteuses venant de Pékin ou du Golfe.

Histoire de montrer que tout cela n’est pas bassement du commerce et des gros sous, le journal de Bernard Arnaud titrait « Une myriade de concepts innovants », l’air de dire : « il n’y a pas que les chercheurs scientifiques qui innovent ». Et alors c’est quoi, ces innovations ? Des mégastores pour Nike et Adidas, un concept hybride pour les Galeries Lafayette, les tout nouveaux rayons de Monoprix et un écrin années 1930 (décidément il n’y a pas que M. Macron que ces années-là obsèdent…) pour JM. Weston.

Décortiquons ces innovations.

Pour Nike, c’est le gigantisme (ils prennent la place de Toyota sur 4500 m2). Il paraît que ce projet entre dans un plan stratégique. On est rassuré, mais on consultera plutôt Que Choisir quand il s’agira d’acheter les chaussures de course les plus adaptées. Adidas va proposer au public des écrans tactiles et un service de personnalisation des chaussures. Les deux parlent de showrooms

Les Galeries Lafayette prendront la place du Virgin Mégastore sur 6500 m2. Le malheur des uns fait le bonheur des autres qui retrouvent l’emplacement de 1927. Retour vers le futur. Mais écoutez bien : Le point de vente « proposera une expérience différente, une espèce d’hybride entre un concept store et un grand magasin traditionnel (…) Il sera numérique mais personnalisera la relation client ». Il faut récrire « Au bonheur des dames » ! Et, écoute bien Zola : « Les 300 vendeurs auront le statut de personal stylists ». Les Échos ajoutent pour les syndicalistes qui liraient l’article : « une fois n’est pas coutume, (ils) seront tous des salariés du groupe ». On est rassuré, ils pourront travailler le dimanche et seront bien payés.

Le Monoprix sera installé juste à côté ; habile ! Je suppose que c’est aussi dans le plan stratégique… Il ressemblera à l’entrée « d’un grand hôtel qui aurait adopté le design des années 1930 ». L’ancêtre Prisunic était dans les lieux en 1933. Encore 1930 ! Mais qu’est-ce qu’ils ont avec 1930 ? « L’aménagement des rayons semble avoir adopté les codes du luxe ». mais il ne s’agit que de modules dupliquables. Les rayons homme et enfant, ainsi que la décoration, sont relégués au sous-sol ; l’égalité homme-femme est passée par là.

Champs-élysées Manifestation gilets jaunes.jpg

JM. Weston prend la place d’une agence du Crédit Lyonnais. « Les vastes fauteuils club invitent aux essayages. On trouve même des cabines ». Incroyable ! Le travail de l’architecte « est raccord avec le style années 1930 de l’immeuble ». Ça faisait longtemps que je n’avais pas rencontré cette horrible expression « être raccord » (à retrouver dans ma rubrique « Les mots à la mode »). « Le flagship est le dixième point de vente de la marque à Paris ». Pour ne pas dire « navire-amiral »… qui ferait trop pompeux ? Ou qui porterait la poisse, sachant que les navires, ça coule parfois ?

Plus bas, un long article est consacré à Apple, qui fait aussi son flagship ici, qui est aussi stratégique, qui va se coller aussi à côté de son concurrent Samsung, et qui veut aussi « dépasser la simple commercialisation de produits pour miser sur le concept d’expérience client » (voir ma rubrique « Les mots à la mode »). Cela se traduira par des séances Today at Apple.

Tous ces gens connaissent-ils le nombre de salariés en France qui gagnent moins de 1400 € bruts et de retraités à 1000 € ?

En bas à droite de cette grande deuxième page, au moment de la tourner, on tombe sur une publicité en couleur de Klépierre, entièrement en anglais (non traduit) :

« EMPORIA

CUTTING EDGE RETAIL ON THE SHORE OF THE BALTIC

SHOP

MEET

CONNECT »

N’est-ce pas complètement illégal ? Que fait donc l’Office de vérification de la publicité ? Que fait le Comité de rédaction du journal ?

Champs-élysées Canons à eau.jpg

Une semaine plus tard, ce sont les Gilets jaunes qui déroulaient leur plan stratégique sur la plus belle avenue du monde…