Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/02/2015

Lectures (I)

C’est sous ce titre plein de promesses – « Lectures » – que Michel Crépu, directeur de la Revue des deux mondes, a publié en 2009 son Journal littéraire des années 2002-2009. Il y consigne de menus événements de sa vie – « Tuileries, ciel bleu pâle sur la Seine grise », rencontrer tel écrivain, voyager ici ou là dans le monde – mais surtout il commente ses lectures, et elles se succèdent à un rythme effréné. Et il ne lit pas n’importe quoi : Plotin, Chateaubriand, Proust, Chalamov, Soljenitsine, Beckett…

Au premier abord, dans les premières pages, c’est décousu et désinvolte : il se contente souvent de phrases courtes, sans verbe, sans aucun liant. Parfois on ne comprend rien à ce qu’on lit, soit parce que c’est trop elliptique, sans développement, soit parce que le sujet philosophique traité nous échappe. Ce gars-là écrit abscons ; voici par exemple la péroraison de son avant-propos, sous le tire « Nautilus » : « À l’interchangeable du langage marchandise, on oppose ici l’expérience singulière d’un acte. À l’actualité brouillonne et forcenée, l’inactualité du signe, son feu précis ». Ça commence bien…

Chemin faisant, des fenêtres s’ouvrent sur l’actualité, brièvement évoquée : l’élection présidentielle…

Et pourtant, on lit sans difficulté les 444 pages de cet épais volume, d’autant que la phrase se fait plus ample quand on avance et qu’il attaque le commentaire des « gros morceaux » que sont les Bienveillantes (J. Littell) ou l’Archipel du Goulag (A. Soljenitsine). Il picore une phrase par ci par là ou alors il saute du coq à l’âne parce que tel passage le fait penser à un autre livre.

Pamela Anderson.jpgParlant d’un livre sur Proust qui vient de sortir, il regrette que l’on n’ait pas d’enregistrement de sa voix, de même que l’on n’a pas de photo de Chateaubriand (heureusement, on a Pamela Anderson sous toutes les coutures, pour l’éternité numérique…).

 

Je m’aperçois que je suis en train d’écrire la critique d’un livre de critiques littéraires ! Déjà que c’est difficile de dire ce que l’on pense d’un livre, si l’on ne veut pas raconter ni l’histoire ni le dénouement, et si l’on veut donner un avis « objectif », argumenté. Mais là, un avis sur des avis… Il reste que c’est fascinant de lire ce que pense un autre lecteur des livres qu’on a lus, et quel lecteur ! Donc je continue.

 

 

 

 

Il relit Sodome et Gomorrhe et, tout de suite, il est capable de disserter sur le comportement du baron de Charlus et de la princesse Sherbatoff. Puis il écrit : « Plus tard, le soir tombe sur la mer. Devant le Grand Hôtel, le drapeau claque et un orgue de Barbarie joue des valses viennoises. Apaisement. Dans la vie courante, il y a des poignées de secondes comme ça. Seul dans sa chambre, le narrateur réalise alors que sa grand-mère n’est plus. Le temps a changé de braquet : tout à coup, c’est le grand mystère de la mort ». Il a dit beaucoup de choses sur le livre sans vraiment le déflorer ; il est proustien.

Les commentaires sont fermés.