28/01/2015
Les filles de rêve ne sont pas décevantes (II)
En tous cas, après un tel début, tant historique qu’axiomatique, le lecteur s’attend à un cheminement poétique mais balisé vers les heureuses élues, celles qui correspondent aux critères annoncés. « Le projet consiste à élire les figures des filles de rêve qui ont été prégnantes au cours du temps et de tenter de comprendre ce que les hommes des générations successives ont pu savoir de celles qui ont alimenté leur rêve ».
Hum, pas très clair le projet…
Sur Diane, il conclut que « La jeune fille prude mais gracieuse… constitue une matrice essentielle de la fille de rêve ». Bon.
« Dans quelle mesure le personnage de Daphné, connu des collégiens, des lycéens et des amateurs d’art a-t-il pu peser sur l’image que ceux-ci se faisaient des filles de rêve ? Sans doute moins fortement que les figures de Diane, d’Ariane ou de Nausicaa ». Un de chute, au suivant.
« … on peut juger qu’Ariane, de bien des façons, échappe aux caractères profonds, constitutifs de la fille de rêve et serait à ranger dans la cohorte des vénusiennes… ». Encore une mise sur la touche… Le lecteur patiente.
Ulysse abandonne Nausicaa mais lui promet de ne jamais l’oublier. « On comprend d’autant mieux la présence de Nausicaa dans la cohorte des filles de rêve inoubliables » conclut A. Corbin. Ah bon ? vous comprenez vous ? On découvre qu’il y a les filles de rêve inoubliables et les autres…
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27/01/2015
Les filles de rêve ne sont pas décevantes (I)
Elles n’ont pas fait de commentaires mais elles ont sûrement été fâchées… les filles de rêve que je connais, par mon billet du 17 janvier 2015.
Mais non, vous n’êtes pas décevantes, bien au contraire !
Pour bien me faire comprendre, je suis obligé de revenir sur le livre éponyme d’Alain Corbin et sur sa définition d’icelles.
Alain Corbin ne parle pas de filles réelles, dont on peut rêver il est vrai mais en référence à des « modèles suggérés par les lectures, la contemplation de tableaux et de statues (sic !), la fréquentation des théâtres ou de l’opéra » ; son livre a donc pour objet « une cohorte de filles de papier qui ont conditionné partie de l’imaginaire amoureux, sans que soit directement sollicité le désir vénérien ».
De quelles qualités leur vient donc leur emprise ? la beauté et le teint du visage, les yeux et l’éclat de leur regard, leurs cheveux (désolé mais ce sont des blondes, la plupart du temps…), la finesse de leurs mains et de leurs chevilles, leur maintien. « La fille de rêve ignore la puissance érotique de ses formes, dont elle ne fait pas l’exhibition. Elle est pudique, grave, réservée. Elle semble parfois inaccessible ». Côté moral, sa piété, sa sensibilité, sa tendresse, son courage, sa compassion. « Par définition, dans l’esprit des hommes, la fille de rêve est vierge, intacte, préservée ».
Pour Alain Corbin, la dualité, dans l’esprit des hommes, entre Vénus et Diane, a atteint son apogée au XIXè siècle et « la rupture radicale qui s’est opérée vers 1960 a refoulé non seulement dans le passé, mais dans la sphère de l’incompréhensible, voire du répréhensible, tout un pan de l’imaginaire amoureux ».
Pourquoi les années 60 ?
Alain Corbin invoque d’abord les artistes, peintres et écrivains, qui auraient abandonné Diane pour Vénus comme source d’inspiration. Surtout il décrit « le grand siècle du flirt (1870-1960). Pour nombre de raisons, les jeunes filles de l’élite cultivée perdent de leur mystère. Elles voyagent, font du sport, fréquentent les villes d’eau. On leur autorise la lecture de romans sentimentaux plus osés que naguère. Désormais, elles acceptent le croisement des regards désirants, les frôlements et les caresses, subtiles tout d’abord, puis profondes (sic)… (elles) attendent le voyage de noces, pratique en pleine expansion ».
« Tout change à la fin des années 1950 » avec les nouvelles méthodes de contraception. « Ce qui avait constitué la texture des filles de rêve depuis plusieurs siècles n’a désormais plus cours ». Les Belles au bois dormant n’acceptent plus d’attendre un siècle le Prince charmant…
À partir des années 70, tout s’accélère (l’impudique, la pornographie, les émissions de radio et les magasins « spécialisés »…).
Vénus a triomphé de Diane.
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18/01/2015
Des irs (Charles Aznavour)
Dans l’émission « Hier encore » de France 2, le 17 janvier 2015, Pierre Arditi a lu ce poème de Charles Aznavour, sorte d’ode aux verbes en –ir, ceux du deuxième groupe de notre enfance.
Les deux verbes qui le débutent et le terminent illustrent bizarrement, fortuitement, les événements tragiques de ces derniers jours…
Et ce bout rimé rappelle la créativité et la maîtrise de la langue de Charles Aznavour, 90 ans, natif d’Arménie, compositeur de centaines de chansons, défenseur infatigable de la chanson française et de l’esprit français, patriote qui n’oublie pas d’aider son pays d’origine quand la catastrophe le frappe.
Comme quoi...
Le rire est le propre de l'homme,
Hennir est celui du cheval
Pourrir est celui de la pomme,
Jouir, le devoir conjugal.
Nourrir est celui de la mère.
S'enfuir, celui du prisonnier.
Souffrir, la peur du pauvre hère.
Pétrir, celui du boulanger.
Trahir est le plaisir du traître.
Ouvrir, celui de l'huîtrier.
Bénir est le devoir du prêtre.
Noircir, la foi du charbonnier.
Jaillir est celui de la source.
Bondir, le ressort du ballon.
Ravir, celui de la Grande Ourse.
Courir, la foi de Marathon.
Unir est la fonction du maire.
Chérir, le bonheur des amants.
Fourbir celui du militaire.
Dormir, celui du fainéant.
Punir est le devoir du maître.
Bâtir, le bonheur du maçon.
Offrir, le plaisir de tout être.
Grandir, le but du petit con.
Rougir est celui de la vierge.
Haïr est celui du cocu.
Saillir, celui de la verge.
Surgir, celui de l'inconnu.
Blanchir, c'est le divin mystère.
Souffrir, c'est le mal des humains.
Vieillir, c'est notre lot sur Terre.
Finir, c'est le mot de la fin.
Et mourir, ça ne mène à rien.
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