14/02/2015
La Méditerranée dans notre littérature
La France, carrefour entre le Nord et le Sud de l’Europe, est tournée vers la Méditerranée, entre autres parce que Grèce et Italie, grec et latin, sont deux piliers de notre civilisation, de notre culture et de notre langue (voir à ce sujet l’article de Chantal Delsol et Martine Méheut, Marianne, 9 janvier 2015). Jacqueline de Romilly, décédée récemment, s’est illustrée dans la défense de ces prestigieuses « langues mortes » et, dans un livre récent, dont j’aurai l’occasion de parler (quand je l’aurai lu), la linguiste Henriette Walter revient sur tout ce que notre vocabulaire doit au latin. Par ailleurs il est connu que les Français sont passionnés d’égyptologie et constituent la deuxième cohorte, après les Américains, dans les ruines de Louqsor et d’Abou Simbel. Et ne parlons pas ici du bout de chemin que nous avons parcouru avec les peuples du Maghreb et de la friction (dans tous les sens positifs et négatifs du terme) entre notre langue et l’arabe.
La littérature illustre ce tropisme vers la Méditerranée.
Sans remonter à l’Itinéraire de Paris à Jérusalem (Chateaubriand) ni à Salambô (Gautier ou Mérimée ?), je peux citer nombre de chefs d’œuvre francophones qui doivent tout à la culture du pourtour méditerranéen.
J’ai déjà parlé des deux livres de Michel Déon sur la Grèce.
Jacques Lacarrière, helléniste réputé, a publié au milieu des années 70, son Été grec qui a eu un immense succès.
Dans un style très « régionaliste », pittoresque et presque « documentaire », Marcel Scipion a écrit deux ou trois livres très attachants qui restitue la Provence et ses odeurs.
Et, dans mon Panthéon littéraire, j’hésite à choisir entre Giono et Durrell…
La Méditerranée a été le cadre de vie et l’inspiratrice de Laurence Durrell, né en Inde mais mort à Sommières dans le Gard, et en premier lieu de son chef d’œuvre Le Quatuor d’Alexandrie. Ce roman-fleuve ou plutôt cathédrale, raconte la même histoire de quatre façons différentes, en transcrivant à merveille les senteurs et les façons de vivre de l’Égypte des années 50. Mais ses autres livres, plus ramassés et moins romanesques, sont également envoûtants : Vénus et la mer, Cefalu, Citrons acides, couronnés par l’Esprit des lieux qui théorise et illustre le concept d’îlomane… quelles merveilles !
Ouvrage de commande, le Carrousel sicilien n’est guère qu’un guide de voyage, comme d’ailleurs le Voyage en Italie de Giono. Pour d’autres raisons (il est Américain…), Arthur Miller et son Colosse de Maroussi ont fait mille fois moins bien que Durrell et ses îles de rêve (à éviter).
Mais que dire de Giono et de son œuvre foisonnante, lyrique, magique, à la langue sobre et inventive ? Il faudrait tout citer, chaque livre baignant dans la lumière, les traditions et les passions méditerranéennes : Le Moulin de Pologne, le Hussard sur le toit, Angelo, le Bonheur fou…
Et bien sûr, prolongeant Giono, c’est Pierre Magnan qu’il faudrait citer ! Le disciple qui arrive au moins à la ceinture ou à la poitrine du Maître…
Mais je m’arrête là car ce serait déflorer tous les billets qu’il me reste à écrire sur ces écrivains et leur monde enchanteur.
Tiens à propos de chanteur, terminons donc aujourd’hui par Georges Moustaki, italo-grec né en Égypte, et sa Méditerranée :
Dans ce bassin où jouent
Des enfants aux yeux noirs,
Il y a trois continents
Et des siècles d'histoire,
Des prophètes des dieux,
Le Messie en personne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Il y a l'odeur du sang
Qui flotte sur ses rives
Et des pays meurtris
Comme autant de plaies vives,
Des îles barbelées,
Des murs qui emprisonnent.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Il y a des oliviers
Qui meurent sous les bombes
Là où est apparue
La première colombe,
Des peuples oubliés
Que la guerre moissonne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Dans ce bassin, je jouais
Lorsque j'étais enfant.
J'avais les pieds dans l'eau.
Je respirais le vent.
Mes compagnons de jeux
Sont devenus des hommes,
Les frères de ceux-là
Que le monde abandonne,
En Méditerranée.
Le ciel est endeuillé,
Par-dessus l'Acropole
Et liberté ne se dit plus
En espagnol.
On peut toujours rêver,
D'Athènes et Barcelone.
Il reste un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
07:30 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
12/02/2015
Écrivains contemporains de langue française : Michel Déon (XIII)
Pour moi, il y a trois Michel Déon écrivain : l’auteur primé et célèbre des Poneys sauvages, du Taxi mauve et du Jeune homme vert ; l’auteur prolifique de romans ou de journaux de voyage (Je vous écris d’Italie, Je ne veux jamais l’oublier…) ; le jeune « Hussard » qui habitait dans les îles grecques et qui a raconté cette période de sa vie dans Le rendez-vous de Patmos et le Balcon de Spetsaï.
