30/03/2015
Lectures (VI)
Michel Crépu a lu l’Africain de J.-M.G. Le Clézio, « évocation simple d’une enfance africaine, puis des retrouvailles (avec son père, médecin anglais), à la fin ». Il a aimé : « Chef d’œuvre évident ».
Il cite et je recopie : « Vers le nord et l’est, je pouvais voir la grande plaine fauve semée de termitières géantes, coupée de ruisseaux et de marécages, et le début de la forêt, les bosquets de géants, irokos, okoumés, le tout recouvert par un ciel immense, une voûte de bleu cru où brûlait le soleil, et qu’envahissaient, chaque après-midi, des nuages porteurs d’orage ».
Et il conclut « Le vrai Le Clézio est là ».
Ça me donne envie de le lire, ce livre que j’ai dans ma bibliothèque depuis longtemps, chiné ici ou là.
En écrivant, j’écoute « The secrets of the dead sea » d’Érik Truffaz, c’est tout à fait l’ambiance qu’il me fallait.
Au détour de la page 177, il déboule tout d’un coup sur Saint Augustin. C’est aussi le moment où je lâche prise ; je vous avais prévenu dans le premier billet « Lectures », il est terrible côté philosophie !
Observant une pause avec Plotin, il retourne à « certaines pages des Confessions qu’il aime particulièrement ». Et ça, ça ne serait rien ; il possède plusieurs traductions et il les compare !
Il faut absolument que je vous donne quelques-uns des morceaux de bravoure de ces pages transcendantes (justement, je suis passé à « Time will tell » de « Tower of power », en public, et ça plane).
« Naturellement, le tutoiement (ou vouvoiement) est, si je puis dire, la christian touch des Confessions, tout ce qui distingue radicalement Augustin du Plotin de ses années néoplatoniciennes ». Si quelqu’un pouvait m’expliquer…
« On ne saurait mieux définir la lectio divina de la grande tradition monastique dont parle le bénédictin Jean Leclercq dans son livre «L’amour des lettres et le désir de Dieu ». J’l’ai pas lu.
Plus loin, je lis « insistance sur la nécessité d’apprendre les finesses de la langue, sa texture, sa matérialité même, pour entrer à l’intérieur de l’Écriture. Pas de contemplation digne de ce nom sans une relation d’intimité à la vie du langage, sans un savoir rhétorique ». Là, ça me parle plus ; ainsi donc, les efforts que je fais pour bien parler et écrire le français pourraient me servir un jour à quelque chose…
Je termine ce billet accompagné du Chicago de « Saturday in the park », et ça suffit à mon bonheur pour l’instant.
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19/03/2015
Lectures (V)
Donc, un matin d’avril 2004, un mardi, M. Crépu décide « solennellement » de relire tout Balzac.
Voici l’ambiance : « Deux heures du matin, petit vent dans la cheminée, froid sibérien dans la cour » !
« Mise en jambe avec Louis Lambert, La maison du chat qui pelote, puis haute mer immédiate avec le Lys dans la vallée. Le Lys, ce sont les Hauts de Hurlevent sur les bords de l’Indre, un ouragan en Touraine ».
Et voici comment il rend l’impression que lui donne cette lecture : « La violence du paysage qui entoure le château de Clochegourde comme une frondaison énorme. Le paysage tourangeau si calme, si doux, emporté par une lame de fond. Au centre, il y a ce petit caillou blanc où vivent le comte acariâtre et la comtesse en chrétienne romantique, martyre et folle amoureuse, les enfants maladifs, Félix tel un hanneton détaché de Paris, etc. : le vertige sentimental est compris à l’intérieur d’un vertige végétal ».
Chapeau bas, non ?
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18/03/2015
Lectures (IV)
Dans son Journal littéraire 2002-2009, Michel Crépu revient plusieurs fois sur le livre que Marc Fumaroli a consacré à Chateaubriand. Il y avait eu le chapitre sur ses liens avec Rousseau ; en février 2004, il s’agit de le comparer avec l’écrivain anglais Byron.
Michel Crépu écrit : « Demeure cette solitude de Byron qui me touche, au final, plus que celle de Chateaubriand. Littérairement, Chateaubriand est plus grand que Byron. Peut-être. On ne pourra jamais vraiment savoir, nombre de manuscrits de Byron ayant été brûlés. Byron a payé très cher le fait d’être Byron ».
Je n’ai pas lu Byron et au train où vont les choses (et où s’entassent chez moi les livres que j’ai envie de lire), ce n’est pas près d’arriver.
C’est plutôt sa fille que j’ai côtoyée, si l’on peut dire, à la fin des années 1970, quand a été développé en France, pour le département de la Défense des États-Unis, un nouveau langage informatique baptisé Ada, en hommage à la seule fille légitime de Lord Byron, mathématicienne et surtout première informaticienne au monde, au milieu du XIXè siècle. Elle a été, en effet, la première à décrire un programme, au sens moderne du terme, permettant de calculer automatiquement les nombres de Bernoulli, en utilisant la machine de Charles Babbage. Ce n’est que dans les années 30 qu’Alan Turing, un autre Anglais, formalisera la notion de calculateur universel, capable de manipuler des symboles.
Je n’ai pas lu non plus Kafka, même pas « le Procès »… Michel Crépu en fait grand cas, c’est sûrement mérité. Il raconte (page 62) qu’à la fin de sa vie, il tombe amoureux d’une jeune fille de dix-neuf ans (Wikipedia dit : 25 ans). Écoutons-le.
« Il (Kafka) est parti à Berlin rejoindre Dora Diamant, rencontrée à Müritz, sur la Baltique, où se trouve une Jüdisches Volksheim, colonie de vacances pour enfants juifs (nous sommes en 1924). Dora… fait la cuisine pour la colo et elle est tombée sous le charme de cet homme décrit par Citati comme de haute taille, ironique et doux. Elle le veillera jusqu’au bout. À la fin, elle complète les lettres que Kafka est incapable de finir ».
C’est beau, non ?
Le 19 mai 1924, Dora écrit aux parents de Kafka : « …voir par vous-mêmes à quel point Franz est bien ici. Il est étendu au balcon de sept heures du matin à sept-huit heures du soir. Jusqu’à midi ou plus exactement jusqu’à deux heures, il y a le soleil, qui s’en va ensuite chez d’autres patients qui se trouvent de l’autre côté, et il est remplacé par des senteurs merveilleuses et enivrantes qui montent peu à peu du fond de la vallée et qui agissent comme un baume. Jusqu’au soir, il gagne en intensité jusqu’à devenir presque insupportable, c’est incroyable ».
Pas mal la petite, non ? On se croirait dans « Der Zauberberg (La montagne magique) » de Thomas Mann…
Et en effet Crépu ajoute : « Kafka meurt le 3 juin 1924 à Kierling, près de Vienne, dans le sanatorium du docteur Hoffmann ».
Cela m’amuse et me touche que ce soit l’écrivain auvergnat Alexandre Vialatte qui ait traduit et fait connaître Kafka en France. Et encore plus que Gabriel Garcia-Marquèz ait réalisé, à la lecture de « La Métamorphose » qu'il était possible « d'écrire d'une autre façon ».
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