30/01/2015
Les filles de rêve ne sont pas décevantes (IV)
Quant on arrive à Juliette, on apprend un mot rare : reviviscence (qui me fait penser à l’anglais revival) et on comprend que, disparaissant tragiquement, elle ne peut être acceptée dans la « cohorte » et rejoint l’autre camp, sœur d’infortune de Chimène, Phèdre, Hermione, Pauline, Bérénice, Andromaque, Iphigénie… (si j’ai bien compris). Bizarrerie, la fiancée d’Hippolyte, Aricie, aurait été repêchée par A. Corbin si Racine avait davantage développé sa figure. Pour une fois que c’est pas la faute à Voltaire !
Ophélie, « à la fois virginale et subtilement érotique, figure une fille de rêve intensément mystérieuse ; rendue inaccessible par son égarement et par sa nature même ». Et de trois.
La Belle au bois dormant de Charles Perrault est « un modèle de fille de rêve porteur d’un bonheur en rupture avec les malheurs ou la mort des précédentes… et lui a conféré une grande extension sociale ».
Le verdict sur Paméla n’est pas clair. Il semble qu’elle en soit mais, pour la première fois, avec l’âme sensible. Ça n’a pas l’air d’être rédhibitoire, bien au contraire. A. Corbin en profite pour glisser quelques formules bancales comme « l’effraction oculaire » ou « l’ouvrage de second rayon ». Passons.
Charlotte (celle de Werther et donc de Goethe) est une fille de rêve, bien que pas du tout évanescente.
Virginie aussi ! C’est le grand amour de Paul, raconté par Bernardin de Saint Pierre).
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29/01/2015
Les filles de rêve ne sont pas décevantes (III)
Concernant Iseut « Gardons-nous toutefois de surestimer cette figure de rêve qui demeure, somme toute, ambiguë » nous prévient A. Corbin. Mais alors, il n’y aurait que Diane comme vraie fille de rêve ? Les autres, elles font de la figuration, pour remplir 162 pages ? On croyait qu’il nous les avait sélectionnées, les vraies, les incontestables… et elles nous filent entre les doigts, chapitre après chapitre !
À propos de ces filles, savez-vous qu’on peut parler de leurs « appas » (ce qui séduit, ce qui charme et, dans un sens vieilli, « formes épanouies du corps féminin qui éveillent le désir » d’après le Hachette de 1991), alors que la pâture qui attire les animaux que l’on veut prendre s’appelle l’appât ? Malheureusement, l’appât est aussi ce qui exerce une attraction sur quelqu’un…
Cela m’amène à Béatrice, celle de Dante (fin du XIIIè siècle), qui, nous dit A. Corbin, est « le modèle absolu de la fille de rêve ». Mamma mia, en voici une autre ! On a donc à ce stade la matrice essentielle et le modèle absolu. Voyons la suite…
Manque de chance pour elle, « pour incarner totalement la fille de rêve, (il) manque à Laure (celle de Pétrarque) la virginité ». En effet, elle a eu la mauvaise idée de se marier. Lot de consolation, d’après A. Corbin, « elle ne saurait paraître fille de Vénus ». Alors quelle est-elle donc ?
J’ai déjà évoqué Dulcinée ; je n’y reviens pas car A. Corbin, dans le chapitre qui lui est consacré, parle surtout de Don Quichotte. Pauvre fille… Il abuse également de néologismes : proto-sexologie, pathologiser…
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28/01/2015
Les filles de rêve ne sont pas décevantes (II)
En tous cas, après un tel début, tant historique qu’axiomatique, le lecteur s’attend à un cheminement poétique mais balisé vers les heureuses élues, celles qui correspondent aux critères annoncés. « Le projet consiste à élire les figures des filles de rêve qui ont été prégnantes au cours du temps et de tenter de comprendre ce que les hommes des générations successives ont pu savoir de celles qui ont alimenté leur rêve ».
Hum, pas très clair le projet…
Sur Diane, il conclut que « La jeune fille prude mais gracieuse… constitue une matrice essentielle de la fille de rêve ». Bon.
« Dans quelle mesure le personnage de Daphné, connu des collégiens, des lycéens et des amateurs d’art a-t-il pu peser sur l’image que ceux-ci se faisaient des filles de rêve ? Sans doute moins fortement que les figures de Diane, d’Ariane ou de Nausicaa ». Un de chute, au suivant.
« … on peut juger qu’Ariane, de bien des façons, échappe aux caractères profonds, constitutifs de la fille de rêve et serait à ranger dans la cohorte des vénusiennes… ». Encore une mise sur la touche… Le lecteur patiente.
Ulysse abandonne Nausicaa mais lui promet de ne jamais l’oublier. « On comprend d’autant mieux la présence de Nausicaa dans la cohorte des filles de rêve inoubliables » conclut A. Corbin. Ah bon ? vous comprenez vous ? On découvre qu’il y a les filles de rêve inoubliables et les autres…
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