Malheureusement pour moi et pour lui, je l’ai lu dans l’autre sens : j’ai été emballé par ses nouvelles de la mer Égée, après m’être passionné pour la Grèce, son ciel bleu, ses témoignages architecturaux des débuts de la démocratie, la musique de Mikis Théodorakis et les « Songs from a room » de Leonard Cohen, ses maisons blanches et son régime crétois.
Beaucoup plus tard, j’ai repris le filon « Déon »… et je suis tombé de haut avec ses bavardages de dilettante et les intrigues improbables de sa deuxième manière. Malgré son titre prometteur, « Je ne veux jamais l’oublier » (1950), qui raconte le grand amour d’un dandy parisien à Venise, Florence et Paris, est superficiel, artificiel, sans profondeur. « Un souvenir » (1990), malgré un argument attirant (retrouver son premier amour en Angleterre, au moment des bilans) est lui aussi écrit dans un style relâché. L’idée du dialogue avec l’adolescent qu’était alors le narrateur n’est pas bonne ; le téléfilm (avec Daniel Prévost), émouvant, a fait bien mieux, ce qui est tout de même très rare pour un film ; il a d’ailleurs changé la fin. Pourquoi ?
Et si c’est pour nous refaire le coup de « À nous les petites Anglaises », autant aller voir du côté d’Alain Fleisher et de son « Amant en culottes courtes », débridé et vraiment érotique.
J’ai lu, je crois, « Je vous écris d’Italie » mais n’en ai pas gardé trace…
Comme quoi la vaccination, ça ne marche pas : je repique (…) dans le Déon de « Tout l’amour du monde » (1955) quelques années plus tard. Bis repetita : dandysme, cosmopolitisme, superficialité, avec beaucoup de culture autour. Il se place en disciple de Paul Morand qui, soit dit en passant, a frôlé la collaboration. On lit néanmoins quelques belles pages, et surtout les deux derniers chapitres sur Bellagio et sur la Grèce, lyriques et prémonitoires. La fin, très belle, donne envie de garder le livre, tout de même…
Enfin, dernier Déon en date dans mon parcours de lecture, « La montée du soir » (1987). Là, il essaie de mettre du style mais c’est raté… c’est plat et sans souffle, malgré quelques touches qui se veulent poétiques.Le scénario lui-même est peu crédible : une femme distante mais consentante, qui n’est pas sûre d’aimer les hommes, une maîtresse qui part sans crier gare avec le mari d’une amie considéré comme nul, des allers et retours pour retrouver sa canne de marche tombée dans un ravin… Ça doit globalement être pensé comme une métaphore de la vieillesse (« quand tout nous abandonne… ») mais dans le genre, Léo Ferré a fait mille fois mieux (« Avec le temps »).
Reste ses livres qui ont reçu des prix, ceux de la période irlandaise et Académie française… désolé, je ne les ai pas lus… ça reste à faire, pour pouvoir conclure. Mais d’ores et déjà, dans la famille « écrivains mineurs », à tout prendre, je préfère mon Jean d’O.
Ah, j’oubliais, qui est-il ?
Voici ce qu’en dit Wikipedia :
« Édouard Michel, dit Michel Déon, né à Paris le 4 août 1919, est un écrivain, romancier, dramaturge, et académicien français. Il a tout d'abord adopté Michel Déon comme nom de plume avant d'en faire son patronyme légal (autorisation accordée par le Conseil d'État du 19 octobre 1965). Il est généralement rattaché au mouvement des « Hussards ». Après une enfance passée entre le 16e arrondissement de Paris et la Côte d'Azur (sic), il fait des études de droit tout en songeant déjà à une carrière littéraire ». À 95 ans, il est vice-doyen de l’Académie française.
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31/01/2015
Les filles de rêve ne sont pas décevantes (V)
On sent que A. Corbin écarte la sylphide de Chateaubriand car elle naît d’une confession un peu psychiatrique et non pas d’une création poétique ou romanesque. C’est très subtil, réfléchissez bien. Elle aussi se retrouve entre Diane et Vénus.
Graziella fut réédité près de « quatre-vingts fois » (sic). Encore un qui n’a pas lu tous les billets de ce blogue. On lit aussi « Pour avoir considéré la jeune fille transfigurée par les larmes, l’image de Graziella… » ; c’est une phrase qui n’a pas été relue. Foin de la belle écriture, A. Corbin inclut cette égérie de Lamartine dans les filles de rêve ; après tout, c’est lui le patron !
Aurélia (de Gérard de Nerval) subit le même sort que la sylphide car elle ressortit plus de la rêverie que du rêve (sic). Historiquement, sa figure coïncide avec la dissolution progressive de la figure (de la fille de rêve), à partir du milieu du XIXè siècle.
Avec une exception, célébrissime : Yvonne de Galais. Elle a certains traits de Diane et clôt la cohorte, « dont on aura, je pense, saisi la cohérence ».
On peut rêver…
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