16/09/2014
Réformes de l'orthographe : chapitre V Le trait d'union
La réforme de 1990 a été vilipendée essentiellement parce qu’elle proposait d’écrire « nénuphar » « nénufar » et « oignon » « ognon » !
La belle affaire ! Qui peut se plaindre d’avoir à écrire ou à lire l’un de ces deux mots, ne serait-ce qu’une fois par mois ?
C’était, il faut bien le reconnaître aujourd’hui, un mauvais procès car ces deux rectifications, argumentées, ne représentaient qu’un détail parmi nombre de propositions plus sérieuses et plus utiles, toutes fondées sur le souhait d’améliorer la cohérence (moins d’exceptions) ou de corriger des aberrations anciennes.
Et encore une fois, les personnes habituées aux anciennes règles, qu’elles maîtrisent (c’est plus rare…) peuvent les conserver. Le basculement se fera lentement, il y aura coexistence.
Il est maintenant temps d’entrer dans le vif du sujet.
Commençons par le trait d’union, les mots composés et leur pluriel.
(Nouvelle) Règle 1 Nombres écrits en toutes lettres
On écrira « vingt-quatre », « cent-deux », « sept-cent-mille-trois-cent-vingt et un »… que le nombre soit inférieur ou supérieur à cent. C’est-à-dire que l’on mettra des tirets partout, alors que la règle ancienne les réservait aux nombres inférieurs à 100. À vos chèques ! Que les gros salaires écrivent les premiers, pour voir si c’est bien compris…
(Nouvelle) Règle 2 Singulier et pluriel des noms composés comportant un trait d’union
Noms composés d’un verbe et d’un nom : leur pluriel suit la règle des mots simples ; ils prennent la marque du pluriel uniquement quand ils sont au pluriel (non, non, ce n’est pas un truisme !) et cette marque est portée par le second élément.
Un cure-dent, des cure-dents ; un garde-meuble, des garde-meubles (homme ou lieu de stockage) ; un abat-jour, des abat-jours.
Idem pour les noms composés d’une préposition et d’un nom : un après-midi, des après-midis ; un sans-abri, des sans-abris. Exception : quand le nom prend une majuscule ou quand il est précédé d’un article singulier : pas de marque du pluriel. Donc : des prie-Dieu, des trompe-la-mort.
(Nouvelles) graphies Suppression du trait d’union
On écrira (sans tiret) : d’arrachepied, un boutentrain, à clochepied, un fourretout, un passepartout, un piquenique, un porteclé, un croquemonsieur, un tirebouchon, un portemonnaie, un vanupied. [il y en a d’autres, je n’ai retenu que les mots les plus usités ou les nouvelles graphies les plus étonnantes].
Et aussi : autostop, branlebas, chauvesouris, hautparleur, lieudit, millefeuille, platebande, potpourri, prudhomme (nous y voici, MA2 !), quotepart, sagefemme, terreplein.
Et encore : blabla, bouiboui, grigri, kifkif, pêlemêle, pingpong, tamtam, traintrain.
Et voilà… ce n’est pas plus compliqué que cela ; les drogués du texto vont adorer, ils gagnent un caractère !
PS. Les plus passionnés d’entre vous trouveront grand intérêt à consulter le chapitre « Analyse » du texte en question car il contient un état des lieux du langage d’avant 1990, avec de nombreux exemples d’incohérences (identifiées grâce à l’informatique).
Concernant le trait d’union, on y rappelle :
§ ses différentes utilisations : dit-il, rapport qualité-prix, va-et-vient, le non-dit, le tout-à-l’égout, un chez-soi, un laissez-passer, le sauve-qui-peut,le qu’en-dira-t-on, un décor tape-à-l’œil… ;
§ les agglutinations déjà anciennes (pas de tiret) : portemanteau, betterave, vinaigre, pissenlit, chienlit, portefeuille, passeport, marchepied, hautbois, plafond et ses contre-exemples : pomme de terre, compte rendu… ;
§ les variations liées à la nature grammaticale : il intervient à propos, il a de l’à-propos ;
§ les changements de sens, de genre ou de nombre du mot composé par rapport à ses composés : un rouge-gorge est un oiseau, pas une gorge… un coq-à-l’âne n’est ni un coq ni un âne ni même une bête. Un pousse-café est une boisson mais plus violente que le café… Et de même pour gratte-ciel et franc-maçon.
§ les archaïsmes : grand-rue, nouveau-né, nu-tête
On en retire bien l’impression qu’il y a beaucoup d’aléatoire et de « relatif » dans tout cela, dû à l’histoire, avec cependant des régularités qu’il est assez facile d’exploiter, afin de simplifier l’orthographe sans la perturber.
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